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Posted on 29 mai 2010 in Vins suisses

Domaines Hammel: des rouges anticycliques

Domaines Hammel: des rouges anticycliques

Fabio Penta, Domaines Hammel, Rolle

Des rouges anticycliques

En avance sur son temps, le duo Rolaz-Penta a planté des rouges alors «exotiques» en pays de Vaud sur les domaines Hammel, il y a vingt ans.
Par Pierre Thomas
«Nous sommes intimement persuadés que, dans le canton de Vaud, nous avons des terroirs aussi bons qu’en Bourgogne, qu’à Bordeaux ou qu’en Côtes-du-Rhône, pour peu qu’on limite sérieusement les rendements». Style un brin «british», Charles Rolaz, patron de la maison Hammel, à Rolle, appuie sur chaque mot. Encore fallait-il le démontrer… De retour dans la maison familiale il y a vingt ans, après du droit à la City londonienne, le copropriétaire des quatre domaines familiaux a commencé à planter des cépages rouges dits «internationaux», comme le merlot, les cabernets, sauvignon et franc, et la syrah. Au moment où les Vaudois préféraient miser sur le gamaret et le garanoir, fruits de Changins, mais sans notoriété. Ainsi, l’audace et la méfiance s’entrecroisent…
Une entreprise dans l’entreprise
Derrière ces «spécialités», il y a un œnologue «maison», Fabio Penta, 40 ans. Il n’a certes pas le titre d’ingénieur ETS, sur lequel ses (presque) homologues sont si tâtillons, mais un «cursus» commencé par un apprentissage chez Hammel, il y a 25 ans, puis l’école d’œno de Changins, un brevet et une maîtrise fédérale. Et c’est lui qui a «accouché» tous les vins, au milieu de cuves plus ou moins volumineuses. «Nous sommes une entreprise dans l’entreprise et nous traitons 300’000 kilos de raisin dits de spécialités», explique-t-il, dans la cave créée en 1995.
Tout le processus, de la réception et du tri de la vendange jusqu’à la mise en bouteille, se fait à côté de la «grande cave». Cette annexe abrite tout de même une dizaine de cuves de fermentation tronconiques en bois, une batterie de cuves inox, une douzaine d’amphores en béton et un chais de 350 barriques. Chaque année, 50 fûts neufs sont commandés auprès de deux tonnelleries. «On a commencé avec sept fournisseurs, puis on s’est rendus compte que nous étions plus respectés comme gros acheteurs chez François Frère et Taransaud. On va sur place choisir le chêne, sèché pour nous, et vérifier le degré de chauffe des barriques», raconte Fabio Penta, pour qui les nombreux voyages en régions viticoles sont autant d’occasions de formation continue.
Tabler sur l’effet terroir
Pour qui n’a pas dégusté les vins issus de ce processus, la menace de l’internationalisation du produit guette. Ce serait compter sans l’«effet terroir». «L’avantage du système suisse des appellations d’origine contrôlée (AOC), c’est qu’il ne limite pas les cépages à un lieu donné. En rouge, on n’a pas encore fait le tour de la question», estime Charles Rolaz, défenseur des assemblages de raisins issus de vignes «complantées sur un même coteau». «Cela oblige à agir sur les dates de vendanges : on fait des contrôles réguliers dès le 15 août, pour obtenir une carte d’identité des raisins», complète l’œnologue, adepte de macérations préfermentaires longues (5 à 10 jours).
Le résultat, après un élevage en barriques de 12 à 18 mois? Des rouges modernes, complexes, élégants… et atypiques. Mais par rapport à quoi ? «Nous avons pris le virage des rouges vaudois en avance», affirme Charles Rolaz. Avec la volonté d’«élaborer des vins de garde qui atteignent leur apogée après dix ans, en procurant du plaisir et des sensations différentes des vins jeunes.» Est-ce bien raisonnable, quand les consommateurs n’ont plus la patience d’attendre et privilégient les vins jeunes, fruités et puissants ? «Nos rouges sont anticycliques», constate Charles Rolaz. Et les 40’000 bouteilles d’assemblages rouges divers et variés, vendus à bon prix («on crèe de la valeur ajoutée») trouvent preneurs sans peine : «Les sommeliers en sont friands !»

Quoi ?
Quatre domaines (30 ha) : Domaine de Crochet à Mont-sur-Rolle (10 ha), Clos du Châtelard à Villeneuve (8 ha), Clos de la George à Yvorne (7,5 ha), Domaine du Montet à Bex (5 ha).
Comment ?
Vendu par Hammel SA à Rolle, chez des revendeurs et en gastronomie.
Combien ?
Une trentaine de vins, de 14,40 fr. (chasselas) à 48,50 fr. (Quintessencia 2007, vin rouge de paille, type Amarone, à base de cabernet franc, sur le marché cet été).
Où ?
Jeudi 10 juin 2010, dégustation à la Maison Jaune, à Cully, de 16 h. à 20 h. www.hammel.ch

Les 3 coups de cœur de notre expert

Chasselas 2009
Domaine du Montet, 14,40 fr.

Notes anisées au nez ; en bouche, joue sur le binôme souplesse – acidité (20% sans fermentation malolactique) ; du gras et une finale saline. 15’000 bouteilles. «On va transposer le succès des rouges sur les chasselas !», promet Fabio Penta.

Anthologie 2007
Clos du Châtelard, 24,50 fr.

Nez de lard fumé, d’âtre chaud ; bonne structure, avec des arômes de fruits rouges bien présents en fin de bouche et des tanins fermes. Le seul vin de la gamme qui comprend, outre les cépages «internationaux», une part de gamaret. 4’500 bouteilles.

Cuvée Charles-Auguste 2007
Domaine de Crochet, 39 fr.

Nez épicé, poivré, trahissant la syrah (70%, complétée par les cabernets franc et sauvignon et un peu de merlot) ; souple à l’attaque ; beau volume en bouche ; des notes de fumée froide et des tanins encore jeunes. Un rouge construit pour durer et sélectionné par la Mémoire des Vins Suisses (www.mdvs.ch). 5’000 bouteilles.

Une fois par mois, notre expert Pierre Thomas fait le portrait d’un vigneron et de son domaine (www.thomasvino.ch).
Paru dans le quotidien 24 Heures du 28 mai 2010.