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Posted on 14 février 2011 in Carte Postale

Percée du Vin Jaune 2011: on a retrouvé Christophe

Percée du Vin Jaune 2011: on a retrouvé Christophe

Carte postale d’Arbois

On a retrouvé Christophe M.


arbois_menozzi.jpgA la Percée du Vin Jaune, début février 2011 (5 et 6), à Arbois, on a retrouvé Christophe Menozzi, l’ex-meilleur sommelier de Suisse, il y a exactement dix ans. Moustache au vent…
On l’a vu à la Balance Mets et Vins, excellent restaurant de la ville, où le chef Thierry Moyne se décarcasse pour inventer des accords astucieux entre le savagnin élevé six ans et trois mois (au moins) sous voile, ou l’utiliser dans ces recettes.
On l’a croisé avec un carton de vieux millésimes sous le bras se rendant à la vente aux enchères. Le Genevois Pierre Chevrier (frère du grand chef Philippe) a cassé sa tirelire pour emporter un vin jaune de 1774 à la criée à 57’000 euros. Même avec un taux d’euro bas par rapport au franc suisse, cela fait cher le flacon ! Même si celui-ci, d’un lot bu par Louis Pasteur lui-même, n’est pas un clavelin (de 62 cl), mais une bouteille bourguignonne (de 87 cl)… De quoi perdre la tête quand on sait que la vigne fut taillée sous Louis XV et vendue sous Louis XVI. Dans le beau bourg d’Arbois, l’Histoire suinte tous les murs, toutes les caves (il y en avait une soixantaine d’ouvertes au public). Et puis, Christophe Menozzi, après avoir vendu son beau restaurant de Besançon (ex-Mungo Park), va ouvrir une Maison des vins du Jura non pas à Arbois, mais sur la place principale de Poligny, juste à côté, ces prochains mois.
Sous les voûtes de la monumentale cave de l’Hôtel-de-Ville (juste en face de Jean-Paul Jeunet, la meilleure adresse gastronomique du Jura français depuis des lustres), il a passé rapidement en revue pour nous une alignée d’une cinquantaine de bouteilles. Une première : les vignerons de la Percée étaient invités à présenter un vin «coup de cœur» perso. Il n’y avait pas que du Jaune, un breuvage qui occulte parfois la magnifique diversité des vins du Jura, très originaux, et qui peuvent surprendre les palais les plus aguerris.
On a donc dégusté, et les rouges avant les blancs. Et bien aimé le Poulsard 2009 du Domaine de la Pinte (note de 90/100) : joli fruité, boisé bien maîtrisé, mais présent, belle longueur et goût de cerises rouges et noires ; bien construit et élégant. Bien, le Trousseau 2009 de Morel et Thibaut (note 90/100), avec un nez floral de pivoine, un éger boisé, de la fraîcheur et une note finale d’amande amère. Un Trousseau encore (toujours 2009, note 88/100), du Château de Quintigney (Carteau-Bougard), très sauvage et vanillé, du boisé : bien élevé, mais caractériel quand même ! Joli Trousseau 2009 de Frédéric Lambert (note 85/100), léger, au nez de framboises, de fruits à noyau et une finale sur l’amande (encore). De même le Trousseau 2009 de Frédéric Lornet (note 85/100), un vigneron original, qui a des vignes à Saint-Chinian aussi (Château Fontache) ; joli nez d’herbes sèches, de fruits rouges, avec une note de cuir en finale. Des arômes retoruvés sur le Trousseau 2008, cette fois, de Sylvie et Luc Boilley (note 85/100), avec les mêmes arômes d’herbes sèches mêlées de cuir et une astringence finale — 2008 n’est pas 2009, c’est sûr ! Plus loin dans le temps (2007), le Trousseau du Domaine de la Petite Marne, des frères Noir, à Poligny, un domaine tout récent qui a viré bio et qu’il faudra suivre : joli fruité, de raisinets, juteux, original (noté 85/100)… Etonnant Côtes du Jura 2006 de Jean Bourdy, un spécialiste des vieux millésimes (Menozzi dixit !), noté 90/100, presque doux, aimable, avec un boisé assez marqué et des fruits rouges et une légère astringence finale. Rayon pinot, un 2003 (!) signé Fumey et Châtelain, Les Grands Champs, noté 85/100, qui pinotait agréablement au nez, au léger boisé en passe d’être fondu et avec des tanins encore bien là, malgré l’âge et la canicule… Ces rouges mutins se rapprochent des vins des Alpes, mondeuse du Chablais ou de Savoie, furmin de la Vallée d’Aoste, humagne ou cornalin du Valais : des parentés d’arômes incontestables.
Après cette salve de rouges, les blancs. Faut-il l’avouer ? L’exercice est plus difficile. J’ai apprécié un Savagnin 2009 du Domaine des Marnes Blanches (90/100), au nez explosif de mangue, de pamplemousse et de glycine ; presque valaisan ! La Fleur de Marne 2007 de Labey, La Chalasse (noté 88/100) était très surprenant, à la fois concentré et avec une pointe de sucrosité finale. Le Château d’Arlay 2006 (noté 85/100) alternait arômes de fruits mûrs (abricot, pêche, mirabelle) mais aussi miel d’accacia : une évolution bien maîtrisée. D’autres commercialisent des vins jaunes à peine déguisés, comme le Château de l’Etoile 2007 ou le Vieilles Vignes L’Etoile 2007 de Philippe Vandel.
Mais tant qu’à faire, pourquoi ne pas préfèrer l’original à la copie ? Les vins jaunes, les vrais, c’est encore une autre paire de manches. J’ai bien aimé l’élégance sans lourdeur, la structure ample et déliée de celui de Philippe Butin 2000 ; le côté gras, presque vieux rhum du Domaine Pêcheur 2002 ; la souplesse, mais aussi la complexité, sur le céleri et le curry, du Château-Châlon de Courbet 2003, un grand classique ; son collègue J.-C. Credoz, dans la même appellation et le même millésime, signe lui aussi un vin gras, puissant, long en bouche, comme le Domaine Grand, avec son climat En Beuret, toujours en Château-Châlon 2003, puissant, avec des arômes typiques de curry, mais élégant et sans lourdeur.
Notés combien, ces Vins Jaunes ? Eh bien, pour ne pas faire de jaloux et souligner l’originalité dans la variété de ces nectars si rares, 90/100 à tout le monde. On se réjouit d’aller faire un tour à la Percée 2012 dans un petit village, Ruffey-sur-Seille : un seul vigneron, dit-on, un boulanger et trois cents âmes… Si 60’000 amateurs s’en vont découvrir les vins, ce sera l’émeute au village,  mais tout le canton viendra à la rescousse, m’a-t-on promis…
Pierre Thomas, Arbois, février 2011, ©texte et photos
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