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Posted on 14 janvier 2005 in Vins européens

Portugal — La route des vins du Douro

Portugal — La route des vins du Douro

Un rallye vitivinicole sous haute surveillance

Vous aimez les routes sinueuses et les paysages vertigineux? La Vallée du Douro est faite pour vous! A condition de ne pas abuser, au volant s'entend, de son plus précieux liquide: le porto. Si l'UNESCO protège ce vignoble depuis 2001, les policiers portugais ne badinent pas.
Reportage: Pierre Thomas
Jusqu'il y a quinze ans, la vallée du Douro n'avait (presque pas) droit à l'existence. Qu'aller voir dans cette contrée à l'écart des grands axes routiers, sinon une enfilade de vignes? Des vignes qui produisaient du raisin, bien sûr, et même du vin, mais immédiatement acheminé à Porto, ou plutôt à Villa Nova de Gaïa. Les deux lieux sont bâtis sur les deux rives du Douro, grand fleuve européen de 850 km, né en Vieille-Castille (Espagne), sous le nom de Duero. A son embouchure dans l'Atlantique, Porto et Gaïa, par contraction, ont donné son nom au Portugal…
Un vin doux bien élevé
Au panthéon de Bacchus, le porto occupe une place particulière: c'est un vin doux, muté à l'alcool. En clair, cela veut dire que pour garder de la douceur dans le produit fini, on bloque la transformation du sucre en alcool par l'ajout d'eau-de-vie, qui tue les levures et les bactéries. Ainsi conserve-t-on à la fois la douceur et obtient-on un haut degré d'alcool, autour de 22°, alors qu'un vin sec dépasse rarement les 14° d'alcool.
Ensuite, le porto se décline en de nombreuses qualités, suivant le temps qu'il passe dans des tonneaux de chêne. Le plus courant des portos vieillis, le «tawny» (roux, en anglais) séjourne ainsi au minimum trois à cinq ans dans des fûts et 10 à 40 ans, selon l'indication précisée sur les bouteilles les plus vieilles. Il s'oppose à la qualité la plus courante, le «ruby», issu de vins restés en fûts deux à quatre ans seulement.
Des vins de propriété
Ces tonneaux, par centaines, sont logés dans les chais de Villa Nova de Gaïa. A l'époque, les fûts de vins descendaient le fleuve sur des barques plates. Puis ce moyen de transport fut combiné avec le train: en témoigne la gare de Pinhao, ornée de carrés de faïence décorée bleue typiques du Portugal, les azulejos. Ils décrivent par le menu les paysages de la vallée…
Aujourd'hui, tout a changé. Le camion a pris le relais de la barque et du train. Mais surtout, si, de tout temps, les propriétaires de vignes possédaient des fermes viticoles, les quintas, elles ne servaient que pour les ouvriers et aux vendanges. Encore aujourd'hui, au son de l'accordéon, les mollets cadencés des vendangeurs foulent au pied le raisin dans de grands bacs en granit, les «lagrares», une nuit durant. Non loin de Peso da Regua, on peut admirer les plus grands de ces réceptacles dans la belle Quinta da Pacheca.
Il y a quinze ans, dérogeant à une règle qui prévalait depuis plus de deux siècles, lorsque le marquis de Pombal, en 1761, délimita scrupuleusement toute la zone du Douro, les producteurs de porto ont autorisé l'élaboration du précieux breuvage au domaine même.
Le Douro découvre les vins rouges
Aujourd'hui, les amateurs de porto ne jurent plus que par le «vintage» — un vin d'un seul millésime, qui ne reste que deux ans en fûts, n'est produit que dans les grandes années et peut vieillir des dizaines d'années en bouteille — et si possible d'une seule «quinta». L'accent a donc été mis à nouveau sur le raisin et les investisseurs — les grandes maisons de Villa Nova de Gaïa — renouvèlent le vignoble, trient les bons cépages des mauvais — il y en a trois douzaines entre les rouges et les blancs — et replantent les meilleurs. Et s'essaient à faire de grands vins rouges secs. C'est la dernière mode en vogue sur les berges du Douro… L'an passé, dans une confrontation avec les meilleurs vins rouges espagnols, produit eux aussi sur le parcours du fleuve, en amont, dans la Ribera del Duero, les vins portugais l'ont emporté. Cela ne s'était jamais vu! Parmi eux, les vins de la famille Roquette (Quinta do Crasto) et d'Alves de Sousa (Quinta da Gaivosa, Quinta da Estaçao).
Un vignoble tout en terrasses
Dans la foulée, la vallée du Douro, classée au patrimoine mondial en 2001, veut mettre en valeur son paysage de terrasses schisteuses, façonnées par l'homme. Naguère, les Portugais montèrent leurs murets, pierre sèche sur pierre sèche. Aujourd'hui, le bulldozer dessine des gradins de terre, des «patamares». Mais l'application stricte de la protection de l'UNESCO exige qu'il n'y ait qu'un rang de vigne sur ces «marches», et non deux. Les œnologues sont d'accord: plus la vigne prend de soleil, meilleur le vin est.
Il faut aller voir sur place ce travail, mené sur 40'000 hectares (trois fois le vignoble suisse!), par des milliers de petits producteurs qui n'ont souvent que moins d'un hectare de vigne à eux. Mieux vaut éviter la chaleur estivale, où le thermomètre grimpe à plus de 45°, ou la rudesse de l'hiver, où il descend parfois en-dessous de zéro. Automne ou printemps sont parfaits pour sillonner la vallée de part et d'autre du fleuve, en suivant les nationales N 108, de Porto à Peso de Regua, ou N 122, jusqu'à D. Joao da Pesqueira, via Pinhao. Bonne route!

Guide — les bonnes adresses du Douro
Itinéraire
Porto
est une agglomération d'un million d'habitants. L'idéal est d'y arriver en avion (vols non-stop de Genève et de Zurich par la TAP), sinon, traverser le nord de l'Espagne par l'autoroute A 52 jusqu'à Verin et prendre la N 2 portugaise par Chaves et Villa Real, où l'on rejoint la E 82 (Bragança – Porto), puis la A 4.
Villa Real est aussi la capitale de la Vallée du Douro: on y forme les œnologues. Depuis Villa Real, on peut descendre vers le fleuve par la N2 sur Peso da Regua (25 km) ou à Pinhao par Sabrosa (31 km). Dans la vallée, monter à S. Joao da Pasqueira par la N 222 (19 km).
L'itinéraire entre Pinhao et Peso da Regua par la N 222 est spectaculaire (32 km, sous réserve d'éboulements fréquents qui poussent à faire des détours par les hauts…). En aval, deux routes nationales conduisent de Porto au cœur de la région viticole du porto: la N 108, rive droite, ou la N 222, rive gauche (environ 100 km jusqu'à Porto), nombreuses possibilités de passer d'une rive à l'autre, selon l'inspiration, sur des ponts ou des barrages.
Hôtels et lieux de séjour
Porto à elle seule mérite d'y séjourner un week-end. Dans le quartier du Vieux-Porto: ponts spectaculaires de Gustave Eiffel et d'un disciple, quais, église gothique San Francisco, ambiance d'un ancien port et caves de Vila Nova de Gaia, de l'autre côté du fleuve.
A Porto, sur les quais (parking souterrain à proximité), plaça da Ribeira no 1, le Porto Carlton Hotel, résidence de charme, dans d'anciens entrepôts de morue, acquis par la Ville et rénovés. Chambres magnifiques, surtout celles donnant sur le Douro. Tél. 0035 122 340 23 00 (compter 125 euros la chambre double).
Dans le même quartier de Ribeira, l'Hôtel la Bolsa, r. Ferreira Borges 101, tél. 0035 122 05 88 88 (80 euros la chambre double).
Dans la vallée du Douro, «bed & breakfest» à la Casa do Casal de Loivos, tél. 0035 125 47 32 149: accueil charmant du maître de maison et point de vue extraordinaire sur la vallée.
Près de Pinhao, Quinta de la Rosa, un domaine viticole qui héberge aussi, sur le fleuve, tél. 0035 125 47 32 254. Un peu plus loin, rive droite
A voir
Sur la route de Porto à Vila Real, le Pico do Marao (1415 m. d'altitude), par la route, depuis le col Alto do Espinho, panorama sur toute la région.
Mateus (à 3 km de Vila Real), Solar de Mateus, beau château baroque du 18ème siècle (visite guidée), façades remarquables, intérieur en bois, sculpture de femme de Joao Cutileiro dans les jardins «à la française».
Lamego (N 2, 12 km de Peso da Regua). Petite ville où fut reconnu le premier roi du Portugal, Alphonse Henriques, en 1143. Centre historique, avec cathédrale, château et musée et curieux sanctuaire de Nossa Senhora dos Remedios, accessible par un escalier de 686 marches, rythmé par des paliers de sculptures baroques.
La gare de Pinhao et ses azulejos: un train s'y arrête toujours, qui dessert la rive droite du Douro (train à vapeur, l'été).
Que déguster?
Les portos, en apéritif et en digestif, bien sûr, mais aussi le vin blanc sec «vinho verde», les rouges (surtout à base de «touriga nacional»), les coquillages, la poulpe au four et au vin rouge, de l'agneau, du lapin, de la charcuterie «Tras os montes», du jambon sèché et de la morue, la «bacalhau» dont il existe, paraît-il, autant de recettes que de jours de l'année (pas seulement le vendredi, donc…)
Une adresse en Suisse
Office d'Investissement, du Commerce et du Tourisme (ICEP), Zurich, tél. 044 241 00 05, fax 044 241 00 12, e-mail: icep@icep.ch

Dossier paru dans la Gazette du TCS-Fribourg, en été 2003.