Cinq bouquins pour Noël 2012
5 bouquins pour Noël 2012
«Le vin pratique»
Ils l’ont lu pour vous…
Olivier Toublan, rédacteur en chef de PME-Magazine: «Un ouvrage qui possède à notre avis, trois grands atouts: d’abord la plume de Pierre Thomas, qui sait expliquer de manière limpide des choses parfois complexes. Ensuite, une vraie volonté de vulgarisation, qui rend l’ouvrage compréhensible par tous. Et enfin, un chapitre très utile sur les vins suisses, un domaine complètement négligé par les ouvrages de référence, généralement publiés en France.»
Patrick Morier-Genoud, responsable d’Al Dente: «Dégustateur reconnu, souvent polémiste, parfois de mauvaise humeur, (l’auteur) a une connaissance impressionnante du vin. Son livre porte bien son nom. En 12 chapitres, il explore parfaitement le domaine».
David Moginier, rédacteur spécialisé gastronomie et vins à 24 Heures: «Entre sa mémoire encyclopédique et son palais affûté, aucun cépage, aucune région n’échappe (à l’auteur). (…) C’est une vraie réussite. Doté d’un véritable sens de la vulgarisation, l’auteur part de la base pour expliquer la vigne, le cadre légal ou les différentes vinifications possibles.»
Blaise Guignard, responsable de la partie française de Hôtellerie & Gastronomie Hebdo: «Assis sur un savoir encyclopédique, (l’auteur) en (sou)tire un jus concentré et ne cède pas à la tentation de la dilution. Pas plus qu’il ne chaptalise ses lignes, toujours tendues par une lucidité un peu acide et une ironie astringente et subtile.»
Merci, chers confrères! Et il n’y a plus qu’à le lire, vous conseille celui qui l’a écrit.
«Le vin pratique», Pierre Thomas, 130 pages, Tout Compte Fait, 37 fr.
«Wine Grapes»
Le Nouveau Testament des cépages
Ils s’y sont mis à trois pour parachever ce chef-d’œuvre, sorte de «bible, façon nouveau testament» de l’ampélographie moderne, la science des cépages donc, reposant sur les recoupements que la recherche ADN a permis, ces vingt dernières années: la journaliste anglaise Jancis Robinson, auteur de l’Oxford companion, un classique du vin, Julia Harding, qui a travaillé avec la précédente sur l’Atlas du vin, cosigné par Hugh Johnson, enfin, «last but least» pour les Suisses, le Valaisan José Vouillamoz.
Dans son coffret en tissu brunâtre, ce pavé de 1240 pages relègue au fond de la bibliothèque la référence française du genre, le Dictionnaire encyclopédique des cépages, de Pierre Galet, paru chez Hachette. Bien sûr, il faut savoir un peu l’anglais pour l’apprécier… notamment les introductions, fort intéressantes. Mais pour la consultation, article par article, la dégustation petit à petit s’impose. Au palmarès, l’Italie affiche 377 cépages, devant la France, 204, l’Espagne, 84, la Grèce, 77, le Portugal, 77, l’Allemagne, 76, les Etats-Unis, 76, la Croatie, 39, comme la Suisse, 39 (sans le cornalin et l’humagne rouge, rendus par Vouillamoz à la Vallée d’Aoste…), la Hongrie, 34, l’Ukraine, 29, la Géorgie, 27, la Turquie, 26 et l’Autriche, juste en-dessous des 20 (19).
A chaque cépage, un article descriptif. Exemple, au hasard (!!!), ce chasselas, en titre, suivi d’un petit résumé sans complaisance des auteurs, «Cépage caractéristique de la Suisse française produisant des vins blancs tendres (soft), parfois distingués mais souvent ordinaires. Largement planté pour son jus de raisin et le raisin de table». Suit l’indication de la couleur (blanc, donc), les synonymes (dont le fameux Lausannois), les variétés confondues avec lui (le fayoumi égyptien, qui a la vie dure, mais aussi le palomino fino, appelé chasselas doré en Californie, le priknadi grec ou le zlahtina croate, entre autres). Suivent quelques lignes sur les origines et la parenté du chasselas, où Vouillamoz peut s’autociter, puis d’autres hypothèses, les brèves caractéristiques viticoles, les terroirs de prédilection et les impressions gustatives, une sélection de producteurs recommandés en France (S. Dagueneau et Filles à Pouilly-sur-Loire, Château Ripaille et Delalex en Savoie, dans le Pays de Vaud (La Colombe, Henri & Vincent Chollet, Henri Cruchon, Louis Bovard, Pierre Monachon, tous d’Arte Vitis, non mentionné) en Valais (Cave des Bernunes, Simon Maye & Fils, Rouvinez, Domaine des Muses) et à Neuchâtel (Caves du Château d’Auvernier). Et les lieux-dits où pousse les meilleurs chasselas, avec les surfaces, en hectares (2346) et en acres (5797), chiffres de 2009.
Au passage, on aurait voulu en savoir plus sur le Robin noir qui, croisé avec le Pinot noir, a donné le Diolinoir, mais ce Robin noir est passé aux oubliettes de l’Histoire. Alors que Pierre Galet le décrit dans son dictionnaire, précisant qu’«il n’est ni classé, ni multiplié», mais doit son nom à «Robin, de Lapérouse-Mornay, dans la Drôme», et passa, à tort chez Viala, pour de la syrah. Ah, quand on tire sur le fil, c’est toute la pelote qui se défait…
Sur amazon.com, édition américaine (plus légère) à 110 dollars; sur amazon.fr, 139,95 euros; dès 115 euros chez des retailers divers via amazon.fr.
«Murs de pierres, murs de vignes»
Ce que le Valais viticole doit aux hommes
L’ouvrage, déployé à l’italienne, passe en revue tous les aspects techniques et historiques de ces murs en pierres sèches. Un art qui se perpétue depuis 6’000 ans, et qui nécessite un savoir-faire astucieux, transmis de générations en générations. On y parle de Clavau et de la Cochetta, murs vertigineux derrière Sion; on se balade de Conthey à Sierre… L’iconographie est superbe, en appui du texte (pages 78, 79, 81, 83 pour les paysages, puis de 97 à 101 pour la comparaison des styles de murs).
On évoque le passé, largement, et le futur, avec les cours de construction de l’Ecole de Châteauneuf et le projet de sauvegarde des 27 terrasses de VinEsch. Et aussi la flore et la faune, qui ont fait leur trou ou leur nid dans ces pentes domestiquées par la monoculture de la vigne. Jusqu’aux étiquettes de vins qui illustrent le paysage valaisan directement sur la bouteille… Un beau livre, qui fait le tour de la question. Et on se souvient qu’un Genevois avait lancé l’idée de classer non seulement Lavaux au Patrimoine Mondial de l’Unesco, mais l’ensemble des vignobles en terrasses, de la Vallée du Rhône à Lavaux: on s’est arrêté à mi-chemin…
«Murs de pierres, murs de vignes», Infolio éditeur, 270 pages illustrées, 35 fr. sur www.infolio.ch
«Dictionnaire impertinent de la gastronomie»
Haro sur la malbouffe
Définitivement carnivore, dès les trois premières définitions («à point», «abats» et «abattoir»), et carnassier en 250 courtes définitions, il crache dans le mauvais potage de la cuisine industrialisée et empoisonnée autant que de la gastronomie-spectacle-paillettes. Un véritable réquisitoire, qui fait mouche avec quelques formules choc dès les accroches des mots. Comme «addition: souvent douloureuse, parfois divisée», pour un plaidoyer pour le bon rapport qualité-prix au restaurant; «aspartame : le leurre et l’argent du leurre», en embuscade d’une critique en règle de l’industrie sucrière, à lire sous «betterave: came à sucre», «première cause de l’obésité dans le monde». Ou encore «bio: logique», «la plus belle lapalissade des temps modernes, car tout était bio avant de ne plus l’être». On en passe et des meilleures… Le dico cloue au pilori la cuisine moléculaire à la Feran Adria, «caudillo de la ragougnasse intellectuelle espagnole mondialisée». Au final, l’état des lieux de la gastronomie dite française à la veille de 2013, qui marque 40 ans de la «nouvelle cuisine» et les 10 ans du suicide du chef Bernard Loiseau.
En prime, une pique, au bénéfice du «vrai» gruyère, le nôtre donc, reconnu A.O.C contre la France: «Le plus lamentable est que la France ait osé prétendre à un label qu’elle ne pouvait en aucun cas revendiquer. Alors que notre pays doit être le gardien de l’éthique de l’appellation d’origine, le gouvernement (réd. : français de 2010) s’est ridiculisé, voire déshonoré, en validant cette forfaiture morale.» Il fallait l’écrire: il l’a fait.
Mais ce cri du cœur n’a servi à rien: à condition de posséder des trous (!) (selon son slogan «des trous qui ont du goût»), le gruyère français pourra continuer à porter ce nom, sous un régime d’IGP, selon des experts de la Commission européenne, cités par l’agence de presse AFP, début décembre 2012!
«Dictionnaire impertinent de la gastronomie», Périco Légasse, 284 pages, François Bourin Editeur, 35.80 fr.
«Le Guide de l’alter-vin»
Vignerons, autrement
Où commence, où finit, l’«industriel» dans le vin? Avec les levures sélectionnées pour déclencher la fermentation alcoolique? Avec les «sulfites», le SO2, au cœur du débat du malnommé «vin naturel»? Les portraits de 133 vignerons, «hors du commun», bien qu’uniquement sur territoire français, apportent les nuances vivantes sur les manières de faire du vin aujourd’hui. La vingtaine de domaines fort connus rassure sur la sélection des autres, répondant tous aux critères des «alter-vins, buvables, honorables, durables». Ne pas oublier de lire la solide introduction technique, avant de sauter… aux dernières pages et au «vigneron de l’année», Louis Julian, paysan militant. Dans le Gard, il signe des vins (levurés mais non sulfités!) tirés de 47 cépages, embouteillés en bouteilles d’un litre et en cubitainers, récupérables. Pour les déguster, il faut aller sur place, à Ribaute-Les-Tavernes. C’est aussi ça, l’alter-vin : ça fait boire, pardon, voir, du pays!
«Le Guide de l’alter-vin», Laurent Baraou et Monsieur Septime, 320 pages, François Bourin Editeur, 35,80 fr.
En attendant quelques notes, ici-même, sur une dégustation pour le site Autrement vin, à Paris, en novembre.
©thomasvino.ch