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Posted on 2 octobre 2005 in Adresses, Restos

Monthey (VS) — Brasserie du Théâtre du Crochetan

Monthey (VS) — Brasserie du Théâtre du Crochetan

Brasserie du Crochetan, Monthey (VS)
La cantine d’un artiste
Il a failli partir pour Shanghai ou Saint-Pétersbourg, Mauro Capelli… Il a juste changé de canton, mais pas de région, et passé de la rive droite à la rive gauche du Rhône.
Adossé à quelques grands pins, le moderne Théâtre du Crochetan, à Monthey, qui vient d’accueillir son nouveau directeur, Denis Alber, dispose d’un restaurant aux courbes en forme de piano à queue. Les touches sont situées à la hauteur du bar… C’est ici que le chef, vocation tardive forgée chez l’exigeant Gérard Rabaey, a repris du service. Le St-Christophe, dont on regrette le cadre moyenâgeux de maison fortifiée, et la monumentale broche, même sous la protection du saint patron des automobilistes, n’a pas survécu au 0,5 pour mille des néo-prohibitionnistes. De la brigade de Bex, il ne reste qu’un commando restreint : le chef, un cuisinier et un casserolier. A Monthey, la clientèle est la fois fuyante et captive. Fuyante parce que déçue par des expériences précédentes. Captive parce que les soirs de spectacle, la brasserie devra faire fort pour servir en vitesse avant et après spectacle, les plats d’une ardoise rédigée tout exprès.
Un chef perfectionniste
Mauro Capelli est un artiste doué et perfectionniste. A midi, il expédie des assiettes soignées à 20 francs. Le soir, une dizaine de propositions, en tout et pour tout. Il y a eu fort à faire pour rendre un peu moins impersonnel le local, au parquet de bois exotique, mais au plafond qui n’avait pas encore trouvé son éclairage idéal, le jour de notre passage. En revanche, les séparations et les œuvres d’Edouard Faro, comme les toiles d’Olivier Saudan, offrent un cachet à cette salle, qui va gagner des banquettes, pour changer d’un mobilier de cantine, fût-elle de théâtre.
On s’est laissé mener, par une amusante soupe froide de pomme de terre et quenelle de crème fraîche au wasabi, le (fort) raifort japonais, suivi d’un excellent tournedos de filet de bœuf finement tranché, au poivre noir, garni de haricots verts du jardin d’une Montheysanne, de lentilles subtilement apprêtées à la moutarde et de cébettes. Ce plat constituait l’assiette de résistance d’un menu terre et mer (46 francs), initié par des moules et crevettes panées en escabèche revisitée : fraîches salades, avec du cresson, et des agrumes effilochés. En dessert, des figues pochées aux épices et glace cannelle.
Chasse et pâtes
Pas besoin de trois douzaines de plats pour apprécier l’art du chef, qui sait mettre une touche d’originalité, ici et là. Une cuisine d’inspiration, qui, jusqu’à fin octobre, tirera parti du gibier. De fines gâchettes ont promis un cerf et deux chamois à Mauro Capelli, qui les débitera, y compris en atriaux «de chasse». En attendant le chevreuil (autrichien), le supplément de cerf (polonais) et la grouse (écossaise) en mousse.
Et puis, le Loclois Capelli revendique sa latinité. Il passe commande de pâtes fraîches à Gaston Verasani, l’ex-patron de La Terrasse à Corseaux (VD), qui a rebondi lui aussi à Monthey. Le service, féminin, drapé de tablier rouge ou noir , fait face. On aurait tort de négliger les vins, parmi les plus pointus du Valais : gamays de Gérald Besse, syrah des fils de Simon Maye, cornalin, «champion suisse» 2003, de Serge Roh, et quelques flacons du Chablaisien d’en face, Bernard Cavé… De quoi remplir un plein wagon d’AOMC. Pas pour «appellation d’origine Monthey contrôlée», mais pour Aigle-Ollon-Monthey-Champéry : la gare est à côté.

La bonne adresse
Brasserie du Théâtre Crochetan
Monthey
Tél. 024 471 79 70
Fermé dimanche et lundi.

Le vin tiré de la cave
Quand gamay rime avec Chablais

Même versant vaudois, le rouge défend son territoire dans le Chablais, où Bex est la seule AOC de tout le Pays de Vaud où il prend le dessus, par rapport au blanc. En pro, du côté de Monthey et des coteaux de la Vièze, il n’y a guère que Dominique Passaquay. Et encore : la plus grande partie de son domaine se situe à Saxon (3,5 ha). Cet œnologue a fait le pari de vivre de ses vins depuis quinze ans, d’abord en parallèle avec un emploi dans le Valais central (Rives du Bisse, à Ardon), puis depuis sa cave de Choëx sur Monthey. Joliment habillé en flacon de 5 dl, son Gamay Vieilles Vignes 2004 défend sans la moindre faute de goût ce cépage, fierté du Beaujolais, qui a, enfin, pris la liberté de se détacher d’une image de complément au pinot noir pour la dôle. Robe brillante, violacée, nez discret, glissant vers des notes minérales après aération, attaque fruitée, milieu de bouche bien dessiné et délicatement épicé et finale sur une note acidulée : voilà un vrai rouge de plaisir, bon pour tout le service, à table.

Paru dans le Matin-Dimanche du 2 octobre 2005.