Vins suisses — Les meilleurs assemblages rouges romands
Vins suisses — Assemblages rouges romands
Le compromis sourit aux Vaudois
Les assemblages rouges suisses sont à la mode. Et notre dégustation couronne deux vins, l’un de 2004, l’autre de 2003, produits sur La Côte vaudoise.
Nos deux vainqueurs mettent en valeur deux cépages créés dans les années 1970 par Changins, par croisement du gamay et d’un raisin blanc allemand, le reichensteiner. Le précoce garanoir et le tardif gamaret sont jumeaux. Ils avaient été développés pour donner de la couleur et du corps aux pinots noirs et gamays plantés en Suisse, dans la perspective de l’interdiction du coupage par des vins étrangers. Il a fallu un quart de siècle (dès cette vendange 2006!) pour que cette garantie d’authenticité entre en force. Mais, depuis quinze ans, gamaret et garanoir vivent leur propre vie, tantôt en vin de cépage pur, surtout à Genève, ou en assemblage, à Genève avec du gamay et en Pays de Vaud avec du pinot noir, tel «L’As de Cœur», produit par le groupe Schenk, à Rolle, classé 1er ex-aequo.
Le rouge vaudois à son maximum?
Les trois autres vins vaudois les mieux classés (1er ex-aequo, 4ème et 6ème) sortent des caves d’UVAVINS, à Tolochenaz. Leur directeur technique, Gilles Cornut, se réjouit de ce tiercé : «Les vins vendus à la Coop ne sont proposés que depuis l’été passé. On estime qu’il faut quinze mois pour qu’une étiquette se fasse une notoriété.» Le quatrième classé est également vinifié par la grande coopérative de La Côte vaudoise. Ses 20 ha de gamaret, autant de garanoir et 5 ha de merlot, soit 45 hectares de «nouveaux rouges», représentent 10% de la surface cultivée par les coopérateurs. L’arrivée de ces vins oblige les Suisses à faire des efforts de promotion : «Nous sommes en concurrence directe avec les vins étrangers, vendus à des prix époustouflants sous la pression de la surproduction mondiale», constate Gilles Cornut. Et la coopérative n’a pas l’intention d’augmenter sa proportion de rouge par rapport au blanc (40% – 60%).
Les chiffres (lire ci-contre) montrent que, l’an passé, les vins rouges vaudois ont bien résisté face aux valaisans. En Valais, le gamay se marie au diolinoir, autre cépage développé par Changins (dans le «Baculus» et le «Gally»). Le «Favi» assemble syrah et cabernet, en plus du pinot et du diolinoir, tandis que «La Perle Noire» ajoute de l’ancelotta au trio de base gamay, pinot noir.
Assemblages en toute liberté
Les vins valaisans restent très discrets sur leur composition. Faudrait-il, dans l’intérêt du consommateur, expliquer en quoi consiste l’assemblage ? «Non !», répond Christophe Venetz, chef marketing de l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais. «Bordeaux et les Côtes-du-Rhône, d’où vient la tradition de l’assemblage, ne donnent pas les proportions des cépages. Il faut juger l’ensemble d’un vin.» Sans compter qu’une étiquette non explicite permet à l’œnologue d’adapter le mélange au millésime. C’est bien là le secret de tout assemblage : la somme doit être supérieure aux individualités. Et la qualité assurée bon an, mal an.
Mieux profiter du mot «dôle»?
A titre personnel, le Valaisan déplore que certains assemblages ne soient que des Dôles déguisées. «L’idéal, en terme de marketing, serait de pouvoir dire que tout assemblage valaisan, quel que soit sa composition, est une Dôle.» Les Vaudois voient déjà aussi large avec le Salvagnin, destiné à tout rouge vaudois AOC. Mais le Salvagnin soufre d’une image vieillotte. Il pourrait, du reste, devenir le pendant du Goron valaisan, un vin de deuxième catégorie produit selon des normes cantonales précises. Car, dans le débat autour de la nouvelle législation viticole (dès 2007), pour mieux hiérarchiser les vins suisses, il est question de durcir les conditions des appellations d’origine contrôlée (AOC) et d’assouplir celles des vins de 2ème catégorie, des «vins de pays» qui risquent de ne plus pouvoir mentionner le ou les cépages.
Pierre Thomas
Le palmarès
1) Gamaret-Garanoir 2004, UVAVINS, Tolochenaz (VD), Coop, 10,90 fr., 15/20
2) L'As de Coeur 2003, Cave de Jolimont SA/VD (Schenk SA), Casino, 9,30 fr, 15/20
3) Baculus 2003, Orsat, Martigny (VS), Casino, 10,40 fr., 14,4/20
4) Gamaret-Garanoir 2004, de Mestral SA (UVAVINS), VD, Casino, 8,60 fr., 13,8/20
5) Favi 2004, Les Fils de C. Favre SA, Sion (VS), Aligro, 15,60 fr., 13,8/20
6) Merlot-Gamaret 2004, UVAVINS, Tolochenaz (VD), Coop, 10,90 fr., 13,2/20
7) Vignefol 2003, J. & M. Dizerens, «vin de pays», Aligro, 13,70 fr., 13/20
8) La Perle Noire 2004, Dom. du Mont-d'Or (VS), Manor, 16,95 fr., 12,8/20
9) Camaïeu 2004, Cave de Genève SA, Aligro, 10,20 fr., 12/20
10) Gally 2003, J.-R. Germanier (VS), Manor, 15,95 fr., 11,6/20
11) Le Relais 2004, J,-F. Neyroud, Chardonne (VD), Manor, 13,95 fr., 10/20
12) Byzance 2004, Cave de Genève SA, Carrefour, 13,90 fr., 10/20
Tous les vins ont été achetés dans des grands magasins romands en avril 2006.