Genève (GE) — Il Mirtillo, à Vessy
Les bons comptes de Paolo
C’était une guinguette que le chef Alain Lavergnat a vendue l’an passé. S’y est installé Paolo Veneziani. Ce Romain, crinière grise, blazer bleu marine et pantalon clair, a fait les beaux jours de Megève. Et le voilà, avec la même enseigne, dans la banlieue chic de Genève. Si ça se trouve, avec la même clientèle. Jetez donc un œil sur les pipeules (en franglais dans le texte) qui prennent la pose photo avec le patron, à l’entrée, en alternance avec les gravures de golf qui ornent notamment le… trou 00.
Son chemin de Damas
Pour Paolo, le maître de céans qui vous salue perso, le resto est son chemin de Damas, après une carrière d’architecte. Un peu comme un autre Paolo, Conte, était avocat avant de vivre de la chanson. Revient l’irrésistible «Sono un vecchio sparring partner…»
L’ex-guinguette s’est muée en une trattoria d’ambiance. Décor refait de poutres apparentes, de murs ocres, de catelles de galetas, de nappage soigné, de cendriers peints à la main et autres détails qui vous mettent à l’aise, même si les tables sont serrées. Même ça, au fond, participe de l’ambiance, tout en coins et recoins, véranda et terrasse à l’abri d’un mur et de la route de Veyrier.
Ici, mieux vaut parler italien. Primo, pour que les jeunes serveurs ne s’adressent pas à vous en… anglais (ah Genève, Babel sur Rhône). Secundo, pour ne pas vous étrangler en lisant la carte, version française, avec «le lapin au le chausser» (sic) et «le filet de turbo» (re-sic — à la Ferrari peut-être?). Des plats traditionnels d’une carte qui les récite sur le bout du doigt… Paolo viendra vous dire les suggestions du jour et insiste sur son credo : «J’aime la cuisine que j’aime faire, de style familial». Et c’est un chef frioulan, Vincenzo Concolino, qui conduit le quatuor en cuisine.
Tant pis si la rare buratta, cette mozarella molle et riche servie dans une feuille, manque à l’appel… Peut-être aurez-vous droit à d’exquises fleurs de courgette farcies à la mozarella et anchois, passées à la friture, «à la romaine». Ou prendrez-vous cette autre tranche de mozarella avec un fritto misto di verdure, classique piémontais. Ensuite, un rapicolant tartare de liscia (29 fr.), poisson entre le loup et la dorade, le garçon dixit, bien citronné, mais inutilement escorté de toasts, d’autant que la corbeille des pains est appétissante. Parmi les pâtes (de 26 à 31 fr.), maison comme il se doit, et al dente, les tagliolini (appelés chitarrucci) à la sauge et gambas (gamberi), ou d’excellentissimes ravioli aux épinards et ricotta, ou de simples fazzoletti pomodoro…
Primi, secondi, dolci
A un tarif plus élevé (de 45 à 60 fr. pour les poissons !), après ces primi généreux, les secondi, qu’on a sautés, malgré le tagliato di manzo e rucola (50 fr., mamma mia !) ou l’orecchie d’elefanto (45 fr.), joli nom pour une escalope de veau. Cap sur les desserts (à 14 fr.), évidemment maison, comme «le vrai tiramisu», sans alcool, mais généreux en gênoise al café, au détriment du mascarpone. Et pour retrouver un grand succès de Paolo, Conte cette fois, un parfait au citron, digne souvenir d’«Un gelato al limon».
Addition assez redoutable, qu’on peut faire enfler avec une bouteille de Barbaresco Sori San Lorenzo, d’Angelo Gaja, à 670 fr. ou un merlot toscan, Massetto, de Frescobaldi à Ornellaia, à 550 fr., vins cultes des millésimes 2000 et 2001. Les demi-bouteilles sont trop rares pour qui doit reprendre le volant et passer au-delà de Carouge, «la cité sarde».
La bonne adresse
Il Mirtillo
130, rte de Veyrier
Vessy (GE)
Tél. 022 784 26 26
Fermé dimanche et lundi
Vacances du 23 juillet au 8 août 2006
Le vin tiré de sa cave…
Un rouge bien construit
A l’échelle italienne, la vallée bilingue du Haut-Adige n’est pas sans rappeler le Valais. Parmi les bouteilles abordables d’Il Mirtillo, un Lagrein d’Elena Walch. Depuis vingt ans, cette architecte (analogie avec Paolo Veneziani, qui connaît bien la région) s’est reconvertie par mariage dans la viticulture. Son fief, le Castel Ringberg, surplombe le lac de Caldaro, au sud de Bolzano (Bozen), sur l’axe du Brenner. Voilà un très joli vin, jeune (2004), au nez exubérant de cerises noires, à la bouche bien dessinée, aux tanins un tantinet rustiques, mais bien lissés, qui rappelle un autre «rouge du pays», le Cornalin. Comme celui-là en Valais, le Lagrein est un cépage autochtone du Haut-Adige. Les Romands l’ignorent, tandis que les Alémaniques le découvrent. Quelques amis journalistes d’outre-Sarine viennent de publier (en allemand) une brochure, «Lagrein Alpenwein mit Mediterranem Charme», avec des commentaires sur les 80 vins de ce cépage importés en Suisse. On peut commander l’opuscule (15 francs) à l’adresse Internet info@mettlervaterlaus.ch.
Paru dans Le Matin-Dimanche du 18 juin 2006