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Posted on 10 décembre 2006 in Vins italiens

La Barbera réhabilitée

La Barbera réhabilitée

Cépage et vin rouge du Piémont
La Barbera réhabilitée
Vingt ans après un scandale aussi traumatisant que celui des vins (à l’antigel) autrichien, la Barbera est en voie de réhabilitation. A Alessandria, les producteurs et les pouvoirs publics viennent d’organiser un deuxième concours international pour les vins rouges de ce cépage autochtone piémontais.
Nebbiolo, Barbera, Dolcetto : la trilogie des cépages du Piémont occupe toute la palette gustative. Au premier la célébrité et le prestige, réservés aux crus de Barolo et de Barbaresco ; au deuxième, une forme de renaissance et au troisième la jeunesse colorée, fruitée et primesautière. Avant de plonger dans le scandale du vin rouge enrichi à l’alcool méthylique, la notoriété du barbera n’avait jamais dépassé le rang de produit de masse, d’un niveau qualitatif modeste. Feu Giacomo Bologna, à Rocchetta Tanaro, au bord de la rivière qui, parfois, déborde et noie les régions d’Alba, Asti et Alessandria, fut le premier à en faire un grand vin, élevé en fûts de chêne neuf. Le «Bricco dell’Ucelonne», puis le «Bricco della Bigotta» et «Ai Suma» ont atteint des prix que seuls les barbarescos, puis barolo, d’Angelo Gaja dépassaient…
Raisin masculin pour vin féminin
Le cépage piémontais — en italien, masculin quand il est raisin, féminin quand il devient vin — reste ingrat et déséquilibré : à la vigne, il est tardif et sujet à la pourriture grise ; en cave, fortement coloré, peu tannique, mais très acide, avec une haute teneur en malique. Œnologue installé depuis peu dans un extraordinaire laboratoire perché sur une colline du Montferrato, d’où il rayonne dans toute l’Italie comme consultant, Donato Lanati, 53 ans, a étudié en détail la barbera, au «parfum presque toujours neutre» et qui peut exprimer «une maigreur excessive au goût». Ce technicien de haut vol, adepte du suivi analytique de tous les paramètres de la vigne à la mise en bouteille, a contribué à cerner les conditions qui permettent d’élaborer de meilleurs vins. Ainsi, ce cépage peut produire «des vins très divers : tout dépend de la qualité du raisin au départ». L’étude des terroirs que les principales régions viticoles suisses mènent depuis quelques années — le Tessin et le Valais sont en passe d’aboutir, après Vaud et Neuchâtel —, le Piémont l’a réalisée et publiée sous l’égide de l’Université de Turin il y a dix ans. A Monforte d’Alba, une douzaine de clones de barbera ont été plantés, à la même époque, sur une parcelle expérimentale et des essais de microvinification conduits de 2001 à 2005, pour trouver le clone adapté à chaque sol.
Un concours emblématique
Depuis deux ans, à Alessandria, a lieu un concours des vins de Barbera. Il y a trois semaines, une trentaine de dégustateurs italiens, mais aussi étrangers, ont passé au crible de leurs papilles 305 vins, dont les deux tiers venaient du Piémont. 74 vins ont été pointés à plus de 85 sur 100. Et 11 vins non-italiens ont atteint ce niveau. Car si le cépage est planté sur quelque 30'000 hectares (le double du vignoble suisse), dont plus de la moitié dans le Piémont (un tiers du vignoble), il en existe 3’500 ha en Californie. Les premiers plants ont été importés en 1885 par l’«Italian Swiss Colony», dans la petite ville d’Asti, non loin de Santa Rosa. Aujourd’hui, le barbera se cantonne principalement dans la San Joaquin Valley.
Ce concours, qui a désigné deux champions, en 2005, la Barbera d’Asti Superiore «Tre Roveri» 2003, du domaine Pico Maccario à Mombaruzzo, suivi par le doyen de la faculté d’œnologie de Bordeaux, Yves Glories, et, en 2006, également une Barbera d’Asti Superiore «Paion» 2004, de la Tenuta La Fiammenga, à Cioccaro, un domaine reconstitué par des Milanais, sert aussi de «banc d’essai». L’an passé, Donato Lanati a pu analyser et synthétiser les arômes qu’exhalent la barbera dans les échantillons soumis au jury. La compétition, loin d’être une joute de plus pour une promotion commerciale, symbolise la partie visible de cet iceberg qu’est la réhabilitation à long terme d’un cépage aussi emblématique de sa région qu’est le Negroamaro des Pouilles ou le Nero d’Avola de Sicile.

Perspective
Concours: les cépages d’abord !
Chardonnay du monde en Bourgogne ; Riesling et Pinot gris du monde en Alsace ; Mondial du Pinot Noir à Sierre, Tempranillo du monde cette année à Cologne, l'an prochain à Saint-Pétersbourg. Et ce mois-ci encore, sous l’égide des œnologues uruguayens, Tannat du Monde, et des chiliens, Carménère du Monde… Les concours avec pour thème unique un cépage ont le vent en poupe. Voilà qui milite pour le retour de la Coupe Chasselas, mais pas seulement sous la forme d’une aimable confrontation où Valaisans et Vaudois se tirent la bourre à l’heure de l’apéritif, mais avec une vraie valeur ajoutée scientifique. Parce que le discret cépage blanc suisse le vaut bien. Le Concorzo Internazionale del Barbera, doublé d’un congrès en 2005, pourrait servir d’exemple à Sierre, pour le Mondial du Pinot noir. Vedette à l’égal du «vinificateur volant» bordelais Michel Rolland, l’œnologue Donato Lanati pourrait y apporter son credo, comme le résume une luxueuse plaquette de promotion : «Aujourd’hui, comme son cépage favori, le pinot noir, il (réd. : Lanati) élabore et accumule les expériences et les sensations, précieuses informations et fortes passions, métabolisées durant la nuit, pour les faire fructifier dans son travail quotidien.» (www.enosis.it)

Paru dans
Hotel + Tourismus Revue du 14 décembre 2006.