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Posted on 9 janvier 2005 in Vins suisses

Philippe Varone, où vont les vins suisses?

Philippe Varone, où vont les vins suisses?

Vins suisses — Nouveau patron de l'Interprofession
P. Varone où vont les vins suisses?
Le jeune négociant valaisan Philippe Varone, de Sion, prend les rênes pour deux ans de la toute neuve Interprofession suisse du vin, née en 2000. Sous son règne, la filière viti-vinicole va vivre des changements importants. Voici ces enjeux tel qu'il les perçoit.
Interview: Pierre Thomas
Le 1er janvier 2004, qu'est-ce qui va changer pour le vin suisse?
La levée de l'«exception négative» permettra d'utiliser l'argent de la Confédération pour faire la promotion des vins suisses en Suisse aussi, et pas seulement à l'étranger. L'interprofession va se trouver renforcée dans la mesure où la Confédération souhaite avoir un interlocuteur principal pour les questions vitivinicoles.
Mais l'interprofession ne se substituera pas au pouvoir politique…
La Confédération ne lui a délégué ni la gestion de l'offre, soit la fixation des quotas de production et des normes du rendement, ni la gestion de la qualité, soit la définition des AOC et des degrés minimum d'alcool, par exemple. Ce sont les cantons qui prendront, comme par le passé, leurs responsabilités. Mais l'interprofession scrute le marché, grâce au nouvel Observatoire du marché, à Sion. Elle chapeaute, par l'Office de promotion des vins suisses et Swiss Wine Communication à Berne, la promotion des vins tant en Suisse qu'à l'étranger. Elle assume la défense professionnelle de ses membres, de la production comme du négoce. Et elle propose les thèmes de recherches des stations fédérales de Changins et Wädenswil.
Y a-t-il, comme le prétendent certains vignerons, une crise du vin suisse?
Il y a une crise de la consommation, c'est clair et une concentration du pouvoir de la grande distribution (réd.: 70% du marché). Mais si on prend le marché région par région, la situation n'est pas aussi grave qu'on le dit.
Pourtant, depuis dix ans, on parle d'arracher des vignes…
Je ne suis pas certain qu'on en arrive là! Il y a une inconnue: la part des vins blancs suisses dans la consommation était de 100%, grâce au protectionnisme. Elle est tombée à 70% avec l'ouverture des frontières aux blancs étrangers. Où cette chute va-t-elle s'arrêter? Si le vignoble ne s'adapte pas — mais il l'a déjà fait partiellement et l'aide fédérale au réencépagement aide à continuer dans ce sens — alors, oui, il y aura arrachage.
Sur quels leviers faut-il agir pour soutenir la consommation?
D'abord, il faut convaincre le non-consommateur. La consommation moyenne est stable, voire fléchissante. On craint beaucoup le 0,5 pour mille d'alcool au volant (réd: qui n'entrera finalement pas en force le 1er janvier). La même mesure, en Autriche, s'était traduite par une baisse de la consommation.
On constate des actions de déstockage massif, notamment de chasselas. Ca n'est pas bon pour l'image du vin suisse, ça…
C'est le grand mal de la viticulture suisse. Il n'y a pas d'outil de gestion de l'offre. Certains producteurs et négociants doivent adapter brutalement leurs stocks pour des raisons financières. Ce bradage déstabilise le consommateur qui ne peut pas distinguer le bon grain de l'ivraie. La grande faiblesse du marché, c'est son hypersensibilité aux excédents conjoncturels. Mais trois ans de suite, de 2001 à 2003, on a produit moins que ce qu'on a consommé. Nous devons travailler pour mieux vendre le vin suisse. Nous devons être conquérants: 40% du marché suisse pour les vins indigènes, c'est insuffisant. Il y a des parts de marché à prendre chez nous.

Eclairage
«Apprendre à séduire le consommateur»
Philippe Varone, 39 ans, est né «dans un tonneau», dans le commerce familial, à Sion… Après avoir décroché une licence latin-grec à Saint-Maurice, il a fait une licence HEC à Lausanne, puis un diplôme postgrade en marketing international des vins et eaux-de-vie. Propriétaire et directeur des Vins Varone, qui partagent les Celliers de Champsec avec Charles Bonvin et Fils, il a été vice-président de l'Interprofession du vin du Valais et président de la Société des encaveurs du Valais. Il conduit toujours la société des «Verre à pied», ces œnothèques qui ont essaimé de Sion, depuis quatre ans, à Lausanne, depuis deux ans, à Genève, depuis un an, et à Bruxelles, depuis le début octobre. «Entre le métier de mon père et le mien, qui paraissent identiques, il y a un monde. Pour lui, dans un marché protégé, commercialiser le vin allait de soi. Aujourd'hui, il s'agit de séduire le consommateur.»

Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, Berne, en novembre 2003