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Posted on 2 mai 2013 in Vins suisses

Chamoson mise sur «son» johannis’

Chamoson mise sur «son» johannis’

La plus vaste commune viticole du Valais, Chamoson, 418 hectares, veut «sortir de l’anonymat viticole», comme l’a dit récemment son président, Claude Crittin, directeur de Maurice Gay SA (groupe Schenk). Grâce à son cépage phare, le johannisberg, abrégé, pour l’occasion, en johanis’. Le 7 décembre 2013, elle lance «Johannissima», une journée entière dédiée à la dégustation de cet homonyme du sylvaner. Peu avant, un jury de personnalités (cuisiniers, sommeliers, etc.), devrait choisir deux vins qui constitueront la mémoire du johanis’ local au fil du temps.

Par Pierre Thomas

La démarche est originale et s’apparente aux nouvelles DAC autrichiennes: il s’agit non seulement de respecter la législation en place (le cépage est déjà l’un parmi les quatre, avec la petite arvine, le pinot noir et  la syrah ,admis parmi les Grands Crus qui sortiront pour la première fois cet automne), mais encore d’affiner le style et de se mettre d’accord sur ce que devrait être un «bon johannis’ de Chamoson».

Sur une présélection de Dominique Fornage — qui a quitté le Château de Villa à Sierre pour reprendre son ancien restaurant, Le Cardinal, à Sion —, un jury «populaire» a esquissé cet archétype, mi-avril, dans le biennommé «Espace johannis’», l’ancienne salle de la fanfare et de cinéma des radicaux locaux, modernisée.

Le premier cépage de Chamoson

Parmi ses 418 ha et sa cinquantaine de caves, Chamoson en produit, du johannis’! Sur la récolte 2012 de 3,6 millions de litres, ce fut même le cépage le plus vinifié, avec 746’000 litres, devant le pinot noir, 628’000 litres, le chasselas-fendant, 531’000 litres et le gamay, 485’000 litres. Parmi les spécialités, l’humagne rouge même la statistique (198’000 litres), devant la syrah (187’000 litres), la petite arvine (181’700 litres), le très international merlot (155’000 litres), qui devance le cornalin (125’000 litres). A l’échelon suisse, le sylvaner pointe au 4ème rang des blancs, avec 4% de la surface dévolue à cette couleur, loin derrière le chasselas (63%), le Müller-Thurgau (ex-riesling-sylvaner, 8%) et le chardonnay (5%).

Ce descendant du savagnin blanc (le païen-heida valaisan) croisé avec le «blanc autrichien» est mentionné depuis 1665 dans le sud de l’Allemagne. En Valais, jusqu’en 1928, le johannisberg désignait le riesling, du nom du fameux domaine allemand d’où il fut importé. Puis le johannis’ devint «gros rhin», un autre synonyme du sylvaner, encore répertorié, sous «rhin» tout court en Valais. Longtemps, les Valaisans l’ont mélangé, à la vigne déjà, avec le chasselas. En 1966, le Conseil d’Etat valaisan protégea le nom de johannisberg en même temps que celui de fendant. Puis il limita le coupage du second avec le premier, réserva la plantation du johannis’ aux deux premières zones et décréta que s’il n’était pas cultivé en 1ère zone, il n’aurait plus droit à l’AOC, à partir de 1990.

A la recherche d’un profil gustatif

Déjà à cette époque, Chamoson était reconnue comme un des meilleurs terroirs pour le sylvaner. Mais qu’est-ce qu’un johannis’ «typique» de Chamoson? Avec la spécialiste de l’analyse sensorielle des aliments, la Sédunoise Anne-Claude Luisier, les vignerons et les invités de Chamoson ont tenté de le définir. Après un «brainstorming» en groupe, les caractéristiques d’un vin sec, à l’arôme d’amande (douce ou grillée), minéral (note de silex), gras, ample, persistant, avec une finale sur une amertume «positive» — qui en fait sa signature et le compagnon idéal des asperges ! — se sont décantées. Restait à voir si les mêmes «profileurs» retrouvaient ces qualités dans une sélection de six vins. Les avis divergeaient assez largement… avant qu’une majorité penche pour un échantillon, marqué, en prime, par des goûts de mangue et de fruit de la passion. Ce genre d’exercice est déjà mené à Chamoson pour le «vin d’honneur» de la Commune où un johannis’ est sélectionné par la commission de dégustation du Caveau, provenant chaque année d’un autre encaveur.

L'étiquette de la réserve du johannis' officiel de la commune de Chamoson.

L’étiquette de la réserve du johannis’ officiel de la commune de Chamoson.

 

Faire revenir le johannis’ à la mode

La constitution d’une collection des meilleurs vins de chaque millésime devrait démontrer que le johannis’, malgré une certaine tendreté et une acidité naturelle basse, est capable de s’améliorer dans le temps. «Le potentiel de garde d’un vin est associé à sa qualité», a rappelé Jean-Marc Amez-Droz, en charge de la communication de Chamoson. «En gardant les slogans, Chamoson « terre de culture » et « pays du johannis’», le cépage devrait permettre de se différencier de Vétroz et de son amigne et de Fully et de sa petite arvine», a expliqué ce grand professionnel du vin.

Les vignerons de Chamoson pourraient aller encore plus loin et, comme ceux de la Moselle l’ont fait avec le Concours des vins de montagne à Aoste, choisir, le tout nouveau Mondial du Sylvaner, à Strasbourg, pour profiler leurs meilleurs johannis’ avec l’appui d’un jury international, libre de toute attache avec le vignoble valaisan. Pour, enfin, faire revenir au premier plan et à la mode un vin qui fut accusé des pires excés de production, avant de s’effacer derrière la petite arvine et le païen-heida, deux locomotives des spécialités blanches valaisannes.

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 2 mai 2013

©thomasvino.ch