Selon un sondage, l’image des vins suisses s’est améliorée
Que faut-il croire? Les chiffres d’une consommation qui faiblit? L’argument d’un «tourisme d’achat» de proximité de 20 à 30 millions de litres, accentué par le «franc fort», qui fausse la statistique de la consommaton 2012, en baisse de 12 millions de litres (8 à charge des vins suisses)? Ou alors les indices optimistes d’une enquête confiée, à fin 2012, à l’institut lausannois MIS Trend, qui montre que les vins indigènes ont progressé, du moins dans l’esprit des Suisses ?
Par Pierre Thomas
Commanditaire de l’étude, Swiss Wine Promotion, qui investit 5 millions de francs dans la promotion des vins au niveau national, veut y croire ; elle l’a dit récemment au Château d’Aigle, à l’occasion de son assemblée annuelle. Depuis 15 ans, les milieux vitivinicoles sondent les Helvètes. C’est dans les réponses sur les raisons d’acheter du vin suisse que SWP, présidé par le Valaisan Gilles Besse, peut trouver sa plus grande satisfaction.
«Un certain patriotisme viticole»
Comme l’exprime son secrétaire général, Sébastien Fabbi, les consommateurs interrogés expriment «un certain patriotisme viticole», puisque, en réponse spontanée, parmi les consommateurs disant acheter principalement du vin suisse, 65% répondent qu’ils l’acquièrent «pour défendre la production locale» et, en réponse aidée, 61% expriment leur «attachement au pays».
Plus intéressant encore, 53% de ces sondés disent acheter du vin suisse pour sa «meilleure qualité» : c’est 23 points de plus qu’en 2008, date de la précédente enquête, et 28 de plus qu’en 2004. Le rapport qualité-prix fait aussi un bond, à 32% d’intention, même si ceux qui affirment qu’«à prix égal, sa qualité est supérieure» restent stables depuis dix ans.
Globalement, l’image des vins suisses s’améliore. Elle n’est pas seulement basée sur des produits passéistes, puisque 62% des sondés (en progression) estiment qu’il y a encore beaucoup de vins indigènes à découvrir, qu’ils sont utiles à la sauvegarde du paysage, 55% — on retrouve le patriotisme! L’indice de confiance dans les producteurs gagne aussi 6 points, à 43%. Le fait que ces vins «s’accordent à tous les mets» passe de 34 à 40% et 40% des sondés avouent que les vins indigènes «tiennent la comparaison avec les vins étrangers», contre 35% depuis dix ans. Ils disent aussi préférer, à prix égal, acheter du vin suisse. Sur tous ces indices, la progression est patente, même en tenant compte de la marge d’erreur de 3 à 5%.
On boit du vin le week-end à domicile
Plusieurs autres facteurs restent stables. Comme la proportion entre vins suisses et étrangers : 36% disent consommer «surtout des vins suisses», 44%, «surtout des vins étrangers» et 20%, «autant des deux». Inchangée aussi, la proportion des sondés buvant du vin et la répartition par tranche d’âge et par sexe : plus on avance en âge, plus on apprécie le vin, et cela est vrai davantage pour les hommes que pour les femmes, plus nombreuses à acheter elle-même le vin.
Les jeunes, par contre, n’apprécient le vin qu’à partir de 25 ans ; chez les 18 – 29 ans, le vin est concurrencé rudement par d’autres alcools. Sauf au Tessin, les consommateurs quotidiens de vin diminuent, comme la fréquence de consommation en semaine, pour se concentrer principalement le week-end, le soir et de moins en moins à midi! La répartition des lieux de consommation reste stable : 60% à domicile, 23% au café-restaurant — les Romands boivent un peu plus à l’extérieur que les Alémaniques et les Tessinois. Où les Suisses achètent-ils leurs vins suisses? Les grandes surfaces marquent encore des points, avec 53%, devant les producteurs (33%), les magasins spécialisés (28%), les foires (8%), les clubs (4%) et par Internet (4%), très faible, toujours derrière les offres par courrier postal (5%).
En forte progression entre 2004 et 2008, la connaissance de l’AOC se consolide, mais les termes de «grand cru» restent dans un flou opaque, même si les consommateurs en attendent davantage de qualité. Une pierre dans le jardin des producteurs: la définition légale de Grand Cru diffère entre le Valais, Genève et Vaud, qui de surcroît, en a rajouté une couche l’an passé avec ses 1ers Grands Crus !
Promotion :
le retour du «fonds viticole»?
Selon le président de SWP, Gilles Besse, pour faire encore progresser les vins suisses, dont la consommation est descendue pour la première fois en 2012 sous le seuil symbolique des 100 millions de litres, il n’y a «qu’une solution durable, la bonne promotion». SWP y consacre 5 millions de francs (2,3 proviennent de la Confédération). La moitié est investie en publicité, dont 70% en presse papier. 1,2 million de francs sont consacrés à une campagne d’affichage, principalement en Suisse alémanique, puisque, si 80% des producteurs se trouvent en Suisse latine, 80% des consommateurs, habitent outre-Sarine. En 2013, cette campagne va insister sur le «100% Swiss Made» du vin et lancer une semaine du vin suisse, en automne, avec des restaurants, sous la forme de Swiss Wine & Dine.
Quant à l’Interprofession de la vigne et du vin suisse (IVVS), elle espère lever des fonds supplémentaires pour la promotion. Elle propose à l’Association suisse du commerce des vins (ASCV) de consacrer volontairement 2 centimes par litre de vin importé à un fonds destiné à faire acheter du vin en Suisse. Pour les quelque 180 millions de litres importés, cela représenterait 3,6 millions de francs supplémentaires pour la promotion. Par le passé, 8 centimes par litre de vin importé alimentaient un «fonds viticole», supprimé par la politique agricole PA 2007. Berne est aujourd’hui sollicitée pour accorder 50% d’aide aux campagnes de promotion régionales, et non 25%, comme aujourd’hui. Toutefois, SWP s’efforce de coordonner des projets régionaux d’envergure nationale, pour contourner cet obstacle.
Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 30 mai 2013.