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Posted on 17 juillet 2008 in Vins suisses

Valais — Axel et Jean-François Maye à tirage limité

Valais — Axel et Jean-François Maye à tirage limité

Axel et J.-F. Maye à Saint-Pierre-de-Clages (Valais)
Un triomphe à tirage limité
Automne 2007: le Grand jury européen (GJE) désigne quatre syrahs suisses du millésime 2001 en tête d’une dégustation. Au sommet, la syrah «vieilles vignes» d’Axel et de Jean-François Maye, de Saint-Pierre-de-Clages. Soudain, des quatre coins de l’Europe, on découvre ce vin : «Les gens nous téléphonaient pour nous demander si nous avions encore du 2001, alors que nous n’avons plus une bouteille de 2005», répondent les deux frères, assis dans la fraîcheur de leur cave.
Par Pierre Thomas
Naguère, les vins suisses ne suscitaient que des questions polies. Aujourd’hui, les vins portés au pinacle par des dégustations internationales, engendrent des frustrations. Ils sont trop rares, vendus au compte-gouttes à une clientèle fidèle, et introuvables sur le marché.
Une syrah encore jeune
En Suisse, il n’y a que 177 hectares de syrah, dont 156 en Valais, dans cette haute vallée du Rhône qui, plus bas, donnera les hermitages, côtes-rôties et crozes-hermitages. Et depuis longtemps, la «syrah de Simon Maye» est reconnue par les amateurs… Longtemps, vraiment? Quand on sait que le cépage rhodanien est arrivé en Valais il y a 70 ans et que la cave de Simon Maye — encore bon pied, bon œil à 86 ans —, va boucler cet automne sa soixantième vendange… «On a planté nos premiers ceps de syrah en même temps que ceux de La Turque» (réd. : la plus récente des trois côtes-rôties de Guigal, après La Mouline et La Landonne). C’était en 1982», rappelle Axel Maye, l’aîné, 54 ans. «Je n’avais pas osé en mettre sur toute la parcelle… On ne savait pas ce que cela donnerait», se souvient Jean-François, 53 ans.
En concurrence avec le fendant!
De 2'500 m2, leur syrah est, depuis, passée à 15'000 m2. Soit, bon an, mal an, huit mille bouteilles, partagées entre une étiquette noire et une étiquette blanche. Le premier vin n’est pas élevé en barriques ; le second, le «vieilles vignes», passe de 10 à 12 mois en fûts de chêne, renouvelés sur trois ans. «On aime mieux faire bon que trop», assène Jean-François, patron dans les vignes. «Nous cultivons une philosophie de vignerons-encaveurs et pas de businessmen patentés en marketing», renchérit Axel, seul maître en cave, après un détour par l’Université de Lausanne, pour décrocher une licence en… HEC (hautes études commerciales). «Nous ne sommes pas là pour exploiter à fond un filon. Nous vivons avec la nature, nous avançons à son rythme, mais avec passion.»
Rendements limités à la vigne, pigeages réguliers et macérations longues : «Tout cela, on le maîtrisait déjà en 1985», explique Axel. Les deux frères ont repris l’exploitation du domaine familial il y a bientôt trente ans. Leur père avait été un des premiers à «tout miser sur la bouteille dès 1975», tout en continuant à exercer, jusqu’à sa 65 ans, sa profession de notaire, qu’il avait apprise parce qu’il n’était pas possible de vivre de la vigne, au milieu du 20ème siècle, en Valais.
Offrir toute une palette
Aujourd’hui, qu’est-ce qui empêcherait les frères Maye de se concentrer sur ce qu’Axel nomme «les quatre grands cépages» : la syrah, le cornalin, la petite arvine et le païen ? Le respect de la tradition: les Maye ont certes doublé la surface de leur domaine, passé de 6 ha en 1980 à 11 ha aujourd’hui, mais sans jamais renoncer à une variété, sauf le muscat. Et même s’ils se complètent parfaitement, les frères avouent leurs goûts personnels : «Je préfère le païen (réd. : savagnin blanc) à la petite arvine et je bois davantage de pinot noir et d’humagne rouge que de syrah, ce grand vin que je ne goûte pas souvent», confesse Jean-François. Tandis qu’Axel reprend: «Le vin qu’on boit le plus, c’est quand même le fendant ! Et en rouge, la dôle, le pinot, la syrah ont chacun leur rôle à jouer.»
Malgré le succès, pas question de déroger au principe de : «On a toujours géré les vins dans leur ensemble, à la suisse». Même si Axel l’admet, le secteur appelé «Près des pierres», sur le cône de déjection de Chamoson, est idéal pour la syrah… tout en ajoutant, «mais excellent pour le fendant». Et de ce chasselas, ils en sont aussi fiers que des autres vins. Il représente encore 30% des 100'000 flacons annuels. Leurs trois étiquettes, Fauconnier, Trémazières et Moette, ont, pour les deux premiers, remporté les deux premières Coupes Chasselas, le Moette se classant deux fois deuxièmes.
Rançon de cette gloire, les deux frères ont renoncé, depuis l’an passé, à présenter leurs vins dans les concours : quoiqu’on en pense, il n’y en aura pas pour tout le monde. Définitivement.
                                                                                           Pierre Thomas

Portrait paru dans la revue VINUM suisse (allemand et français), juin 2008.