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Posted on 10 juillet 2013 in Vins suisses

Les Faverges passent au vert

Les Faverges passent au vert

Domaine viticole emblématique de l’Etat de Fribourg, Les Faverges, au cœur de Lavaux, se convertissent partiellement au bio. Rencontre avec le vigneron et chef de cave Gérald Vallélian, Gruérien de souche et, depuis un peu plus d’un an, syndic de Saint-Saphorin.

Pierre Thomas

Des soucis, Gérald Vallélian en a semé, dans l’herbe entre les rangs de ceps, sous la terrasse à la vue à couper le souffle d’un touriste japonais, panoramique sur le Léman et le massif du Grammont. Des tracas, par contre, le vigneron qui cultive 6,6 des 15,5 hectares, assure ne point en avoir, malgré le choix de passer en viticulture bio, l’an passé déjà, et en reconversion officielle dès cette année. Son collègue, Yvan Regamey, demeure, lui, en production intégrée (PI) et tous les raisins ne sont pas mis dans le même panier. Il n’empêche, sur le plus grand domaine d’un seul tenant de Lavaux, et deuxième en surface du canton de Vaud, que le vert progresse autant fait déjà tache et est suivi avec intérêt par les vignerons voisins.

Vue imprenable sur le Léman... (©Pierre Thomas)

Vue imprenable sur le Léman… (©Pierre Thomas)

Ce retour à la Nature, le Gruérien d’origine l’explique sereinement : «C’est une tendance lourde. Une dynamique s’installe mais je n’en fais pas une religion. Je constate que cela fait 2’000 ans que l’Homme maîtrise la vigne et 60 ans que la chimie existe.» Le vigneron, 48 ans — «j’accomplis ma 33ème saison à la vigne» — peut compter depuis trois ans sur un jeune chef de culture d’origine bretonne, Mathieu Le Saux, 27 ans. Sur la même longueur d’onde, les deux «se partagent le boulot» tant dans les vignes, mécanisées par chenillette, qu’en cave, jusqu’à la mise en bouteilles au domaine.

Quand la vigne «comprend»

Tout naturellement, le bio commence par la «gestion des sols». On passe sur les multiples étapes de ce jardinage. Le vigneron est catégorique : «La vigne a compris qu’on doit travailler ensemble et non l’un contre l’autre». Passer au bio exige aussi de «mieux maîtriser tous les paramètres, d’être plus attentif et plus précis». Chahutée par une météo capricieuse en 2012, la vigne n’a pourtant pas posé de problèmes majeurs, ni au niveau sanitaire, ni au niveau de la quantité récoltée : «Avant, il fallait intervenir en vert, en supprimant beaucoup de grappes, là, je suis arrivé dans la cible, autour d’un kilo au mètre carré, en coupant un petit peu.» Et ce printemps, tardif, où certains ceps se sont mis à faire des feuilles en tout sens ? «La vigne pousse moins vite et plus droit», montre le vigneron.

Le but est de «faire le pas d’une labellisation, sinon ces efforts ne sont pas mis en valeur». Les Faverges visent donc le label bio suisse le bourgeon d’ici trois millésimes. Et pas demeter, la certification en biodynamie, «même si je n’en suis pas loin. J’utilise des préparations, des tisanes d’ortie, de consoude, de prêle, c’est un petit plus à la vigne pour se défendre…».

De nouveaux vins en vue

En cave, Gérald Vallélian fait des essais avec des levures indigènes, au lieu des sélections industrielles. Il vient de sortir son premier vin bio, ou plutôt «un chasselas de grande minéralité issu d’un vignoble en biodiversité» comme le proclame l’étiquette, arborant un papillon, un moro sphinx, dessinée par l’artiste Gisèle Rime. Ce 2011 s’appelle L’énigme : il a déjà tapé dans le palais d’un caviste genevois, qui a commandé plus de 1’000 des 6’000 bouteilles produites. Un vin blanc élevé longuement sur lies, long en bouche, typé agrumes, bien soutenu par l’acidité.

A côté des deux vins «classiques», le chasselas tiré à 60’000 bouteilles, et la cuvée rouge (60% de pinot noir, complétés par du gamay, du gamaret, du garanoir et du merlot) à 40’000 bouteilles, Gérald Vallélian voit bien coexister une deuxième gamme, à l’image de la Ville de Lausanne. L’un de ses domaines, le Burignon, est juste à côté des Faverges. Sous l’impulsion de sa jeune cheffe de service, l’œnologue Tania Gfeller-Munoz, le chef-lieu vaudois vient de présenter deux douzaines de nouveaux vins, sous de nouvelles étiquettes. Aux Faverges, outre le Vase No 1, un chasselas en foudre, et la Cuvée du Patrimoine, un assemblage rouge, il y a désormais un pur merlot et un rosé de garanoir, vendu en 50 centilitres. Ou encore le chasselas 2012, Réserve du Château de Gruyères, qui vient de décrocher une médaille d’or à la Sélection des vins vaudois. En attendant, peut-être, des vins de cépages résistants aux maladies, comme le Cabernet Jura ou le Divico.

Avec le temps, le domaine historique glisse, lentement mais sûrement, vers une indispensable diversification pour rejoindre les goûts toujours plus éclectiques de la clientèle helvétique. Sans renier son passé: les Faverges, qui dépendaient alors de l’abbaye de Hauterive, sont citées dans un parchemin daté de 1138. Tradition et innovation en terres vaudoises, en somme.

Les vins de l’Etat de Fribourg sont vendus sur place, au Domaine des Faverges, ouvert le samedi de 10 à 12 h., ou sur rendez-vous, tél.  076 579 10 81, et au magasin de Grangeneuve (Posieux), ouvert du lundi au vendredi de 15 h. à 18 h. et le samedi de 10 h. à 11 h. 30. Sur le Net : www.domainedesfaverges.ch

Chasselas et Gruyère AOP en route pour le mariage

Au premier jour de l’été, l’Etat de Vaud a annoncé les fiançailles du label Terravin, qui vient de fêter ses 50 ans à Yvorne, et du Gruyère AOP, au nom de la «défense des produits du terroir». Dans ce contexte, le Domaine des Faverges est en première ligne. Président de la «marque de qualité Terravin», le syndic de Rivaz, Pierre Monachon, a approché son collègue et voisin Gérald Vallélian pour qu’une partie des vins «fribourgeois» passent devant la commission de dégustation qui délivre les «lauriers d’or du terroir».

Ce label, Gérald Vallélian l’avait obtenu quelquefois par le passé, mais sans l’afficher sur les flacons. «Si on participe, on collera le macaron sur les bouteilles», assure Peter Maeder, le nouveau responsable des vignes de l’Etat de Fribourg, depuis avril, un des deux secrétaires généraux de la conseillère d’Etat Marie Garnier. Déjà, le chasselas des Faverges est souvent présenté avec du gruyère. Ecoulé à 75% dans le canton de Fribourg, dont quelque 5’600 bouteilles comme vin d’honneur de l’Etat ou servies dans des manifestations officielles, il peut encore élargir son aura. «C’est aussi un produit de promotion de l’Etat de Fribourg hors du canton», confirme Peter Maeder.

Vu de Lausanne, il s’agissait aussi de pérenniser une aide du Canton au label Terravin. Et, dit-on, Philippe Leuba, le conseiller d’Etat en charge de l’économie (et du sport), tient à des synergies entre les produits du terroir. Il avait déjà poussé Terravin à proposer un coffret avec le vacherin Mont-d’Or, l’hiver dernier. Cette fois, avec le gruyère, qui est «un des piliers de la filière agricole vaudoise» (9’000 tonnes produites, soit un peu moins d’un tiers de la production totale de l’AOP), les deux partenaires se partageront 1,5 million de francs sur cinq ans. Ce sera «la plus ambitieuse campagne de promotion jamais mise en place par le Canton» (de Vaud). Le détail des opérations ne sera pas connu avant la fin de cette année, mais les consommateurs suisses, alémaniques d’abord, seront visés. (PTs)

Page parue dans La Liberté le 10 juillet 2013, PDF ici: lib_faverges100713