CHasselas et vins CH vus de Zurich
Deux auteurs parmi les plus connus de Suisse alémanique ont trempé leur plume pour brosser qui un itinéraire œno-culinaire du chasselas vaudois, qui un hit-parade des 100 meilleurs vignerons du pays. Surprises: Chandra Kurt sacrifie à la propagande plan-plan pour le plus répandu des cépages blancs et Thomas Vaterlaus pose un regard de myope, voyant davantage ce qui se fait en Suisse orientale et aux Grisons qu’en Suisse romande.
Par Pierre Thomas
La publiciste zurichoise Chandra Kurt est très engagée pour la promotion des vins suisses : on l’a vue dans un «clip» TV, sur des images de Patricia von Ah. Les deux viennent de publier un livre sur le «Chasselas — de Féchy au Dézaley». La formule est identique à un précédent ouvrage, «De l’humagne à l’heida», paru en 2011 chez le même éditeur.
La journaliste zurichoise ne se contente pas d’écrire et de décrire. Elle «édite» aussi des vins de sa «collection», en Valais, chez Provins, et en Pays de Vaud, chez Bolle & Cie, à Morges — six chasselas vaudois, de six provenances. Et pour les vins valaisans, elle avait cosigné son ouvrage avec l’œnologue de Provins, Madeleine Gay, qui prendra sa retraite courant 2015. Pour le chasselas, elle a suivi Louis-Philippe Bovard, 80 ans cette année, encaveur à Cully, «baron du Dézaley», mais surtout fondateur du Conservatoire du chasselas, à Rivaz. Chandra Kurt remet dans son contexte le cépage blanc le plus planté, et le plus identitaire de la Suisse, et notamment lémanique, où il est né, de parents inconnus. Elle confie l’avoir découvert sur le tard, après l’avoir mésestimé longtemps.
Sans s’embarrasser des nuances de la législation vaudoise, des vins de comptoir aux 1ers Grands Crus, elle préfère mettre l’accent sur le cépage et sur les villages. L’ouvrage, didactique, est complété par une quarantaine de recettes de cuisine du terroir vaudois. Le tout est plutôt bien ficelé — avec de nombreuses répétitions pour bien enfoncer le clou —, avec un côté suranné apporté par 12 illustrations pleine page tirée de «La grande année vigneronne» (1935), du graveur sur bois et héraldiste Paul Boesch, né à Fribourg en 1889 et décédé en 1969, à Berne, où il vécut la majeure partie de sa vie.
«Chasselas — De Féchy au Dézaley», Chandra Kurt, 180 pages, Orell Füssli, 44.90 fr.
47 vignerons romands sur 100, pour 75% des vins suisses!
Quelle image donner des vins suisses ? Le rédacteur en chef du magazine Vinum, le Thurgovien Thomas Vaterlaus, y répond à sa façon, dans un guide (de poche) des «100 meilleurs domaines viticoles de Suisse».
La Suisse romande a beau mettre sur le marché 75% des vins du pays, sur cette sélection de 100 domaines, seuls 47 sont situés en Suisse romande, y compris dans la région des Trois-Lacs (dont les deux Fribourgeois du Vully, le Cru de l’Hôpital, à Môtier, et le Domaine Chervet, à Praz). Hiérarchie romande impitoyable, donc, limitée aux têtes de série, avec une ouverture sur les nouveaux venus haut de gamme en Valais. La forte cohorte alémanique bénéficie de l’apport des champions suisses du pinot noir, avec 15 vignerons grisons. Soit autant que de Tessinois, où ne manquent aucun des mousquetaires alémaniques et romands qui, dans les années 1980, ont redonné vie au merlot et contribué à la diversification de l’encépagement, comme le Staviavois Meinrad Perler (Agriloro). L’avantage de la myopie du «vu de Zurich» permet, au moins, de découvrir des producteurs locaux dont les vins franchissent rarement la Sarine dans le sens est-ouest ! Et le guide fourmille d’adresses gastronomiques en lien avec les vins. Clin d’oeil: son format et sa mise en page reprennent quasiment forme pour forme le premier «Guide des vignerons», que nous avions publié aux éditions 24 Heures, il y a… vingt ans! 100% romand, comme son titre l’indiquait, par l’exigence de l’éditeur lausannois! La preuve par la photo: avant (à gauche) et et après (à droite)…
«Les 100 meilleurs domaines viticoles de Suisse» 2015 – 2016, Thomas Vaterlaus, éditions Vinum, 200 pages, 20 fr.