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Posted on 29 mars 2015 in Vins suisses

Chapoutier-Vaucher à l’EHL sur fond d’AOC fédérale

Chapoutier-Vaucher à l’EHL
sur fond d’AOC fédérale

En lever de rideau de la compétition inter-écoles We Wine 2015, à l’Ecole hôtelière de Lausanne, l’Office des vins vaudois avait invité, samedi 28 mars, deux personnalités du monde du vin à casquettes multiples : le Rhodanien Michel Chapoutier et le Vaudois Jean-Claude Vaucher. Quelques pistes d’un débat technico-économico-politique autour des vins de demain.

Par Pierre Thomas

Michel Chapoutier a racheté la maison homonyme, fondée en 1808, à son grand-père. Non seulement il commercialise des vins de toutes Côtes-du-Rhône (dont il est devenu président d’InterRhône à fin 2014), mais des régions avoisinantes. Il annonce un rachat tout prochain dans le Beaujolais, qui complètera ceux faits en Alsace, au Portugal, dans la Ribera del Duero et dans la région de Melbourne, en Australie. Michel Chapoutier, qui a écrit sur sa carte de visite «winegrover, winemaker, winelover», a de multiples casquettes : président des négociants de France, d’InterRhône, membre du conseil de l’INAO et patron de sa maison de vins.

Jean-Claude Vaucher est président de la holding Schenk, maison familiale fondée en 1893, qui a des structures de distribution en France, Italie, Espagne, Allemagne, Benelux et Angleterre. En Suisse, avec 230 ha en propriété et 100 ha loués et travaillés, Schenk s’affiche «plus gros vigneron de Suisse». A la différence de Chapoutier, qui paraît un groupe verticalisé, qui signe ses vins, Schenk est atomisé en sociétés multiples qui sont autant de centres de profit, chaque société étant responsable de son marché. Jean-Claude Vaucher, après avoir été durant 11 ans président de la Commission interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), est Gouverneur de la Confrérie du Guillon (qui dispose d’un siège à la CIVV, en plus de sa mission de promouvoir le vin vaudois).

J.-C. Vaucher, à g., et M. Chapoutier, à dr., à l'Ecole hôtelière de Lausanne. (photo OVV)

J.-C. Vaucher, à g., et M. Chapoutier, à dr., à l’Ecole hôtelière de Lausanne. (photo OVV)

Une AOC fédérale commune à tous les cantons?

Jean-Claude Vaucher a dit trois choses importantes sur l’avenir des vins vaudois et suisses.

Primo, il a déploré les 26 AOC cantonales : «le fédéralisme nuit» au vin suisse et le patron de Schenk (à moins que ce soit le Gouverneur du Guillon !) plaide pour «une AOC appplicable à tous les cantons».

Secundo, il a dit que la définition actuelle des «lieux de production» dans les AOC régionales vaudoises «ne joue pas» : «On ne peut pas garder l’assemblage 60% – 40%» (réd : augmenté de 10% de droit de coupage fédéral), tout en affirmant que, dans le vignoble vaudois, «on a une pyramide régionale». (Réd. : on a défendu depuis longtemps ces deux positions : des «conditions cadres» d’AOC fédérales rassurantes pour le consommateur et la suppression du 60-40 vaudois lié à un nom de village sur l’étiquette).

Tertio, «l’œnotourisme ne va pas sauver la viticulture vaudoise» : le patron de Schenk préférerait un accent mis sur la promotion massive des vins, notamment pour contrebalancer la notoriété de certaines régions (comme Lavaux, qui produit moins de vin, par rapport à La Côte, qui en produit plus).

Embouteiller près du consommateur

Pour le patron de Schenk, les cahiers des charges des «appellations d’origine protégée» AOP européennes obligent à embouteiller dans l’AOC. Pris au pied de la lettre, ce règlement appliqué aux vins suisses obligerait à embouteiller de l’AOC (régionale) Lavaux dans le périmètre de Lavaux, sauf si ce vin porte la qualification de «vin vaudois» (puisque l’AOC recouvre tout le canton), et les vins du Valais en Valais, et non à Rolle (VD). Une revendication du label Marque Valais pour les vins reprend du reste cette définition.

Michel Chapoutier a une lecture inverse : il affirme que la Rioja et l’Alsace étudient la possibilité d’embouteiller à l’extérieur du périmètre de leur DOCa et de leur AOC (au niveau européen, les Italiens, Espagnols et Français ont gardé leurs dénominations nationales, même s’ils ont dû adapter leurs cahiers des charge à la notion d’AOP). Au nom du «bilan carbone», l’embouteillage le plus près du consommateur pourrait condamner la mise en bouteille dans la région de production. En Vallée du Rhône, près de 60% du Châteauneuf-du-Pape est mis en bouteille hors du périmètre de l’AOC, et Chapoutier est à la fois propriétaire et négociant castelpapal.

Des métaphores horlogères

Les deux intervenants on eu la métaphore horlogère. Pour J.-C. Vaucher, le groupe Schenk disparaît derrière ses marques «comme dans l’horlogerie» (réd. : où on parle quand même du groupe Swatch !). Pour Michel Chapoutier, on peut avoir autant d’AOC qu’on veut, car «ça n’est pas parce qu’il y a des centaines de marques de montre que je suis obligé d’en acheter plus de trois ou quatre selon mon bon plaisir». Et le gouverneur du Guillon a dit tout le bien qu’il pense d’associer «le vin et les montres comme signes distinctifs» (du savoir-faire helvétique), saluant le partenariat que l’OVV a signé au niveau international, notamment avec Jean-Claude Biver (Hublot, puis directeur du pôle horloger de LVMH). Bémol toutefois de Michel Chapoutier sur le Japon : «Le vin est en déperdition au Japon, c’est un marché d’anciens, de vieux, les jeunes n’en boivent pas.»

©thomasvino.ch