Les bonnes idées finissent par faire tache
J’ai lu avec un malin plaisir l’édition de Vinum de juillet et août 2015. Avec d’autant plus de satisfaction que je fus, par le passé, le correspondant romand du «magazine européen de la culture du vin», durant dix ans, hélas peu pourvu en moyens. Les temps ont changé, l’éditeur aussi.
Je n’ai pas eu besoin d’aller bien loin dans ce dernier numéro, vendu en kiosque. L’édito signé Alexandre Truffer, rédacteur en chef adjoint responsable de l’édition francophone, revient sur une idée que j’avais émise il y a deux ans exactement sur ce site : l’introduction d’une taxe sur les vins, une «accise», et la création d’un pot commun viticole pour encourager la viticulture et les vins suisses. Tout le détail est ici (en fin du texte).
Le principe est de taxer tous les vins : les importés, bien sûr, mais aussi les indigènes. On entend évidemment les cris d’orfraie des adeptes du fédéralisme, du régionalisme qui cache mal l’esprit de clocher, s’agitant jusqu’au Palais fédéral pour saper un système que l’Union Européenne — le diable, quoi! — connaît et pour lequel elle laisse la liberté d’application à ses états-membres.
Voilà pourtant qui mettrait fin à des conflits où le plus obscur des vignerons vaudois s’estime lésé par des opérations à l’étranger menée par le virevoltant président de l’Office des Vins Vaudois. Rien qu’en prélevant 50 centimes sur chaque litre de vin produit en Suisse, cela ferait 50 milllions de francs, bon an, mal an, perçu par un organisme central de contrôle. Ce fonds serait alimenté par la même taxe perçue sur les vins étrangers, soit près de 100 millions de francs. Un joli pactole ! En contre-partie, on pourrait supprimer le système cantonal de taxes au kilo et au litre pour doter les offices régionaux de promotion et — enfin ! — donner des moyens à Swiss Wine Promotion pour intervenir en Suisse et à l’étranger pour promouvoir les vins suisses, tous les vins suisses ! Que Vinum évoque cette formule, deux ans après ce website, c’est évidemment un joli motif de satisfaction…
L’autre est à la page 6. Depuis que le Grand Prix du Vin Suisse (GPVS) existe sous cette forme, je conteste le système qui veut que les six «nominés» issus des dégustations de juin à Sierre soient automatiquement sacrés en octobre sur la base des notes attribuées en juin.
J’ai toujours défendu l’idée que la «soirée de gala» du GPVS gagnerait en honnêteté en sacrant des vins redégustés par un jury homogène, alors que le principal sponsor, Coop, il y a deux ou trois ans, prétendait lui-même qu’il s’agissait d’une «finale» — mensonge! Eh bien, Vinum, partenaire de l’opération avec Vinéa à Sierre, annonce que «ces 72 vins (réd. ; les finalistes) seront redégustés en août par un «Grand Jury» composé d’une douzaine de dégustateurs suisses et internationaux qui auront pour tâche d’établir le podium définitif.»
Même quand on a l’impression de prêcher dans le désert — ce que d’aucuns vous font savoir avec une mine de circonstance et, avec le fair-play du débat d’idées, par un boycott en bonne et due forme à la clé —, il faut toujours écrire ce que l’on pense en toute indépendance.
Jolie leçon : merci Vinum !
Pierre Thomas
©thomasvino.ch