Dézaley Grand Cru 2013/14: la grande dégustation
L’édition no 47 de la Revue du Guillon, parue cet été, a publié un dossier sur le Dézaley. Ci-dessous, les résultats d’une dégustation de 52 vins, par un jury formé de Daniel Dufaux, président de l’Union suisse des Oenologues, Marco Grognuz, vice-président de la commission de dégustation du label Terravin, Fabio Penta, maître-caviste chez Oenologie à façon SA, Richard Pfister, œnoparfumeur, et Jean Solis, dégustateur et négociant en vins. En prime, tout à la fin, une chronologie des grandes heures du grand terroir à chasselas vaudois.
Par Pierre Thomas, textes et photos
Les dessous révélés d’une dégustation revêtue
Les organisateurs ne publient jamais les détails d’une dégustation. En voici quelques uns, même si on s’est engagé à ne pas révéler la liste complète des vins. Ils étaient exceptionnellement nombreux. On admet que le Dézaley Grand Cru génère un peu plus de 60 étiquettes, y compris de quelques négociants (pour des supermarchés). Et 52 vins étaient en lice, 31 de 2014, qui venaient pour la plupart d’être mis en bouteille, et 21 de 2013, mais aucun présent dans les deux millésimes.
8 séries pour 16 finalistes
Ce collège a d’abord sélectionné à l’aveugle les 16 finalistes. Deux vins ont été désignés dans huit séries (de 6 ou 7 vins). Dans chaque série, les vins avaient été répartis au hasard, mais dans chacune, il y avait au moins un vin d’un membre de la Baronnie du Dézaley (sur les 12 membres, 11 ont présenté un vin), deux vins labellisés Terravin (16 sur 52 étaient munis du macaron or), et des vins bouchés liège (18), agglomérés diams (17) et à vis (16), en proportion équitable, sans que ces conditions aient été révélées.
Les 16 finalistes ont facilement été désignés, sans écart d’avis. Ensuite, ils ont été redégustés, notés (sur 20) et commentés par chacun, dans une finale, à l’aveugle, en ordre aléatoire, sans tenir compte ni du rang des séries ni du millésime. Pour établir le classement ci-contre, la note la plus haute et la plus basse du jury ont été éliminées. L’ordre des ex-aequos est donné selon la note la plus haute, puis la note la plus basse la plus généreuse.
Terravin fait très fort!
Au final, les vins bouchés à vis sont majoritaires (8), contre liège et diams à égalité. Sur les 11 premiers vins, 8 sont munis du label d’or Terravin — une remarquable performance ! «Last but not least», un seul vin (sur 11 au départ) de la Baronnie, qui dispose de sa propre bouteille, est classé, mais en tête, avec 18/20 de moyenne. Les six premiers vins sont tous des 2014 ; le 1er 2013 (sur 6) se classe 6ème ex-aequo. Et, rappel d’usage valable pour tout concours, cette dégustation est le reflet du jour J et de l’heure H, soit du lundi 6 juillet 2015, dès 9 h. au bar à vins le Midi 20, à Lausanne.
Dézaley Grand Cru 2013 et 2014 : les résultats
*** 17 et plus
1er — Dézaley GC 2014, Famille Fonjallaz, Agathe et Toni, 12,8%, 70 cl, liège, bout. Baronnie (18/20)
Jaune clair ; nez intense, de fruits frais, minéral (silex) ; bonne structure, riche, gras, compact, homogène, long, pointe d’amertume ; vin de terroir marqué, à beau potentiel de garde.
2ème ex-aequo — Dézaley de l’Evêque GC 2014, Patrick Fonjallaz, 12,5%, 75 cl, liège, Terravin (17,3/20)
Jaune or ; nez ouvert, mûr, avec une pointe de lactique ; attaque ample, suave, mais avec de la fraîcheur ; moelleux et riche, pourtant racé et équilibré.
2ème ex-aequo — Dézaley GC 2014, Pierre-Luc Leyvraz, Chexbres, 12,3%, 70 cl, vis (17,3/20)
Jaune clair ; nez de fruit, frais, dense, avec des notes minérales ; belle maturité, de la chair ; puissant, tonique, racé et complexe, d’une belle typicité et d’un beau potentiel de garde.
2ème ex-aequo — Dézaley GC 2014, Jean-François Neyroud-Fonjallaz, Chardonne, 12,5%, 70 cl, vis, Terravin (17,3/20)
Jaune clair ; nez frais et fruité, avec des notes de citron et minérales ; ouvert, ample ; on retrouve la minéralité en bouche, pointe d’amertume et bon soutien acide ; beau vin harmonieux.
5ème — Dézaley GC L’Ermite 2014, Pascal Fonjallaz-Spicher, Epesses, 12,9%, 70 cl,vis, Terravin (17/20)
Jaune clair ; nez discret, minéral, avec un peu d’évolution ; structure riche et grasse ; finale un peu lactée ; CO2 présent, qui lui confère fraîcheur et amertume sèche, mais vin séduisant.
** 16 à 16.9/20
6ème ex-aequo — Dézaley Les Embleyres 2014, Les Fils Rogivue, Chexbres, 12,5%, 70 cl, vis, Terravin (16,7/20)
Jaune clair ; nez fin, sur des notes de silex, de tilleul, de coing et de miel ; bouche équilibrée, belle harmonie, sur une structure bien assise ; un vin frais et vif, élégant, tout en finesse.
6ème ex-aequo — Dézaley GC 2013, Domaine Bovy, Chexbres, 12,8%, 75 cl (bouteille ventrue), diams, Terravin (16,7/20)
Jaune clair ; nez floral, de tilleul, et des notes minérales et fermentaires ; attaque fraîche, sur le volume, le gras ; long en bouche, tendre et riche, avec un accent final sur l’alcool.
6ème ex-aequo — Dézaley GC 2014, Côte d’Or, Domaine Ruchonnet, Rivaz, 13%, 70 cl, vis, Terravin (16,7/20)
Jaune clair ; nez frais d’agrumes, équilibré et élégant ; attaque fraîche ; long et volumineux ; belle personnalité et potentiel de garde intéressant.
6ème ex-aequo — Dézaley Renard GC 2013, Pinget Vins SA, Rivaz (JF et M. Dizerens), 12,5%, 70 cl, liège (16,7/20)
Jaune à reflets gris ; nez discret, fin ; arômes de pêche de vigne, de coing ; du fond, de la chair, du volume ; long et prometteur, pour un vin qui a conservé sa fraîcheur.
10ème ex-aequo — Dézaley GC 2014, Alexandre Chappuis & Fils, Rivaz, 12,5%, 70 cl, vis, Terravin (16,3/20)
Jaune clair ; nez flatteur et finement épicé ; attaque tendre ; structure et volume moyens, savoureux, sur une finale tonique et une agréable longueur.
10ème ex-aequo — Dézaley GC 2013 1er Grand Cru, La Gueniettaz, Christophe Chappuis, Rivaz, 12,8%, 70 cl, liège (16,3/20)
Jaune clair ; nez complexe, avec des notes lactées et fermentaires, léger boisé ; attaque souple ; texture dense et fine ; vin onctueux, avec une pointe d’amertume en finale (un peu chaude).
10ème ex-aequo — Dézaley GC 2013, Constant Jomini, Chexbres, 12%, 70 cl, diams (16,3/20)
Jaune clair, nez frais ; arômes de pêche jaune, de mangue, avec une note lactée, voire beurrée ; vin riche et ample, harmonieux et plaisant.
10ème ex-aequo — Plan Perdu, Dézaley GC 2013, Christelle Conne, Chexbres, 12,5%, 70 cl, diams, Terravin (16,3/20)
Jaune ; nez frais, de fruits très mûrs, avec des notes minérales bien présentes ; attaque fraîche, texture fine, notes d’ananas et de mangue ; manque un peu de vivacité, un vin prêt à boire.
* 15 à 15,9/20
14ème — Dézaley GC 2014, Latitude 46°47, Christophe Chappuis, Rivaz, 12,5%, 70 cl, vis, Terravin (15,6/20)
Jaune clair, reflets or ; nez fermentaire, un peu lacté et caramel ; attaque ronde ; un vin moelleux et tendre, un peu mou, à la persistance moyenne.
15ème ex-aequo — Dézaley GC 2014, chasselas, Philippe Rouge, Cave A la Cornalle, Epesses, 12,8%, 70 cl, vis, Terravin (15,3/20)
Jaune clair ; nez fermé, un peu réducteur, de silex, de brûlon ; un peu dissocié, entre richesse et amertume, malgré une grande persistance ; un passage en carafe s’impose !
15ème ex-aequo — Dom. de la Chenalettaz, Dézaley GC 2013, Jean-Fr. Chevalley, Treytorrens, 13%, 70 cl, diams, Terravin (15,3/20)
Jaune or ; nez un peu fermé, mûr, au terroir marqué,; attaque pleine, grasse, avec du fond ; charnu, mais encore peu épanoui ; riche, un peu lourd et CO2 marqué.
Le Dézaley en 15 dates
1141
L’évêque de Lausanne (de 1129 à 1143), Guy de Maligny, offre les terres du Dézaley azx couvents de Hautcrêt (près d’Oron) et de Montheron (près du Chalet-à-Gobet, hauts de Lausanne).
12ème siècle
Construction de la Tour de Marsens, symbole du Dézaley, qui domine le lieu de production Dézaley-Tour de Marsens (un peu moins de 4 ha de vignes, 100% en chasselas).
1536
Occupation du Pays de Vaud par les Bernois. Le Dézaley d’Oron est administré par le bailli d’Oron et le Dézaley de Montheron passe à la Ville de Lausanne.
1803
Après l’occupation bernoise, la Ville de Lausanne rachète le Dézaley dit des Moines en vente aux enchères publiques.
1808
Le partage des paroisses attribue l’entier du Dézaley à la commune politique de Puidoux.
1914 – 1917
L’écrivain Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947) s’installe à Treytorrens en Dézaley. Voilà pourquoi le billet de banque suisse de 200 CHF à son effigie, mis en circulation en 1997, représente en son verso le vignoble.
1949
Sous la menace d’un projet immobilier, interdiction de bâtir sur une centaine d’hectares autour de la Tour de Marsens. Daté du 5 avril, un arrêté cantonal sur la définition des régions viticoles exige que le vin du Dézaley ne provienne que de cette zone, clairement délimitée.
1960
Le vignoble du Dézaley (50 ha et les 4 ha de Dézaley-Tour de Marsens) est entièrement sur le territoire de la Commune de Puidoux, qui réclame un plan de zone pour protéger le vignoble.
1963
Confirmation des zones viticoles de Lavaux. Le Dézaley et le Calamin (16 ha, 97% de chasselas), à Epesses, sont les seuls vignobles vaudois d’«aire délimitée d’appellation de cru».
1977
Première initiative de Franz Waeber, approuvée par le peuple vaudois, qui inscrit la protection de Lavaux dans la Constitution cantonale. La deuxième, visant au même but, est entérinée en 2003. Mais «Lavaux III», plus contraignant, est rejeté par le peuple en mai 2014.
1985
Le règlement des appellations d’origine (AOC) des vins vaudois confirme que Dézaley et Calamin sont des «appellations de cru».
2007
Le 28 juin, l’UNESCO inscrit Lavaux, vignoble en terrasses, au Patrimoine mondial.
2009
Nouveau règlement sur les appellations vaudoises : Dézaley et Calamin sont considérés comme de simples «lieux de production» de l’AOC Lavaux et perdent leur propre AOC.
2013
En mars, le Conseil d’Etat vaudois modifie son règlement de 2009 et octroie au Dézaley et au Calamin l’appellation d’origine contrôlée, «AOC Grand Cru».
2015
Le vin n’obtenant pas le minimum requis pour l’AOC Grand Cru peut être écoulé sous le nom de sa commune, soit Puidoux (Dézaley) et Epesses (Calamin), autorisant, pour les vins déclassés, l’assemblage régional en AOC Lavaux (et non pas en Lavaux générique).
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