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Posted on 12 septembre 2017 in Vins suisses

Bernard Cavé signe sa vingtième vinification

Bernard Cavé signe sa vingtième vinification

On l’avait surnommé «le Mozart du Chablais» : l’œnologue vaudois vient de signer, avec le 2016, sa vingtième vinification. Retour sur un parcours où il fait plus que jamais équipe avec Philippe Gex, vigneron sur près de 40 hectares du Chablais.

Par Pierre Thomas

Ancien gouverneur de la Confrérie du Guillon et ancien syndic d’Yvorne, Philippe Gex va sur ses 60 ans ; son œnologue a quinze ans de moins. Le premier s’occupe du vignoble, qui a quadruplé en quinze ans ; le second, d’élaborer l’ensemble de leurs vins. Fils de livreur de raisin à la coopérative, Philippe Gex, débutant, avait obtenu de «faire du rouge» pour lui, par dérogation. Bernard Cavé n’a pas de passé viticole. Son père était employé dans une industrie de Monthey.

Philippe Gex (à g.) et Bernard Cavé, le dernier jours des vendanges 2012.

Plus de 30 vins différents

Leurs entreprises, les deux compères les ont montées petit à petit, en parallèle. Même s’ils travaillent en commun, ils ont chacun leurs vins, leur clientèle. Le duo propose au total une trentaine d’étiquettes, 17 pour Philippe Gex, et 14 pour Bernard Cavé, à quoi s’ajoutent des flacons réservés à la restauration, la gamme Hedonix.

Il y a quinze ans, le duo a mis ses énergies en commun : en 2002, Philippe Gex achetait le Clos du Crosex Grillé, un amphithéâtre orienté plein sud entre Yvorne et Aigle, et Bernard Cavé reprenait le bâtiment où il avait fait son apprentissage de caviste, derrière le château d’Aigle. Dix ans plus tard, Philippe Gex étendait son domaine par des parchets du côté d’Ollon. Et à la veille des vendanges 2015, il tombe d’accord avec Jürg Stäubli, pour s’occuper des vignes que l’homme d’affaires a acquises de son côté, notamment le Domaine du Chêne, au Montet sur Bex, une entité de 14 hectares qui a appartenu à l’asureur-maladie Assura — ces vins sont commercialisés sous une nouvelle ligne, Terra Diva.

Philippe Gex et Bernard Cavé ont un potentiel de 350’000 litres de vins. «Nous sommes loin de ce chiffre, en 2015 comme en 2016», calcule Bernard Cavé. Les deux associés ont dû affronter en 2016, la quatrième année de petite récolte, après 2013, 2014 et 2015, celle-ci remarquable en qualité, mais chiche en quantité. Et 2016 a été marquée par des attaques dévastatrices de mildiou, notamment au Clos du Crosex Grillé, et par la grêle sur les hauts de Bex.

Un inconditionnel du chasselas

Bernard Cavé s’est installé dans une cave à l’entrée d’Ollon, où sont logées une vingtaine d’amphores en béton d’argile, au pied du coteau de Verschiez, qui donne un de ses meilleurs chasselas. Mais l’essentiel du travail se fait ailleurs, derrière le château d’Aigle, dans la cave où est aussi vinifié le Clos du Crosex Grillé.

La quarantaine d’hectares de vignes produit deux tiers de vin blanc et un gros tiers de rouge. «En Suisse allemande, quand on dit qu’on est Vaudois, on nous réclame notre chasselas», témoigne Bernard Cavé. La Rolls Royce (clin d’œil au fait que le domaine a appartenu par le passé à la famille de Winston Churchill…) reste le Clos du Crosex Grillé, un chasselas inscrit au projet de la Mémoire des vins suisses. Année après année, ce blanc s’avère d’une belle puissance, large à l’attaque, d’une grande longueur, un cru gras et minéral. Depuis 2015, il n’en existe plus qu’une seule version, élevée à 50% en cuve inox et 50% en amphores.

Un savoir-faire de haute précision

L’œnologue a été un des pionniers, en Suisse, à la fois du concentrateur, abandonné pour cause de réchauffement climatique, et des amphores, un contenant qui a, en gros, les mêmes effets que le bois sans en donner le goût. Le vin ne se ferait-il alors qu’en cave ? «Ces vingt dernières années, on a surtout évolué à la vigne», rétorque le maître de céans : «La diminution des rendements, la vendange à parfaite maturité, l’âge des ceps jouent pour nous. On a beaucoup appris. Le concentrateur, c’est des retouches d’un ou deux pour-cent d’enrichissement, de cas en cas. Je travaille avec des levures indigènes sur 90% des vins depuis bientôt dix ans. Au début, j’aimais le toasté des barriques de haute chauffe, aujourd’hui, je choisis, toujours chez le même tonnelier, des fûts de moyenne chauffe et je ne bâtonne plus les vins. Ou alors, les amphores…».

En blanc, les chasselas du Clos de Crosex-Grillé, l’Aigle Chapelle ou le Coteau de Verschiez, son savagnin, une cuvée relancée pour sa vingtième vendange, et, en rouge, son gamay, son pinot noir ou sa syrah du Crosex-Grillé, mais aussi son «fameux» gamaret, désormais 100% vaudois, tiré d’une vigne reconstituée sur le coteau d’Antagnes, sont autant d’illustrations d’un savoir-faire de haute précision, tant à la vigne qu’en cave.

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo le 27 avril 2017.

©thomasvino.ch