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Posted on 6 novembre 2019 in Vins suisses

En lever de rideau d’Arvine en Capitale, à Fully (VS)

En lever de rideau d’Arvine en Capitale, à Fully (VS)

Pour la onzième fois, se tiendra à Fully (VS), le vendredi 15 et le samedi 16 novembre, le salon-dégustation Arvine en Capitale. Coup d’œil sur le rendez-vous biennal autour du plus identitaire des cépages blancs valaisans.

Par Pierre Thomas

La petite arvine ne partage pas, comme le cornalin ou l’humagne rouge, des origines valdôtaines, mises en lumière par le généticien, valaisan à l’aura internationale, José Vouillamoz. Tout au plus un lointain cousinage avec des cépages valdôtains, savoyards ou du nord-est de la France, écrit-il dans «Cépages suisses», paru chez Favre en 2017. Et c’est un chanoine valaisan, Josef Vaudan, directeur de l’Institut agricole d’Aoste, qui a introduit l’arvine dans la vallée alpine italienne en 1970 où elle prospère sur une douzaine d’hectares. En 2011, un comité technique français l’a inscrite au catalogue officiel des variétés, mais le bouillant Michel Chapoutier, qui en avait planté à Tain-l’Ermitage, y a renoncé…

Cinq fois plus d’arvine en 25 ans

Plus de 99% de l’arvine «suisse» est plantée dans sa patrie d’origine, même si ses parents n’ont pu être identifiés par la recherche ADN (comme pour le chasselas, d’ailleurs !). Fully a grandement misé sur la petite arvine : ses treize vignerons membres de l’Association Fully Grand Cru, fondée à fin 2016 sous ce nom complet, en cultivent une trentaine d’hectares. Toutefois, précise Vouillamoz, la première fois qu’on trouve une trace d’arvine dans un texte, c’est à propos d’une vigne de Molignon sur Sion, en 1602. Et l’auteur retient, dans ses recommandations, trois producteurs de Fully : Benoît Dorsaz, désormais sur la voie de Bio Suisse, pour ses versions sèche et liquoreuse, Veronyc Mettaz, qui en propose plusieurs, et Marie-Thérèse Chappaz, en biodynamie, pour sa version «grains nobles», et notamment une «grain par grain»… L’arvine, surtout dans des millésimes chauds comme 2017 et 2018, se prête au jeu de la vendange par «tries» successives pour «piquer» les raisins à leur point de maturité optimale… Malgré la difficulté de sa culture — notamment par rapport au savagnin (païen-heida en Valais), beaucoup plus «rentable» —, la culture de l’arvine a fortement progressé en Valais. De 46 ha en 1994, sa surface a presque quintuplé en un quart de siècle, atteignant quelque 220 ha aujourd’hui.

Deux masters classes à Lausanne

Les vignerons de Fully ne se contentent pas de leur «sommet», de surcroît tous les deux ans, en alternance avec Syrah au fil du Rhône, qui aura lieu l’an prochain les 20 et 21 novembre 2020 à Saint-Maurice, et qui invite en général une appellation des Côtes-du-Rhône… comme Saint-Joseph, cette année, à Fully. Ils «tournent» aussi dans les principales villes suisses. A l’étape de Lausanne, au Beau-Rivage, début septembre, j’ai préféré les arvines sèches aux légèrement moelleuses : dans le riche millésime 2018, l’arvine n’a pas «fini ses sucres», chez plusieurs producteurs. Ou alors, sèche, elle affiche un degré alcoolique flirtant avec les 15%… Certes, sa structure acide, sa palette aromatique (rhubarbe, pamplemousse, bergamote), sa longueur en bouche, sa salinité finale, permettent de passer outre cette richesse alcoolique. Mais, avec le jeune et brillant sommelier d’Anne-Sophie Pic, Edmond Gasser, qui vient d’être nommé «sommelier de l’année» par le guide GaultMillau Suisse, on peut affirmer que, dans ces millésimes chauds, l’arvine est un cépage de table plutôt que d’apéritif. Le sommelier a, du reste, proposé deux masters classes, avec des accords mets et vins, basés sur des poissons (daurade, lotte) et des fruits de mer, pour le côté iodé, ou sur des fromages, pour que le lacté «arrondisse» l’acidité, ou des épices indiennes ou asiatiques, pour les plus opulentes…

Des vins dégustés au débotté, j’ai bien aimé, en version «simple», en cuve, les 2018 de la Cave du Chavalard, la Fully (assemblage de parcelles) de la Cave des Amandiers, Les Claives de La Rodeline, Les Perches de Benoît Dorsaz, et, malgré l’alcool, L’Orlaya, de Mathilde Roux. En 2017, celle de base de Le Grillon, la Cuvée Gel d’Henri Valloton, Les Claives de Veronyc Mettaz, et Les Perches Quintessence de Benoît Dorsaz, partiellement élevée en fût, un élevage qu’a fort bien maîtrisé Alexandre Delétraz (Amandiers) sur sa cuvée parcellaire Les Seyes 2018.

La petite arvine mérite-t-elle de vieillir ? Edmond Gasser répond affirmativement, comme d’autres critiques internationaux. «Ma petite arvine» 2015, de Gérard Dorsaz, président de Fully Grand Cru, qui tire sur des arômes complexe de riesling, avec une sapide salinité finale, prouve que sa capacité de vieillissement est réelle, même si le vin est, hélas, épuisé. Le «supplément d’âme» de Martigny à Fully vient à la rescousse du cépage : le terroir de gneiss, prolongement du granit du massif du Mont-Blanc, qui confère une indéniable «minéralité» — même si le mot est souvent galvaudé ! — aux vins, là où le calcaire est moins présent que dans les moraines du reste de la vallée du Rhône. Des impressions à consolider et à vérifier, verre à la main, à Arvine en Capitale, à Fully, vendredi 15 de 15 à 20 h et samedi 16 novembre de 10 à 18 h, à la grande salle du village aux nombreux hameaux… Fidèle au rendez-vous, le sommelier français Olivier Poussier (en photo) donnera trois master classes (une vendredi à 16 h. les deux autres samedi, dont une sur la Syrah sur sols granitiques).

Sur le net :

www.fullygrandcru.ch

Paru le 6 novembre 2019 dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo.