Vaud — Sommeliers du Languedoc sous le charme de Lavaux
Sommeliers du Midi sous le charme
Les voyages de sommeliers ou d’œnologues français se multiplient dans le vignoble romand. En attendant les diplômés d’œnologie de l’Université de Dijon, à mi-mai, une vingtaine de sommeliers du Languedoc-Roussillon étaient en Pays de Vaud et en Valais, mi-avril. Citations.
Pierre Thomas
Leur énorme autocar avait du retard : ils n’en furent que plus émerveillés de découvrir, sur la terrasse des frères Vincent et Eric Bovy, vignerons à Chexbres, le vignoble de Lavaux. Le paysage en met plein les pupilles des pros des papilles : «Quel vignoble impressionnant ! On voit immédiatement qu’il est difficile à cultiver», lance Alain Fanjaud, sommelier-formateur à Nîmes et secrétaire de l’association des sommeliers du Languedoc-Roussillon-Vallée du Rhône Sud, la troisième de France en nombre (170 membres), derrière Paris et l’Alsace.
Chasselas et rouges originaux
Deux jours de dégustation plus tard à La Roseraie, à Yvorne, Olivier Zavattin, ex-sommelier du Pont de Brent, retrouve le bras droit de Gérard Rabaey de l’époque, le prometteur jeune chef Christophe Rod. «Le chasselas est en progression en Pays de Vaud», assure le sommelier parti il y a sept ans à Limoux. «Ces blancs agréablement secs ont développé de l’expression et de la complexité; ils montent en puissance et tiennent sur l’évoluton. Mais je regrette que plusieurs spécialités blanches valaisannes, dégustées à Vétroz, conservent du sucre résiduel et de la douceur…»
Quand ça pétille… trop
Une autre tablée débat, verre à la main, du gaz carbonique qui fait pétiller le vin blanc et «constitue un obstacle». «Je n’ai pas aimé les chardonnays boisés», explique le vice-président Olivier Bompas, de Nîmes. «C’est un phénomène de rejet : on en fait aussi chez nous et nous ne les aimons pas ! Non, ce qui nous a bluffé, c’est les rouges !» Et le président, Michel Hermet, patron d’un winebar fameux de Nîmes, juste en face des arènes, «Le Cheval Blanc», enchaîne : «L’originalité et la qualité des vins rouges nous a surpris. La mondeuse lémanique est supérieure à celle de Savoie et le plant-robert, étonnant pour un gamay. Les humagnes et cornalins valaisans sont vraiment intéressants. Et tout le monde est étonné qu’il y a autant de rouges en Suisse !»
«La fraîcheur des vins blancs et leur minéralité est vraiment intéressante», analyse Stéphane Debaille, ex-meilleur jeune sommelier de France 1992, et finaliste du trophée cette année. «J’aime bien le fruité frais des rouges, leurs tanins souples et leur élégance. Ils ont une grande verticalité d’expression.»
Une ouverture par les crus au verre
Mais que faut-il attendre d’un tel «voyage d’études entre amis», où le groupe a été chaperonné par Bernard Cavé, vigneron et œnologue-conseil d’Ollon? Des ouvertures de marché à l’exportation? «Comme on vient d’une vaste région viticole, tout vin de l’extérieur possède un handicap», explique Michel Hermet, dont la carte ne recense pas moins de 250 références, dont un petit tiers seulement du Languedoc-Roussillon et «deux ou trois vins suisses».
«Vos vins sont difficiles à vendre, parce qu’on ne s’en donne ni la peine, ni les moyens», avoue-t-il. «Il faudrait pouvoir les proposer par tournus, au verre», explique Stéphane Debaille, qui vient d’ouvrir une brasserie à Nîmes, L’Annexe, où, comme au seul étoilé Michelin de la ville où il est sommelier, Le Lisita, il en sert toujours davantage. «Mais, pour obtenir un prix au verre intéressant, le prix de départ doit être bas», constate le sommelier-patron. «Nous avons été reçus comme des princes et nous allons nous efforcer d’être les ambassadeurs des vins suisses en France», assure le président Hermet, bon… prince !
Paru dans Hôtel Revue du 30 avril 2008.