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Posted on 18 janvier 2020 in Reportages

Pingyao, joyau chinois dans son jus

Pingyao, joyau chinois dans son jus

Le réseau TGV est en train de mettre plusieurs destinations à quelques heures de Pékin. Pingyao, cité chinoise riche de cinq siècles, encore «dans son jus», en fait partie. Visite guidée…

Par Pierre Thomas, texte et photos

Un internaute la qualifie de «Marrakech d’Asie». J’ai pensé pareil, seul sur la «petite» muraille — qui a tout de la «grande» ! — entourant le quadrilatère de cette antique cité close. Les touristes chinois qui défilent dans ses rues principales, entre 9 h. et 18 h., débarqués du TGV ou d’autocars, peuvent paraître rédhibitoires. Mais bon, des touristes, on en voit aussi tout plein à Gruyères ou à Zermatt… Avec la station valaisanne, Pingyao partage les voiturettes électriques qui livrent les bagages dans les hôtels. Et, gadget prisé, on peut aussi s’asseoir sur une moto-robot. Elle récite d’une voix métallique (en mandarin!) les curiosités…

Miraculeusement «dans son jus»
Il faut donc prendre le temps de séjourner deux ou trois jours dans cette vieille ville. A première vue, elle cultive tous les clichés de la Chine du bon vieux temps. En réalité, c’est un miracle qu’elle soit restée «dans son jus» jusqu’au début des années 1980, quand un professeur d’histoire de l’art de Shanghai signala qu’il serait bon de la préserver. L’UNESCO l’a inscrite au Patrimoine mondial en 1997, en même temps que Carcassonne et Riga. Et Suzhou, la cité-jardins à portée de TGV de Shanghai, et Lijang, dans le Yunnan (sud-ouest de la Chine).

Comme Marrakech, Pingyao, à 760 m. d’altitude, dans la province de Shanxi est située au pied de montagnes. Elle est entourée de murailles en argile et torchis. Certains secteurs sont, actuellement, en réfection. Depuis la fin du 14ème siècle, ces murs, longs de plus de six kilomètres, jalonnées de tours de guet tous les 80 mètres, ont résisté aux envahisseurs. Mais moins aux intempéries, qui nécessitent de remonter les murs selon d’anciennes techniques. La lumière, à ras des tuiles arrondies grises, et aux pignons ornementés des quelques 4’000 maisons du quadrilatère, est saisissante à toute heure, avec ses jeux d’ombres (chinoises…).

Tôt le matin, le passage d’une maison à l’autre, par des cours intérieures qui, parfois, communiquent, constitue un agréable jeu de pistes. En trente ans, de re-découverte, les maisons de la noblesse locale, construites en cinq siècles par le peuple Han — le plus important de Chine —, sous les dynasties Ming et Qing, ont repris une patine et un peu de poussière. Et la «maison de la presse» et sa glorification de Mao paraît figée dans le plomb, avec ses papiers jaunis et sa collection de «petits livres rouges» sous vitrine.

Jadis une riche ville marchande

Les maisons qui se visitent ont été édifiées selon un modèle qui rappelle les «riads» marocains. Un premier portail en pierre ou en bois, une porte sculptée, qu’on n’ouvre pas — sauf dans les grandes occasions ! —, mais qu’on contourne, pour accéder à une cour-jardin, et à un logement, en partie creusé dans la terre, surmonté d’un étage, parfois deux, garnis de galerie en bois sculpté, puis d’une terrasse. La plupart de ces maisons cossues, sur les quatre rues principales, ouvertes chacune sur une porte de la muraille, ont une devanture ouvragée en bois.

Certaines ont abrité les premières banques qui ont transformé les lingots de métal en papier monnaie : la ville a été la capitale chinoise de la finance du 19ème au début du 20ème siècle, avec des succursales en Asie (Corée et Japon) et même en Russie ! On y a aménagé des échoppes, notamment de jarres de vinaigre de sorgho — une graminée qui donne aussi des alcools, tel le populaire «baijiu» —, des restaurants, des boutiques… tout un bazar à ciel ouvert.

Bien que classée à l’UNESCO, Pingyao figure encore peu dans les circuits, les «tours operators» lui préférant Pékin et X’ian. A tort ! Car plusieurs de ces résidences ont été transformées en hôtels. Certains conservent les lits traditionnels, où le chauffage provient de l’air chaud sous un cadre en pierre.

Plusieurs temples, dont celui dit de Confucius, sont à visiter. A l’extérieur de la ville, deux sanctuaires figurent au Patrimoine Mondial. Fin septembre, rares étaient les visiteurs qui se laissaient emmener, voir la salle des «dix mille bouddhas» du temple Zenghuo (une douzaine de kilomètres au nord-est), une des plus anciennes construction en bois de Chine, en 963, par les Hans du Nord. Et, à 6 km au sud, avec retour par un boulevard extra-large annonçant le développement d’une nouvelle cité de gratte-ciels, celui de Shuanglin et ses milliers de statues en argile peintes. Des œuvres qui, dans les deux cas, paraissent en piètre état — des équipes de chercheurs procédaient à des relevés —, mal éclairées hélas, et interdites de photographie.

Mais cette désuétude assure une plongée dans le passé de la Chine plus authentique que le «palais du clan Qiao». Ce labyrinthe, à une trentaine de kilomètres de la vieille ville, est moins ancien que Pingyao (il date du 18ème siècle). Rénové, c’est là qu’on y a tourné «Epouses et concubines», du cinéaste Zhang Yimou (1991), où la sublime Gong Li joue la quatrième épouse. La bobine égrène en boucle ses deux heures d’intrigues sulfureuses sous une vaste tenture… mais les touristes chinois achèvent le parcours en une demi-heure, au pas de charge, en mitraillant des selfies.

Pierre Thomas, de retour de Pingyao (octobre 2019)

Aller

Pour gagner en train Pingyao (et X’ian), passer par Pékin. Réservation des billets à l’avance sur trip.com (3 TGV par jour). On retire son billet acheté sur le Net après avoir présenté son passeport à la gare de Beijing West. Visa nécessaire pour la Chine (valable 1 mois).

Dormir

Sur East Street (no 10 et 11), Floral Hotel Selected Residence (60 fr.) et Cheng Rui Han Hotel, du même groupe, à proximité du plus luxueux hôtel de la cité, Jing’s Residence (240 fr.). Prix variables selon les saisons. On vient vous chercher à la gare TGV.

Manger et boire

Le «bœuf de Pingyao» ressemble à de la langue fumée froide ; rouleaux de pâte d’avoine et nouilles grossières servies froides, arrosées de vinaigre plus ou moins vieux ; «Shanxi hot pot» (mélange de légumes et viande dans un bouillon sur réchaud) ; «vin jaune» de riz. Nombreux restaurants en ville : choisir les plus fréquentés ou le «village» d’échoppes gourmandes (chacune sert une spécialité…) près de l’entrée des festivals !

Voir

Pingyao organise, depuis 2001, à l’entrée de la vieille ville, un passionnant festival de photos, centré sur les pays du Pacifique (Asie, Océanie, Russie, Californie), en septembre, et, depuis 2017, un festival international du film, en octobre : le PYIFF, www.pyiffestival.com, dont le directeur artistique est Marco Müller, ex du Festival de Locarno, dans les années 1990.

 

VO de la page parue dans le magazine encore! le 23 février 2020, en français et en allemand.