Le sort de Provins se joue par courrier A
Les 2900 sociétaires de la coopérative Provins sont priés de se prononcer par deux bulletins de vote par coopérateur, en courrier A, pour la date du 14 avril 2020. Ils sont appelés à se prononcer, d’une part, sur la transformation de la coopérative en société anonyme, d’autre part, sur l’augmentation du capital qui fera du groupe agricole suisse Fenaco, détenu par les coopérateurs des Landi, l’actionnaire majoritaire de la cave valaisanne à 70%.
Cette consultation par poste remplace deux assemblées qui avaient convoquées au 14 avril, dispositions sur la pandémie du coronavirus obligent. Provins s’attendait à accueillir un millier de sociétaires «physiques». Par la poste, la participation pourrait être plus élevée. Mais aucun quorum n’est nécessaire. Le résultat des deux votes sera communiqué par le notaire sédunois, Me Christian Favre, le 16 avril. Les deux votes sont liés : un double oui est nécessaire. L’acceptation de la forme de la SA sans l’augmentation du capital-actions par le repreneur, par hypothèse, ferait capoter l’ensemble du dispositif. Et Provins, dans ce cas-là, n’a pas de plan B et promet de réduire la voilure de manière drastique…
De sociétaire à actionnaire minoritaire
Chaque part de sociétaire donnera droit à des actions. Selon le plan financier, publié par Provins sur son site Internet, celles-ci sont valorisées à hauteur de 11 millions de francs et représentent 30% du capital. Les 70% souscrits par Fenaco représentent 25,7 millions de francs. Le groupe, dans la foulée, doublera la mise en accordant un prêt de 25 millions de francs. Cette somme de 50,7 millions de francs servira notamment à payer le solde de la vendange 2019, par 13,3 millions — les viticulteurs n’ont touché que 10% de la valeur de la vendange 2019 jusqu’ici —, de rembourser des emprunts accordés par les sociétaires et des institutions, à hauteur de 12,5 millions, et de rembourser des dettes bancaires à hauteur de 19,3 millions.
Si la situation devait s’améliorer à fin 2021 au-delà de la prise en compte des fonds propres évalués au 15 avril 2020 à 36,7 millions de francs, les actionnaires minoritaires, et seulement ceux-ci, toucheraient un «dividende spécial». Un coopérateur devenu sociétaire pourra aussi se défaire de ses actions auprès de Fenaco, qui s’engage à les acheter à fin 2021. Ou l’actionnaire pourrait les vendre, avec un droit de regard du nouveau conseil d’administration.
Fort de cinq personnes, ce nouveau conseil d’administration sera occupé par trois représentants du groupe agricole (majoritaire à 70% au moins, rappelons-le), dont la présidence par Christian Consoni, chef de la branche boissons du groupe, Andreas Baer et une femme, Geneviève Gassmann, cheffe de la région romande (et seule femme sur la photo de la direction du groupe) et deux sièges par des Valaisans, les viticulteurs Jean-Blaise Golluz et Pierre Dorsaz. Provins deviendra alors une société-fille de Fenaco, comme l’est, dans la vitivinculture, DiVino (chapeautant Garnier, à Münchenbuchsee/BE et Volg à Winterthour/ZH, notamment).
Des fournisseurs repris sous contrat
Sur les bases de 2019 (780 ha de vignes, soit 4,4 millions de kg apportés par les fournisseurs et plus de 2 millions de kg provenant des 250 ha de vignes propriété ou en location exploitées directement par l’entreprise), Provins estime qu’elle encavera 6 à 7 millions de kilos de raisin en 2020, pour 5 à 6 millions de litres de vins.
Si, avec la transformation de la coopérative en société anonyme, l’obligation de prendre en charge la totalité de la vendange des fournisseurs tombe, «des contrats d’approvisionnement seront signés avec tous les fournisseurs de raisins sur la base des acquits actuels en vigueur», assure Provins. Qui ajoute que cette «absence de l’obligation d’achat, couplée à une situation financière saine permettra à Provins d’avoir les outils nécessaires pour lutter à armes égales avec la concurrence et pour répondre aux attentes du marché.»
Restent des questions ouvertes sur l’engorgement de ce marché confiné à la Suisse, surtout au niveau des vins rouges. Et aussi la redistribution des cartes qu’entraînera cette nouvelle donne. Car DiVino approvisionne déjà le réseau dense des magasins Landi en vins valaisans, notamment, de loin pas tous achetés chez Provins : il devrait y avoir un retour de bâton chez ses fournisseurs actuels. Et Coop, gros client de la futur ex-coopérative, pourrait revoir aussi ses commandes. Mais ses liens avec Fenaco pour de nombreux produits agricoles portent sur un chiffre d’affaires très important (on parle de 250 millions de francs).
Provins a réalisé 47 millions de francs de chiffre d’affaires sur l’exercice 2018-19. Les 70 employés ne devraient pas pâtir de la reprise de l’entreprise, dont le siège restera à Sion. Le groupe Fenaco, qui appartient au 186 Landi — soit, sur le modèle coopératif, à 43’000 coopérateurs, dont un peu plus de la moitié sont des agriculteurs actifs —, emploie 10’000 collaborateurs dans toute la Suisse. Il a enregistré en 2018 un produit de 6,77 milliards de francs.
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