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Posted on 2 septembre 2021 in Tendance

Labels pour les vins suisses : décodage!

Labels pour les vins suisses : décodage!

Trois labels sont à disposition des vignerons suisses. D’abord, pour la grande majorité des vins qui respectent les critères de la «production intégrée» (PI), Vinatura ; ensuite, pour les vins bio, Bio Bourgeon, et demeter réservé aux vin issus de la biodynamie. Chaque label a sa spécificité et les producteurs sont libres de les utiliser, à condition d’en respecter les conditions. Le label Vinatura aurait dû séduire des milliers de producteurs qui appliquent la PI sur près de 80% du vignoble suisse, pourtant, il demeure peu présent. Naguère réticents, les vignerons bios affichent de plus en plus leur(s) couleur(s). Non sans raison, puisqu’une enquête française récente a montré que les consommateurs cherchent le label bio sur les bouteilles… même s’ils n’achètent pas forcément ce vin.

Par Pierre Thomas

Vitiswiss, l’organisme qui encadre la «production intégrée» (PI), s’est doté d’une «charte de développement durable» exigeante. La Revue suisse de viticulture en 2019 (vol. 51/no 3) expliquait que le respect de la PI ne va pas de soi. Elle implique des efforts constants des vignerons, même si elle est «perçue aujourd’hui par le grand public comme la production conventionnelle. Ce dévoiement est le fruit d’un manque de communication.» Le nombre de bouteilles labellisées «Vinatura Développement Durable», un peu plus d’un million de flacons en 2018 pour deux douzaines de domaines, «ne permet pas de soutenir une communication à large échelle», malgré le fait que Vitiswiss pilote plusieurs projets sur la réduction des intrants (les substances utilisées de la vigne au vin) et des résidus (de pesticides) dans les vins.

En 2021, les producteurs tenants de la PI ont signé un partenariat avec le distributeur Denner pour la promotion de vins suisses estampillés du label de la «coccinelle PI», pour tous les produits agricoles cultivés en production intégrée, qui ne va pas aussi loin que l’engagement lié au label Vinatura, manifestement réservé à la vente directe.

La PI, avec des produits de synthèse prohibés par le bio

Quelle différence avec les labels bio ? Elle est fondamentale : la PI autorise les produits chimiques de synthèse, alors que le bio les prohibe. Et, si les insecticides n’ont plus cours (sauf pour lutter contre le fléau récent de la flavescence dorée), cela commence à la vigne, avec des engrais et des herbicides (interdits en bio), en plus des traitements sur les ceps (plus nombreux en bio, avec des produits validés bio). La Revue suisse de viticulture (vol. 51/no 4) a publié une étude raisonnée sur la protection contre les parasites et l’entretien du sol. Plutôt que de dresser une approche de culture contre une autre, elle rappelle que «le bon sens plaide pour une viticulture en harmonie avec son environnement».

Ceci étant posé, avant de savoir que les initiatives fédérales contre les pesticides, ont été refusée par le peuple en juin 2021, les labels sont une signalétique claire. Le producteur n’est pas tenu de les apposer sur ses étiquettes ou ses contre-étiquettes. D’autres, à l’exemple de Marie-Thérèse Chappaz alignent côte-à-côte les symboles Marque Valais, Bio Suisse et demeter. La «marraine du Goût 2009» a contribué au cahier des charges progressif des vins de la Marque Valais, permettant à tout vigneron du Vieux-Pays de s’essayer au bio. Et ses crus répondent aussi aux deux labels bio nationaux.

Trois échelons de bio, mais deux labels!

En Suisse, le bio s’échelonne sur trois niveaux et implique que l’entier du domaine soit cultivé (et certifié) en bio.

Premier niveau, le «bio fédéral» (CH-bio), qui fait référence à l’ordonnance sur l’agriculture biologique et concerne d’abord la production du raisin.

Deuxième niveau, l’inscription à Bio Suisse exige, elle, de respecter un cahier des charges précis, à la vigne et à la cave. Avant d’obtenir la certification, un domaine est placé en «reconversion» durant deux ans.

Pour demeter — troisième échelon —ce délai est porté à trois ans (ou une année pour un domaine déjà certifié bio). C’est le cahier des charges le plus sévère : il exclut les intrants, à l’exception du soufre et du cuivre, et, pour la fermentation du raisin, interdit toute levure non indigène, y compris celles autorisées en bio.

A noter qu’il est possible de vérifier quels sont les labels bio d’un producteur et quel est l’organisme de certification qui le contrôle sur: https://www.easy-cert.com/htm/zertifikate.htm.

Et le «vin nature suisse» ? Pour l’instant, il y a un cahier des charges qui implique une tolérance zéro sur les intrants, y compris le SO2 ajouté et les levures indigènes. Mais pour être reconnu «vin nature suisse», un vin doit être certifié bio, fédéral, bourgeon ou demeter, ou en reconversion.

Le bio a passé le seuil des 10% des vins

La progression du bio (tous labels confondus) est constante et manifeste dans le vignoble suisse : de 400 à 1385 hectares en dix ans, soit 11,5% des surfaces et près de 10% des domaines (400) en 2019, sans compter les reconversions en cours, nombreuses depuis 2020, surtout en Valais et dans les Grisons.

Finalement, ce sont les consommateurs qui décident du vin qu’ils achètent, labellisé ou non. L’enquête française de l’agence SoWine (décembre 2020) montre que si 67% des clients recherchent le label bio (européen, qui n’a pas cours pour les vins suisses) sur une bouteille, seuls 33% achètent «régulièrement» des vins bio.

Trois exemples, choisis dans chaque région viticole suisse

Label Vinatura

Jean-Jacques Steiner, Parfum de vigne, Dully (VD)

Un argument de discussion et de vente

«Quand vous essayez de faire des efforts à la vigne, il faut le communiquer au consommateur», constate Jean-Jacques Steiner. Le producteur de La Côte, qui va passer la main à un successeur à la fin de l’année 2021, est un adepte de longue date à la fois des concours, de la marque de qualité des vins vaudois Terravin, et, depuis une quinzaine d’années, du label Vinatura. «Il figure sur les contre-étiquettes et sur mon prix courant. Tous mes vins, soit une vingtaine pour 75’000 bouteilles par an, sont 100% Vinatura. C’est un bon label qui aurait dû mieux être défendu par les vignerons», confirme celui qui, à 65 ans passés, cet automne, signera sa dernière vendange, avant de transmettre son domaine d’une dizaine d’hectares à un jeune vigneron de Bursinel, Régis Widmer. «Vinatura m’a rendu service. Je vais moi-même vendre en Suisse alémanique et, dans les dégustations et les salons, les clients veulent savoir ce qu’il y a dans la bouteille. Ce label est un moyen de discussion et un bon argument de vente.»

https://www.parfumdevigne.ch

Label Bio bourgeon

Gabriele et Martino Bianchi, Azienda agricola Bianchi, Arogno (TI)

Des pionniers du bio au sud des Alpes

«Il y a vingt ans, quand nos parents se sont lancés dans le bio au Tessin, c’était osé ! On a toujours mis le label Bio Bourgeon sur nos vins. Et pour nous, c’est une question de philosophie», déclare Gabriele Bianchi, 30 ans, ingénieur-œnologue de Changins, qui cultive désormais 6 hectares de vigne avec son frère Martino, 27 ans, viticulteur diplômé de l’école cantonale de Mezzana. «Ici au Tessin, on a le meilleur et le pire du climat : beaucoup de soleil et beaucoup d’humidité. Chez nous, on a divisé les risques par deux. La moitié en cépages résistants, johanniter, solaris, souvignier gris, divico, etc. Et l’autre moitié en cépages classiques, merlot, syrah et chardonnay.» Sur leurs flacons, le label Bio Bourgeon trône bien en vue, au milieu des étiquettes et sur le site Internet. Le domaine s’est diversifié, avec des moutons et des oies dans les vignes. Gabriele Bianchi est aussi apiculteur (500 ruches) et, depuis ce printemps, il préside Bio Ticino, qui réunit tous les agriculteurs bio.

https://bianchi.bio

Label Bio et bientôt demeter

Weingut Wegelin, Malans (GR)

Du Bio Bourgeon à demeter, par étapes

«Le label bio est important pour les clients : ils regardent de plus en plus s’il figure sur la bouteille, autant sur les marchés, dans les dégustations, qu’au restaurant.» Pour le Grison Peter Wegelin, qui a expérimenté ses premières parcelles en bio il y a bientôt dix ans, puis a fait certifier les vins du domaine de 6 hectares Bio Bourgeon depuis 2018, ensuite l’entier de la production, y compris des achats de raisin provenant de 3 hectares dès le millésime 2021, «la suite logique» sera le passage à la biodynamie (demeter) prévu pour 2022. «Le grand saut, ce fut de la production intégrée (PI) au bio, ensuite, la biodynamie est un aboutissement. Mais on limite les traitements et le cuivre, à moins de 900 grammes par hectare. La vigueur des vignes a changé, la plante s’adapte et résiste mieux aux maladies.» Membre de la Mémoire des vins suisses (www.mdvs.ch), c’est son partenaire et successeur, l’œnologue Rafael Hug, qui décidera quel label il imprimera sur les contre-étiquettes et, sans doute, les deux, comme la plupart des vignerons suisses certifiés à la fois Bio Bourgeon et demeter.

https://www.weingutwegelin.ch

Article actualisé en septembre 2021, paru dans le magazine de la Semaine du Goût 2021.

©thomasvino.ch