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Posted on 11 septembre 2021 in Tendance

La (vaine) quête du «vin parfait»

La (vaine) quête du «vin parfait»

L’intitulé de la conférence, la première depuis de longs mois à se tenir à l’Ecole hôtelière de Lausanne (EHL), était alléchant : «Le vin parfait existe-t-il ?». Le critique de bordeaux, Jean-Marc Quarin, a tenté d’y répondre, lors de sa venue à Lausanne, début septembre 2021.

Par Pierre Thomas

Organisé par les professeurs à l’EHL Philippe Masset et Jean-Philippe Weisskopf, réputés pour leur travaux sur la valeur des grands crus bordelais référencés par les critiques, la causerie a permis à Jean-Marc Quarin d’expliquer sa «méthode».

Ayant renoncé à publier en anglais, le critique reste un «Robert Parker français» putatif, dans un peloton de dégustateurs internationaux qui, à la suite  du gourou américain aujourd’hui retraité, notent ces vins, millésime après millésime. Et cet exercice, dont bénéficie le marché des grands crus de Bordeaux, marqué par «l’anticipation» des qualités «prédictives» des vins proposés en vente en primeurs (on les achète ferme sans connaître leur goût à la fin de l’élevage, deux ans plus tard, quand ils seront livrés), doit être rentabilisé. Ainsi, comme le cirque Knie, Quarin fait sa tournée chaque automne : il était, début septembre, pour la sixième fois à Lausanne, au Beau-Rivage Palace, pour des «rencontres» avec une trentaine de propriétaires de châteaux et des dégustations et repas de «prestige», en plus d’un salon de crus à déguster sur trois millésimes.

Surfer sur la découverte

Le critique français essaie aussi de repérer, avant tout le monde, des domaines «outsiders», qui s’écartent de ce qu’il appelle les «châteaux chaises longues». Et l’influence des critiques fonctionne à plein en surfant sur cette vague, comme en témoigne la hausse des prix de Pontet Canet 2009, après avoir été noté 100/100 par Parker, ou Les Carmes Haut-Brion, dont le prix a triplé ces trois derniers millésimes.

Encore faut-il être reconnu comme dégustateur fiable. En toute modestie, le critique français affirme être «d’une régularité affreuse» dans son «boulot sportif». Alors, ce vin parfait, l’a-t-il rencontré ? «Sur les 43’000 commentaires de ma base de données, il y a une quinzaine de vins notés 20/20 (…) Si je suis trop baroque, je perds mes clients (les lecteurs de ses notes). J’ai un devoir de mesure, d’équilibre». Il est donc exigeant. Et sa méthode, «la bouche avant le nez», se base sur l’appréciation des tanins, «un élément qui n’est pas quantifiable chimiquement, mais qui ne peut être cerné que par la dégustation». Il assène: «Un vin qui, jeune, a un tanin nu et dru a zéro avenir». Et pour Jean-Marc Quarin, «un grand vin est un vin qui stimule et excite la bouche du début à la fin sur 10 secondes» de dégustation. Au final, glisse le critique, «les acheteurs s’intéressent aux experts plus pour le prix que pour le goût». C’était par là qu’il eût fallu commencer…

Du vin comme de l’art

Auparavant, avec talent, le professeur de connaissance en vins de l’EHL Gildas L’Hostis, avait planté le décor, tirant un parallèle entre vin et peinture. C’est, du reste, un thème qu’il aborde dans un de ses cours aux étudiants de l’EHL, originaires de 120 pays, aux références culturelles multiples. Il a souligné que la dégustation est avant tout un «acte hédoniste» et un «plaisir immédiat personnel», auquel Quarin répond : «dans les bordeaux jeunes, il n’y a pas de rapport entre le plaisir et la qualité». Pour l’enseignant, «l’intention du vigneron est importante», comme le contexte de la production et celui de la consommation. Pour conclure, Jean-Philippe Weisskopf  a mis en exergue la valorisation du produit influencée par les notes des experts. Avec le temps, les grands vins de grands millésimes, dûment notés par la. critique, s’apprécient financièrement. Et, si c’est encore possible, gustativement !

Paru dans Hôtellerie & Gastronomie Hebdo du 8 septembre 2021.

©thomasvino.ch