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Posted on 3 avril 2023 in Reportages

Porto et ses ivresses

Porto et ses ivresses

C’est le handicap de Porto : bien reliée aux villes européennes, et à Genève, par les compagnies aériennes low-coast, elle ne sait pas retenir ses hôtes plus de trois jours…

Par Pierre Thomas, textes et photos

Et pourtant, il y a mille choses à découvrir dans et depuis la deuxième ville du Portugal. Prenez l’un des trois bus à impériale (il en existe un rouge, un bleu et un jaune, qui partent devant la Sé, la cathédrale) pour visualiser en deux heures le panorama de la ville. Mais ne tombez pas  — comme moi… — sur ces touristes venus en coup de vent de Rome : «Ah, je n’aime pas cette architecture. Brr, il pleuvine et il fait froid. Oh, ça monte partout !»

Reprenons. C’est bien l’architecture qui, ici, fascine. Côte à côte, un immeuble moderne, parfois audacieux, ou une façade Art Nouveau, souvent décatie. Ou d’austère granit noir… Et il y a des «dents creuses» dans les alignements de maisons : vous voyez le ciel par les fenêtres béantes et les toits troués. Surtout dans le vieux quartier de Ribeira, sur les bords du fleuve Douro.

On est sur la face atlantique de l’Europe, et le soleil joue à cache-cache avec les nuages, digne d’un peintre flamand. Les bus montent et descendent les rues pavées. Mais vous pouvez franchir en tram moderne (ou à pied) le pont Dom Luiz I, construit par un disciple de Gustave Eiffel… qui, lui-même, a dressé les plans de celui qui servit au chemin de fer, à quelques encâblures. A l’extrémité du Dom Luiz, côté ville, vous pouvez descendre en funiculaire à Ribeira, classé au Patrimoine mondial de l’Unesco, ou, de l’autre côté du Douro, vous emprunter une télécabine qui enjambe Gaia et ses entrepôts de vieillissement du porto…

Riche grâce au vin

Car si la ville a donné son nom à tout le pays, comme chef-lieu du comté du «Portucal» dès l’an mille, elle s’est enrichie et popularisée universellement à travers un breuvage apprécié des Anglais. Non seulement Porto est une des onze Great Wine Capitals (comme Lausanne), mais cette année, la Vallée du Douro a été nommée début février «capitale européenne du vin» (à l’égal de Toulouse en 2023).

En face de Ribeira, à Villa Nova de Gaia sont installées toutes les grandes marques. Les caves se visitent : elles alignent des dizaines de fûts de chêne de toutes dimensions. Le plus intéressant des portos est un vin, muté à l’alcool, qui titre 20%, et qui tire ses arômes de l’élevage. C’est le «tawny», soit «fauve» en anglais, pour caractériser sa couleur, plus proche du cognac que du «ruby», le porto d’entrée de gamme, très doux. Le premier se boit au dessert, le second en apéritif. Des vins complexes et… compliqués à expliquer.

Aujourd’hui, la mode est au porto blanc jeune, servi bien frais en «long drink» ou avec du tonique, ou alors en «réserve» de 10, 20 ou 30 ans, élevé comme les «tawnies». Pour comprendre ce monde à part, le WOW (acronyme de World of wine) vient d’ouvrir en plein cœur de Gaia. Ce complexe, qui fut un chantier dantesque, offre une muséographie ultramoderne et interactive pour expliquer le vin, mais aussi les bouchons, les verres, l’histoire locale et même le chocolat, qui va si bien avec les portos.

La vallée du Douro, joyau viticole

Mais pas l’ombre d’un cep sous l’impitoyable soleil estival de Porto ! Il faut quitter la ville et remonter le cours du Douro. Très chic : en bateau de croisière. Ou en train de la gare-musée de Sao Bento ou de celle de Campanha, jointe en métro. Sinon par l’autoroute A4, qui contourne l’agglomération, et vous fera plonger 120 kilomètres plus loin, sur Pinhao, gare et port sur le Douro. La route alors zigzague entre les «patameres» où poussent la vigne en rangées, en suivant les courbes de niveau, modelant de spectaculaires escaliers. Ces talus, aménagés au bulldozer, ont remplacé les terrasses soutenues par des murs de schistes ou de granit, de la plus ancienne région viticole délimitée, par le marquis de Pombal en 1756. Et l’excursion dans la vallée, un panorama lui aussi classé à l’UNESCO, justifie à elle seule le voyage à Porto.

Pinhao : déguster, manger et dormir

A Pinhao, trois adresses recommandables: un déjeuner, dans le bourg, à la Quinta do Bonfim, de la famille Symington (portos d’une grande finesse, des marques Graham’s, Cockburn’s, Dow’s), puis une balade dans les vignes à la Quinta do Seixos, belvédère du producteur Sandeman, rive gauche du fleuve, puis logement dans une des 29 chambres de la Quinta do Ventozelo (une agréable table, également). Le groupe de spiritueux français La Martiniquaise a acquis ce domaine il y a dix ans et a replanté les 200 hectares de vignes. Des portos (le populaire Cruz) sont proposés, et de rares blancs vieillis de la marque Dalva, tels les étonnants millésimés et onéreux Golden White. La moitié de ce vignoble produit douze vins secs de cépages, en blanc et en rouge, et des assemblages rouges, d’un bon rapport qualité-prix (autour de 14 fr.). Labellisés Ventozelo, ils arrivent tout juste en Suisse, via leur importateur genevois.

https://pt.symington.com/visitar/quinta-do-bomfim/

https://www.sandeman.com/port-wine/visit/quinta-do-seixo-douro/

https://hotel.quintadeventozelo.pt

VO de la page parue dans le magazine encore du 2 avril 2023, supplément lifestyle du Matin-Dimanche et de la SonntagsZeitung).

©thomasvino.ch/textes et photos