Pages Menu
Categories Menu

Posted on 14 décembre 2007 in Conso

Champagnes ou mousseux? Au resto, il n’y a pas photo!

Champagnes ou mousseux? Au resto, il n’y a pas photo!

Champagnes ou mousseux?
Au resto, il n’y a pas photo!
Les dégustations le démontrent : la différence de qualité entre les champagnes et les mousseux suisses s’amenuise. Et le rapport qualité-prix est favorable aux effervescents romands. Que boudent pourtant les hôtels et restaurants…

Pierre Thomas

«J’ai beaucoup plus de peine avec les restaurants qu’avec les privés : en restauration, les effervescents suisses ont une image de bas de gamme», déplore Daniel Marendaz, de Mathod (VD). Ce Vaudois a replanté deux hectares de vigne dans les Côtes-de-l’Orbe, il y a vingt-cinq ans. Il a cru au mousseux, en se calquant sur le modèle champenois : «En partant d’un raisin pas fameux, ils en ont fait le vin le plus connu au monde.»
Des bouteilles manipulées par milliers
Depuis deux ans, ce récoltant-manipulant (le terme utilisé en Champagne pour qualifier celui qui élabore le champagne) s’est équipé d’une installation de giropalettes. Elle remplace le remuage sur pupitre, impossible à grande échelle. Car Daniel Marendaz «manipule» désormais quelque 30'000 bouteilles. Elles lui sont confiées par des vignerons, comme les Cruchon, d’Echichens (VD), une coopérative, la Cave de Bonvillars (VD) — auparavant chez le Neuchâtelois Mauler à Môtiers, qui tire chaque année entre 250 et 350'000 bouteilles, et met son savoir-faire à disposition d’une centaine de vignerons — ou Schenk à Rolle, qui sort pour Noël un nouveau mousseux rosé du Château d’Allaman.
A Genève, Xavier Chevallay, dans sa cave de Cartigny, manipule quelque 80'000 bouteilles. Une cinquantaine de vignerons romands lui confient leur «vin de base» et le reprennent ensuite, prêt à être mis sur le marché. Car le secret d’un bon mousseux en «méthode traditionnelle», c’est la patience du vin laissé «sur lattes». Le Champagne AOC doit y demeurer au minimum 15 mois et des Romands poussent jusqu’à deux ou trois ans, afin que la bulle s’affine et que les levures se fondent. Un résultat impossible à obtenir avec une autre méthode. Ainsi, la Cave de Genève pratique la «cuve close» pour sa ligne «Baccarat», mais elle a confié à Xavier Chevallay sa nouvelle «Grande Cuvée Brut» en méthode traditionnelle.
Un apéritif peu considéré

Reste que l’image de ces mousseux a de la peine à franchir la porte des restaurants… Pourtant, l’émission de télé ABE («A Bon Entendeur»), l’an passé, avait déjà montré que des effervescents suisses peuvent être mieux appréciés que des champagnes. Une dégustation du quotidien «24 Heures» fait de même cette semaine (édition du vendredi 14 décembre). Pour Tony Decarpentrie, le chef sommelier du Beau-Rivage Palace, à Lausanne-Ouchy, qui écoule quelque 15'000 flacons de champagne par an, «les mousseux suisses sont bons dans leur style, mais il leur manque de la complexité et de la structure. Ils conviennent surtout à l’apéritif.» Pour Stéphane Cholet, chef sommelier de l’Hôtel des Trois-Couronnes, à Vevey, «une différence subsiste entre les champagnes et les mousseux, à cause de la durée d’élevage et de vieillissement des vins.»
Pour les «buveurs d’étiquette»
Autre avis, en forme d’aveu, de Jérôme Aké, sommelier de l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin (VD): «Les consommateurs de champagne sont souvent des buveurs d’étiquette. Mais j’ai été surpris par la qualité des mousseux vaudois de Cruchon et de Marendaz.» Produits à hauteur de 1'000 à 4'000 bouteilles, ces effervescents, vendus entre 18 et 25 francs, comblent les attentes des consommateurs. «C’est une autre manière de faire le vin et les clients en redemandent», explique Daniel Marendaz. Et pour corriger la distorsion de concurrence qui joue sur le prestige, il faudrait connaître les conditions avantageuses que les «grandes marques» de champagne font aux hôteliers et restaurateurs pour le marketing direct de leur produit!
Eclairage

Suisses toujours

plus amoureux des bulles

Selon les chiffres officiels, la Suisse a importé 13 millions de litres de mousseux en 2006, soit 500'000 litres de plus que dans la moyenne des années 2001 à 2005. En 2004, les effervescents italiens avaient devancé les champagnes et autres mousseux français (comme la Clairette de Die), mais pour une valeur moyenne quatre fois moindre, sous l’influence du populaire «prosecco» du «cüpli» alémanique. En 2006, la Champagne a exporté vers la Suisse 5,445 millions de bouteilles (dont 363'000 de rosé). Notre pays pointe au septième rang des importateurs de champagne. Par contre, il n’existe aucun chiffre sur la production des vins effervescents indigènes. Au jugé, elle doit représenter un peu plus de 10% des importations, soit 1,5 millions de litres par an. Mauler, à Môtier (NE), Thiébaud à Bôle (NE), La Cave de Genève et Jacques Germanier, à Conthey (VS) sont les leaders helvétiques. Les trois premiers ont décroché une médaille d’argent au récent concours 2007 des «Effervescents du monde» (www.effervescents-du-monde.com) (PTs)

Article paru dans
Hôtel Revue, le 13 décembre 2007.