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Posted on 3 avril 2020 in Actualités

Trop de vin sur le marché : que faire, le distiller ?

Trop de vin sur le marché : que faire, le distiller ?

On le sait, la Suisse a trop de vin. La mévente et les stocks ont miné la coopérative Provins, qui devrait être cédée au groupe agricole suisse Fenaco le 14 avril. On parle déjà, avant les vendanges de cet automne 2020, de deux, voire trois récoltes de vin non commercialisé dans les caves. Toute l’Europe a le même problème. Va-t-on distiller de grandes quantités de vin ces prochains mois — on parle d’un milliard de litres pour l’Union européenne ? Le 3 avril, l’Association des Régions Européennes Viticoles (AREV) demande « aux législateurs » d’« ouvrir, à l’initiative des syndicats de producteurs, la distillation subventionnée des vins d’appellation d’origine affectés par la baisse de la demande », rapporte le site français Vitisphère.

Par Pierre Thomas

Mon excellent confrère (et ami) Pierre-Etienne Joye le révélait hier matin sur les ondes de la RTS, Agroscope va vider ses cuves pour en faire du gel hydroalcoolique utile pour se laver les mains durant cette pandémie de coronavirus. La situation actuelle aggrave les perspectives viticoles… Les hôtels, cafés et restaurants sont fermés. La vente de vin a chuté drastiquement dans ce secteur.

Souvent provocateur, impertinent et donc pertinent, l’Italien Carlo Macchi, sur son site, www.winesurf.it, a fait le tour des présidents des appellations les plus prestigieuses d’Italie. Dans la campagne véronaise, il a rencontré Andrea Sartori, président du Consorzio du Valpollicella jusqu’en mai. Pour lui, «L’idée qui se développe qu’il n’y a pas d’autre solution qu’une distillation de crise, je ne vois pas d’autre solution. Ce sont des mesures qui ont déjà été prises assez récemment…»

Une mesure à fixer par l’Europe

Quels vins seraient distillés ?  «Les règles vont être écrites, donc c’est trop tôt pour le dire. Quoi qu’il en soit, d’après les données dont nous disposons, il y a 59 millions d’hectolitres de vin en stock en Italie. Étant donné qu’une année standard produit environ 44 millions d’hectolitres, nous avons presque un an et demi en stock. Les plus grands stocks sont en Vénétie, qui en a un quart du total, puis dans les Pouilles, en Emilie et ainsi de suite. La distillation est également demandée dans d’autres pays, car nous savons que la France ne passe pas un bon moment, en particulier dans la région de Bordeaux, et l’Espagne, on n’en parle pas. Il est clair que les vins de table et les IGT génériques seront privilégiés pour la distillation. Malheureusement, il y a là une surproduction même dans de grandes dénominations : je ne serais pas surpris que le Pinot Grigio ou le Prosecco aient ces problèmes. Mais je ne sais pas comment, d’un point de vue technique, l’Europe et le ministère aborderont cette question…»

L’alternative? A l’égout ou ne pas vendanger

Compte tenu de la complexité de la décision à prendre, l’alcool résultant de cette campagne risque fort d’arriver après la pandémie… Mais, souligne Andrea Sartori, «L’alcool peut être stocké et réutilisé au fil du temps. Lorsque, il y a une vingtaine d’années, on faisait souvent des distillations, par exemple en Sicile, des lots d’alcool ont été stockés pendant des années. Il peut être utilisé par les entreprises alimentaires, dans l’industrie médicale et surtout ne se détériore pas. Nous pouvons avoir de l’alcool pour les cinq prochaines années.»

Et quelle autre solution ? Le président du consortium de la région de Vérone n’y va pas par quatre chemins :  «L’alternative serait d’ouvrir les égouts et de jeter le vin ou, pire encore, ne pas vendanger.» (en automne 2020). D’autres parlent de réduire drastiquement les rendements et de «vendanger en vert» en laissant très peu de grappes… C’est peut-être aussi l’année 2020 où certains vignerons, suisses d’abord, pourraient tenter de se convertir au bio sans trop de risques, compte tenu des stocks? Osons ce pari audacieux!

©thomasvino.ch