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Posted on 14 décembre 2007 in Conso

Match champagnes-mousseux: match nul!

Match champagnes-mousseux: match nul!

Champagnes VS mousseux:
match nul en 2007!

C’est un rite bien ancré : les fêtes de fin d’année appellent les bulles! Que choisir? Notre match champagnes-mousseux consacre autant les uns que les autres.
Pierre Thomas
A ma gauche, huit champagnes brut achetés en supermarché, et un cava espagnol. A ma droite, treize mousseux vaudois, trois valaisans, cinq genevois, deux neuchâtelois. Trente-deux vins, donc. Pour trancher, huit dégustateurs chevronnés, et qui ne crachent pas sur les bulles. Terrain de jeu : le biennommé «Salon olympique» du Beau-Rivage Palace, à Lausanne-Ouchy. Comme en football, des éliminatoires. Dans quatre séries, deux champagnes au moins, et des mousseux romands équitablement répartis, dégustés à l’aveugle (sans voir l’étiquette ni connaître l’origine des vins).
Un duel équilibré
La première mi-temps a permis de qualifier trois vins pour la deuxième, où il s’agissait de départager les douze finalistes. En théorie, s’ils avaient été jugés meilleurs, les huit champagnes pouvaient se retrouver au deuxième «round». Tel n’a pas été le cas, puisque quatre champagnes et le seul cava (mousseux catalan élaboré selon la même méthode, à base de 80% de chardonnay, élevé neuf mois au moins) faisaient face à trois mousseux vaudois, trois genevois et un valaisan.
Un duel finalement équilibré! Et si, au cirque, on peut rêver que le dompteur soit dévoré par le lion, les champagnes, modèles des mousseux en «méthode traditionnelle», se sont fort bien comportés. En tête, trois marques connues, Lanson, de type très brut, sans fermentation malolactique, Veuve Clicquot, au style toujours vineux et Henriot, un blanc de blancs, pur chardonnay. Et trois mousseux vaudois : le Brut Blanc de Henri Cruchon et fils à Echichens, moité pinot noir, moitié chardonnay, millésimé 2003, le pur chardonnay du Clos de Céligny, enclave genevoise en Côte vaudoise, dont le vin de base est élaboré par Philippe Bovet, de Givrins, et le Brut, de base, de Daniel Marendaz, à Mathod (lire ci-dessous).
Une prime au brut classique
Au contraire d’un test de l’émission de la TSR «A Bon Entendeur», l’an passé, il n’y a pas eu de Bérézina des champagnes. Les dégustateurs, comme les sommeliers, bons connaisseurs, et les œnologues, sensibles à la structure du vin, ont joué un rôle déterminant. La preuve ? MM. Decarpentrie, Aké et Gruaz ont préféré le Lanson, MM. Penta, mais aussi Thorin et Dénériaz, le Veuve Clicquot. Fabrice Thorin a noté au même haut niveau (19 sur 20) le Cruchon, comme Sylvie Camandona, charmée par le Blanc de Blancs atypique de Nicolas Pittet, tandis que Stéphane Cholet donnait sa préférence au Blanc de Blanc du Clos des Pins, à Genève. Mais en moyenne, le jury ne s’est pas laissé bluffé par des vins issus de cépages aromatiques : Nicolas Pittet élabore le sien à 90% à base sauvignon, tandis que Marc Ramu utilise 80% de pinot blanc et 20% de muscat. Plusieurs dégustateurs ont, du reste, souligné son côté «moscato d’Asti».
Mousseux vaudois? La bonne affaire!
Plus que toute autre, la dégustation de vins effervescents est ardue. D’abord, le gaz carbonique émousse les papilles. Ensuite, la note plus ou moins douce de la «liqueur d’expédition» ajoutée après dégorgeage, permet de masquer des «défauts» en ajoutant du sucre, cache-misère notoire. Enfin, une telle comparaison reste un exercice de style : souvent, un mousseux est acheté pour la magie du «pschitt» de ses bulles — et peu importe son origine ! Elément intéressant, qui peut faire la différence, le prestige du champagne se paie entre 35 et 47 francs, alors que le contenu du flacon n’est guère supérieur au mousseux vaudois, vendu entre 18 et 25 francs. Ca vaut donc la peine de jouer la carte de la production locale, plutôt que la proximité du supermarché, malgré les «prix cassés» des fêtes (jusqu’à 25% de rabais d’appel !).

Eclairages
Neuf lettres de différence

Dire «champagniser», pour les opérations qui transforment un «vin tranquille» en effervescent par la refermentation en bouteille, était une manière de reconnaître la «méthode traditionnelle» de la Champagne. Les Champenois ne l’ont pas entendu de cette oreille ; ils y ont vu l’ombrage de la concurrence. Exit, sous peine de procès, toute allusion à ce qui ressemble à «champagne» sur un flacon hors de l’AOC française! Récoltant et surtout manipulant à façon, passé de zéro à 30'000 bouteilles en quelques années, le Vaudois Daniel Marendaz n’en démord pas : «La seule chose qui nous sépare du champagne, c’est les neuf lettres de son nom ! Ce qui m’a fasciné, c’est de voir comment à partir d’un raisin pas fameux, les Champenois en ont fait le vin le plus connu du monde. Ici, on peut faire aussi bien, voire mieux.» La preuve, l’élaborateur de Mathod, équipé du matériel de cave nécessaire aux opérations de prise de mousse et de stockage sur lattes (la «méthode traditionnelle»), termine aussi le vin des Cruchon, d’Echichens (VD). Raoul, l’œnologue, explique : «A condition d’avoir de l’ambition, on peut faire aussi bien qu’en Champagne. Même si nous n’aurons jamais l’élégance des grands terroirs crayeux de la Côte des Blancs…» Tiré à 4'000 bouteilles, leur Brut est un assemblage de pinot noir et de chardonnay à parts égales, vinifié et élevé un an en barriques, puis laissé «sur lattes» durant deux ans, pour affiner la bulle, avant d’être dégorgé : ce 2003, vice-champion de notre dégustation, arrive sur le marché.

Questions de méthodes
La «méthode traditionnelle» qui, légalement, qualifie en Europe (Suisse comprise) la «champagnisation» n’est pas très ancienne: elle date de l’époque (1830) où Pasteur expliqua la fermentation. On attribue à un pharmacien d’avoir découvert quelle quantité de sucre (24 g./litre) il faut pour que la re-fermentation en bouteille donne une mousse agréable. Les bouteilles sont stockées sur lies (au minimum 15 mois en Champagne). Elles sont agitées  («remuage») pour que les levures s’incorporent et se déposent enfin contre le bouchon provisoire. Ensuite, on «dégorge» le liquide effervescent, puis on rectifie («dosage») la teneur en sucre du vin fini par une «liqueur d’expédition» («brut» signifie moins de 15 g. de sucre, demi-sec entre 35 et 50 g.). Tous les vins (bruts) dégustés répondaient à ces critères.
Mais il y a des manières plus simples de «faire des bulles» : la gazéification (ajout de gaz carbonique comme pour les limonades), la «méthode Charmat» (refermentation en cuve close ou autoclave), la méthode «rurale» (comme à Cerdon, entre Genève et Lyon, où le sucre laissé dans le vin de base refermente en bouteille) et «dioise» pour la Clairette de Die (fermentation en cuve, terminée en bouteilles, à hauteur de 7°5 d’alcool).
Aucune de ces techniques ne permet une complexité égale à la «méthode traditionnelle». Et Daniel Marendaz s’insurge contre le fait de devoir ajouter le mot «mousseux» sur l’étiquette d’un vin qui respecte l’orthodoxie champenoise.

La dégustation
Nos 12 vins effervescents préférés

Dégustés par le jury de 24 Heures au Beau-Rivage Palace, Lausanne, le 3 décembre 2007, par: Tony Decarpentrie, chef sommelier du Beau-Rivage, Stéphane Cholet, chef sommelier de l’Hôtel des Trois-Couronnes à Vevey, les œnologues Alain Gruaz (Schenk) et Fabio Penta (Hammel), Sylvie Camandona (mastère en vins et spiritueux de l’Université de Dijon), Christian Dénériaz, héraut de la Confrérie du Guillon, Jérôme Aké, sommelier de l’Auberge de l’Onde à Saint-Saphorin, et Fabrice Thorin, responsable restauration et boissons de Paléo, à Nyon.
1) Note : 17,4/20
Champagne Lanson Black Label Brut, chez Aligro, 39 fr..
Dégustation : Robe pâle ; bulle fine ; notes de miel, de pain de seigle, minéral ; en bouche, vif, mais plein, onctueux, équilibré ; belle longueur et acidité finale, racé.
Va avec: huîtres, crustacés, apéritif.
2) Note : 16,2/20 ex aequo
Brut Blanc 2003, Henri Cruchon et fils, Echichens (VD), 24 fr., tél. 021 801 17 92.
Dégustation : Jaune or ; belle bulle ; nez de miel, d’agrumes, note de kirsch ; attaque fraîche, pointe toastée; rond, généreux, belle persistance, légère douceur finale.
Va avec: des plats relevés, crustacés ou une tarte aux pommes.
Note : 16,2/20 ex aequo
Champagne Vve Clicquot Ponsardin, Brut, chez Coop, 46,90 fr..
Dégustation : Jaune paille ; bulle un peu grossière; nez de fruits blancs, mentholé ; note crayeuse, légère évolution ; finale équilibrée, à la fois vive et riche ; belle persistance, «le vrai Père Noël de la dégustation !» (C. Dénériaz).
Va avec: Apéritif, crustacés, poisson en sauce.
4) Note : 15,4/20
Blanc de Blancs Brut, Sous l’Elysée, Clos de Céligny (GE), 25 fr., tél. 022 364 23 19.
Dégustation : Or gris ; bulle agréable ; nez citronné ; attaque moelleuse, riche en bouche ; un peu mollachu en finale, manque d’ampleur, court.
Plat conseillé : Poisson ; dessert aux fruits.
5) Note : 15,2/20
Champagne Henriot, Blanc Souverain, pur chardonnay, distribué par Schenk SA, Rolle ; 35,50 fr. chez Gazzar, Ecublens, tél. 021 691 86 71.
Dégustation : Jaune pâle ; bulle importante ; nez discret, citronné, fruits frais ; attaque vive, épices douces, miel ;  bien charpenté, racé ; légère amertume.
Va avec: Apéritif, toast au foie gras.
6) Note : 15/20
Marendaz, Brut, méthode traditionnelle, Daniel Marendaz, Mathod (VD), 18 fr., tél. 024 459 17 90.
Dégustation : Reflets doré ; nez d’amande, matière mûre, notes d’évolution ; attaque franche, un peu mou ; bonne longueur, un peu sec en finale.
Va avec: Apéritif.
7) Note : 14,2/20 ex aequo
Brut du Valais, Jacques Germanier, Conthey (VS), chez HyperCasino, 17,90 fr.
Dégustation : Robe pâle ; bulle un peu envahissante; nez de fruits exotiques, litchis, banane ; matière mûre ; bonne longueur, finale écœurante, avec une pointe de verdeur.
Va avec: Apéritif.
Note : 14,2/20 ex aequo
Blanc de Blanc des Pins, Marc Ramu, Dardagny (GE), 19,60 fr., tél. 079 204 14 49.
Dégustation : Robe pâle ; mousse persistante ; nez de miel, d’acacia, de chèvrefeuille; attaque riche, arômes de pêche blanche; peu d’acidité ; léger, style «moscato d’Asti».
Va avec: Apéritif, salade de fruits frais, tarte aux abricots.
9) Note : 14
Anna de Codorniu, Cava Reserva Brut, distribué par Scherer & Bühler ; 16,90 fr. sur www.leshop.ch
Dégustation : Jaune pâle; bulle fugace ; nez fumé, de sous-bois, animal, fermé (réduction) ; bouche marquée par la poire mûre; finale acidulée et amère.
Va avec: Apéritif, antipasti.
10) Note : 13,8 ex aequo
Cuvée Réservée, Blanc de Blancs, Nicolas Pittet, Savuit (VD), 25 fr., tél. 021 799 38 29.
Dégustation : Robe dorée ; bulle fine ; nez de chèvrefeuille, d’abricots secs, trace de végétal ; attaque vive ; bouche peu soutenue, un peu séchard et court.
Va avec: Tarte aux légumes ; glace caramel.
Note : 13,8 ex aequo
Champagne Moët & Chandon, Brut Impérial, chez Coop, 37,90 fr..
Dégustation : Jaune pâle ; bulle aérienne ; nez un peu lactique, fermentaire, lourd ; notes d’agrumes ; bonne acidité, mais trop dosé, finale dissociée (sucré-acide).
Va avec: Un dessert, une crème catalane.
12) Note : 13,4
Baron Auriol, Blanc de Blancs, Domaine des Abeille d’Or, Chouilly-Satigny (GE), 19 fr., tél. 079 213 98 15.
Dégustation : Robe dorée ; bulle serrée ; nez fin et puissant, fruits blancs, arôme d’ananas mûr, pointe d’oxydation ;  peu de caractère, finale molle et courte.
Va avec: Salade de foie de volaille ; foie gras.

Dossier paru dans 24 Heures du 14 décembre 2007.