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Posted on 2 juin 2008 in Vins suisses

Vaud — La Côte, d’un château (viticole) l’autre

Vaud — La Côte, d’un château (viticole) l’autre

Bursinel, Tartegnin et Coteau de Vincy
D'un château l'autre

Ces trois des vingt-huit appellations d’origine contrôlée (AOC) vaudoises figurent sans doute parmi les moins connues. Les vignerons-encaveurs sont prêts à faire face à un redécoupage du vignoble, plus compréhensible pour le consommateur lambda. Visite guidée au cœur de La Côte.

La première commune viticole vaudoise, tout le monde la connaît: Yvorne, 153 ha de vignes (4% du vignoble vaudois). La suivante, avec 145 ha? Moins célèbre que la troisième, Mont-sur-Rolle (133 ha), et pourtant au cœur de cette bonne Côte répartie entre plateaux donnant sur le lac en pente douce et coteaux sur la moraine dite du Molard, arrondie par les contours du glacier du Rhône, quand la gouille du Léman n’existait pas encore.
Une commune viticole… inconnue

Cherchez bien… Mais pas dans les AOC vaudoises parce que, quoique dauphine d’Yvorne, cette commune-là n’a pas droit de cité au catalogue des 26 villages et 2 grands crus. C’est Gilly, qui recouvre à 100% l’AOC Coteau de Vincy, 63 ha de vignes, issues d’un remaniement parcellaire. Quid des 82 ha restants? Eh bien, ils sont sur l’AOC Tartegnin… Allez y comprendre quelque chose! Même l’autorité y a perdu ses repères, dans les années 70. «J’ai dit à Raymond Junod, alors conseiller d’Etat: si le Domaine de la Dolle se situait un peu plus bas, il serait sur Rolle, donc en AOC Mont-sur-Rolle; s’il était au-dessus de l’autoroute, en AOC Tartegnin. Il m’a demandé ce que je préférais et je lui ai dit Coteau de Vincy», se souvient l’œnologue Claude-Eric Dufour, qui siège désormais au Grand Conseil vaudois sur les bancs UDC.
Une ex-Dôle, 100% rouge

Ce grand domaine d’un seul tenant (7,5 ha), juste au-dessus du lac non loin de Rolle, est un cas particulier. On lui attribue la paternité du fameux mot «dôle». Au XIXe siècle, des barbues rouges auraient été livrées en Valais, depuis ce domaine. Dans ses archives, Claude-Eric Dufour conserve une étiquette, gravure liserée d’or, qui affiche «La Dôle», orthographiée comme aujourd’hui en Valais. Mais ce n’est pas suffisant pour «revendiquer une quelconque antériorité». La dôle, vin le plus connu de Suisse, est passée au patrimoine protégé valaisan.
Entretemps, le domaine tomba en décrépitude. Et, quand le père de l’exploitant actuel l’acheta, il replanta les 7,5 ha tout en rouge, en 1970. Une curiosité! Aujourd’hui, le domaine de La Dolle se répartit une moitié en rouge et une moitié en blanc, et les vins sont commercialisés par Schenk. Chasselas, chardonnay, puis viognier et doral, sont venus diversifier l’encépagement, en plus du gamaret et du garanoir. La Dolle joue un rôle dans l’étude de l’adéquation sol-cépage qui fait suite à l’étude des terroirs: le doral, croisement de chasselas et de chardonnay, fait partie des cépages de base (avec le gamaret) voués à des essais de vinification par Changins à partir de parcelles de tout le Pays de Vaud, dès la récolte 2007.
Diversification indispensable

Des mutations aussi radicales – de blanc à rouge, puis de rouge à mi-blanc –, aucun autre domaine vaudois n’en a connu. Mais la diversification est un maître mot à La Côte, comme la redéfinition des AOC. Alain Rolaz (47 ans), président du groupement du Coteau de Vincy, une forte tête, ne mâche pas ses mots: «Je suis pour le redécoupage. Il faut agrandir les appellations phares: Tartegnin peut rejoindre Mont-sur-Rolle et le Coteau de Vincy, Vinzel.» Ce serait couper en deux Gilly: «Le Gilly, de toute façon, c’est du La Côte!, tranche Alain Rolaz, car les négociants commercialisent plus de 55% de nos 145 ha.»
Ces dernières années, le domaine d’Alain Rolaz, Chantegrive, s’est fortement agrandi, passant à 20 ha cultivés. Deux tiers sont plantés en chasselas, mais la palette des rouges s’est élargie, avec du cabernet franc et du merlot (assemblés après élevage en barriques), de la mondeuse, du dornfelder (vinifié pur, souvenir d’un stage que le jeune vigneron a fait en Allemagne), en attendant du galotta (gamay croisé avec de l’ancelotta) et du diolinoir. «En rouge, les gens aiment bien les assemblages.» Si un chai à barriques est en projet, une septantaine de fûts sont entreposés «dans tous les coins». Les vins en barriques s’affichent Crescendo, une gamme qui montre l’ambition d’Alain Rolaz, fier de pouvoir affirmer que «tout ce qui est en propriété est vendu en bouteilles». Reste une notable part de vrac, qui s’en va chez un négociant alémanique.
Un domaine devenu une marque

Un autre champion de la diversification, c’est Jean-Jacques Steiner. A 55 ans, il vient de connaître une nouvelle étape de sa vocation de vigneron-encaveur: il a repris les vignes de son frère aîné, Bernard, et a renoncé à un domaine en location (lire plus loin, sous Tartegnin). Le voilà depuis la vendange 2007 dans chacune des appellations: 1 ha sur Coteau de Vincy, 2 ha sur Tartegnin et 7,5 ha sur Bursinel, dont le Clos Saint-Bonnet, ancien fief de son frère. Lui aussi n’a aucun état d’âme pour les trois appellations: «A part Féchy et Luins, elles n’ont pas d’importance. Je m’appuie davantage sur La Côte.» Ingénieur œnologue, il s’en est allé deux ans chez Beringer, dans la Napa Valley, à la fin des années 70. «Je travaillais au laboratoire d’œnologie. Quand j’y suis retourné, en 1996, ce qui m’a le plus impressionné, c’est le parc de 80 000 barriques!» Au contact de l’entreprise, alors dans le giron de Nestlé, il a appris aussi le marketing: «Une nuit d’insomnie, quand la fleur sent de façon si particulière, j’ai trouvé Parfum de vigne». C’est désormais le nom de son domaine, «une marque qui plaît à 99%».
Des vins bien notés

Ses 16 vins se répartissent entre 75% de rouges et 25% de blancs – dont un gewurztraminer liquoreux et un pinot blanc en barrique. Pour les rouges, le pinot noir domine, dans sa version «servagnin de Saint-Prex». Il est aussi vinifié en œil-de-perdrix, troisième du Grand Prix du Vin suisse 2007. Deux assemblages, le Sire Thomas du Clos Saint-Bonnet (gamaret, garanoir et diolinoir), près de 3500 bouteilles et, en quantité appréciable (plus de 10 000 bouteilles), le Grain Noir (cité au Guide Hachette 2008), gamaret, garanoir, diolinoir et cabernets du Jurassien Valentin Blattner, «un homme qui va chercher dans une autre direction».
Pour maîtriser cette évolution, Jean-Jacques Steiner vient d’aménager un nouveau chai à barriques à Gilly. Il a équipé ses cuves en micro-oxygénation, pour «des vins plus ouverts, sur le fruit, sur le gras». Et l’œnologue n’exclut pas d’obtenir «le même effet en cuve qu’en barrique». Avec des copeaux? «En dose homéopathique en vinification. Mais je le dirai à mes clients, qui me posent souvent la question: je leur dois la vérité et l’authenticité.» Même credo, pour ce petit-fils de pasteur neuchâtelois, à propos du travail dans les vignes, qui respecte le label Vinatura, apposé sur toutes les bouteilles: «Nous sommes dépositaires d’un patrimoine et nous devons ménager la terre», explique celui qui se dit «passionné et il faut l’être.»
Une taille critique à 200 000 flacons?

Juste au-dessus de Parfum de vigne, le village de Bursinel, qui fait AOC commune avec sa voisine, Dully. Ça bouge aussi dans la plus petite appellation de La Côte (moins de 50 ha, douze fois moins que l’AOC Morges, la plus vaste du Pays de Vaud). Le Château de Bursinel et le Domaine de l’Oujonnet ont de nouveaux «châtelains». Les deux domaines sont confrontés à leur distributeur exclusif, Coop Suisse.
Pour Marc Dutoit, chef vigneron du domaine du Château (6,5 ha, vinifié par Hammel à Rolle), le marché est ainsi fait que le distributeur ne veut, désormais, qu’un seul produit par appellation dans sa gamme. Naguère concurrents dans les mêmes rayons, le Château de Bursinel et le Domaine de l’Oujonnet (8,5 ha, vinifié à la Cave de Nyon par UVAVINS) sont désormais présents dans l’une ou l’autre région linguistique. Marc Dutoit et son alter ego Roland Monnard ont imaginé qu’ils pourraient livrer un jour un seul vin sous une seule et même étiquette, à raison de 200 000 bouteilles par an… En place depuis plus de trente ans, Marc Dutoit a développé une niche de vente au domaine: 12 000 bouteilles de chasselas «réserve», et, bientôt, un peu de rouge, du gamaret-garanoir planté sur un quart d’hectare en 2005.
Un domaine pionnier de La Côte

Ces domaines ne sont pas à l’abri de changements de propriétaire. Ainsi, l’Oujonnet est passé d’Uvavins à un propriétaire privé, un armateur français, dont les bureaux sont logés dans la maison de maître. Roland Monnard, le chef vigneron est resté. Il veille sur 56 ha répartis entre vigne, exploitation agricole et pommiers. Le viticulteur, depuis longtemps sur le domaine (sa famille est là depuis 1944), avait été un pionnier de la mécanisation – avec des machines développées par son frère – et de l’enherbement. Ici, en 1985, tout a été replanté en cordon permanent, donc en mi-haute, ce qui permet le prétaillage, le palissage, le cisaillage et, finalement, les vendanges à la machine. Une parcelle sert aussi à un essai sans herbicide, avec de la piloselle-épervière. Le doral, sous forme d’ouillage à hauteur de quelque 5%, donne de l’étoffe au chasselas. Et, cueilli en cagettes, il va rejoindre, chez Uvavins, le raisin nécessaire aux liquoreux, tel l’Euphonie.
Le retour de l’ours… en peluche

A l’ombre des géants s’épanouissent aussi des petits… Robin Mani, 29 ans, s’est constitué un domaine de 4 ha, à partir des vignes de son père à Dully et de parcelles en location, chez des voisins et à Tartegnin. Ses vins sont élaborés chez Philippe Bovet, à Givrins, où ce jeune titulaire du brevet fédéral de viticulture travaille à mi-temps: «Se regrouper, c’est une solution d’avenir pour les petits vignerons», dit-il, lui qui prévoit de passer de 12 000 à 30 000 bouteilles. Il vient de relooker ses étiquettes et n’a pas peur de faire déguster des vins rarissimes, issus de vignes replantées dès 2000, comme ces 400 bouteilles de viognier, d’auxerrois ou de mousseux en méthode traditionnelle, assemblage de chardonnay et de chenin blanc. Sa griffe, il la pose sur un assemblage de trois cépages rouges, fierté du Domaine des Ours. Un nom rudement sauvage, même si le vigneron explique: «C’est parce qu’on surnomme mani les ours en peluche.» Ouf, voilà le client, fut-il Bernois, rassuré…
Quand la relève est assurée

Si Jean-Jacques Steiner n’a pas de descendant direct intéressé par la vigne, la famille Widmer, Au Grand Clos à Bursinel, est assurée de perdurer, avec une cinquième génération. Les parents, Eric (52 ans) et Roland (53 ans), ont chacun un fils, respectivement Régis et Lionel, tous deux âgés de 25 ans, qui ont terminé leur formation à la Haute Ecole de Changins, sans compter Florian, 28 ans, fils de Roland et locataire d’un domaine à Allaman. «Voilà pourquoi on a investi», explique Eric, qui s’occupe de la cave, du bureau et des clients, tandis que son frère Roland est à la technique et à la gestion du personnel.
Pépiniéristes (80 000 barbues par an) et cultivateurs de pommes (sur 7 ha), les Widmer ont développé un esprit d’entreprise qui culmine avec l’ouverture récente d’un caveau au centre de Bursinel. Plusieurs fois par année, ils y proposent un menu gastronomique, accompagné des vins du cru. «Le caveau a boosté les ventes. Les spécialités, les gens ne les achètent que s’ils les ont goûtées. Aujourd’hui, un vigneron doit être un commerçant. Produire du vin en vrac n’est plus intéressant. Le 2007 est notre vingtième millésime, et nous sommes partis de zéro bouteille… Notre clientèle est exigeante, mais prête à payer le prix de la qualité.» Les quelque 5 ha cultivés représentent 60 000 bouteilles, dont 70% de chasselas. Pas de gamay, mais du pinot noir, un peu de garanoir, un assemblage rouge d’un seul fût de 400 litres, un pinot gris sec ou passerillé, et un mousseux «gazéifié»; la cave travaille avec Claude Jacquard, à Perroy. «C’est une fierté de savoir que les enfants vont reprendre et c’est aussi motivant pour nous!», dit Eric Widmer.
Le viticole d’un meilleur
rapport que l’agricole

Même discours à la lisière de la forêt, à 600 m d’altitude. Où sommes-nous? A Gilly? A Tartegnin? Curiosité, le Domaine de la Crosettaz affiche sur ses étiquettes les deux noms liés par un trait d’union. Encore des battants, ces deux-là, Daniel Bovy (48 ans) appuyé par son fils Xavier (24 ans) qui termine son brevet de caviste à Changins. Le domaine joue la triple carte: agricole, élevage de bétail de boucherie et viticole. Les vignes s’étendent sur 6,5 ha, dans un coteau pentu, devant la vieille demeure qui fut, dès 1400, un relais entre les forteresses de Vincy et de Mont-le-Vieux. «Aujourd’hui, la vigne nous procure deux tiers des revenus…» Ce fut l’inverse durant des décennies, depuis que les grands-parents Bovy ont commencé à exploiter le domaine en 1895.
En 1970, la vigne ne représentait que 4 ha. Si le chasselas est majoritaire, le Domaine de la Crosettaz propose 14 vins. Au riesling x sylvaner et au pinot gris planté par le grand-père s’ajoutent du gewurztraminer, du galotta et du dornfelder, en devenir, en plus du gamay et du pinot noir. Les Bovy n’ont aucun complexe à propos des AOC: «Pourquoi ne pas mettre en avant La Côte? De toute façon, notre domaine et son adresse subsisteront.» Daniel Bovy: «La clientèle a changé. Elle veut des spécialités de qualité. La difficulté, c’est qu’on doit maîtriser trois métiers, à la vigne, à la cave et à la vente. Dans les cours de marketing, on m’a dit que je parle trop de ma passion pour mon métier.»
A la ferme transformée, avec son carnotzet de pierres apparentes, quelques barriques, pour un assemblage blanc et un rouge, à majorité de pinot noir. Et, produit en fonction du climat, tous les deux ans (2005, puis 2007), un assemblage doux qui combine deux techniques: du chardonnay et du pinot blanc passerillés, et du chasselas laissé sur souche jusqu’à mi-décembre. Xavier, qui a fait un stage au Domaine du Mont d’Or, à Sion, ponctue: «Pour avancer, il faut évoluer.»
Où se cache le Tartegnin…

Nous revoilà, un peu plus bas, le fessier toujours entre deux chaises, à La Vissenche. Jean-Michel Dufour a repris de son beau-père, André Jaquier, un domaine de 10 ha, d’un seul tenant, où le chasselas domine. «Restons Vaudois!», lance péremptoire le président du Conseil communal de Gilly et président de l’appellation Tartegnin. Lui non plus ne voit pas d’un mauvais œil une redistribution des cartes: «On s’est battu depuis soixante ans pour Tartegnin. On se battra désormais pour une bouteille de domaine. La majorité du Tartegnin en vrac est caché dans les flacons de Mont-sur-Rolle. Et puis, en Suisse alémanique, on nous dit souvent: «Ach, oui, D’Artagnan, comme le mousquetaire!» On est au milieu des noms connus, Vinzel-Luins à l’ouest, Mont-Féchy, à l’est. Et quand on chemise les chasselas pour les déguster, on ne fait pas les malins quand il faut dire d’où vient le vin.»
Sur son domaine, Jean-Michel Dufour décline les classiques de la diversification: un peu de spécialités blanches, comme ce gewurztraminer doux, mais sans «malo», quelques rouges dans des barriques, une généralisation de la désirée (50 cl) et, corde ajoutée à son arc, des chambres à louer ainsi qu’un appartement de vacances. «Les citadins aiment bien le rustique. Mais il faut rénover et faire chaleureux, là où le vigneron a seulement besoin de se sentir à l’aise.»
«A Tartegnin, on s’entend bien»

Fin de la balade au centre de Tartegnin. Syndic, Laurent Munier (43 ans) est du genre efficace au Domaine de La Montardière. Lui aussi en est à 14 sortes de vins. Mais les deux tiers des 16 ha qu’il cultive entre Mont-sur-Rolle, Tartegnin et Perroy sont en chasselas. «On va replanter du rouge», dit-il, alors que du cabernet franc, du merlot, de la syrah et du galotta – cépage en devenir à La Côte, mais planté il y a moins de trois ans! – font déjà partie de l’encépagement, en plus du pinot-gamay et du gamaret-garanoir. En blanc, du pinot blanc et du muscat, mais «il vaut mieux vendre du chasselas en vrac que brader le rouge ou les spécialités».
Tributaire de l’aval, la vente, Laurent Munier a agi en amont, sur les coûts: les vignes sont plantées en mi-haute et la machine est présente jusqu’à la vendange. En cave, rationalisation aussi, avec les barriques «carrées» valaisannes Cybox: 34 de 225 l, dans lesquelles passent les assemblages syrah-cabernet franc et gamaret-garanoir. Et puis, partage des machines avec d’autres vignerons du village: «A Tartegnin, on s’entend bien», affirme le syndic. Un slogan qui rappelle le «Tartegnin, pays du bon vin», créé pour soutenir le pilote de rallye automobile Christian Jaquillard.
Place à la relève

Fait réjouissant, dans la principale appellation de ce tiercé, les jeunes reprennent les domaines paternels. Ainsi, Vincent Gränicher et Nicolas Jaccoud, tous deux membres de l’ex-Jeunesse viticole de La Côte. Ce mouvement juvénile s’est sabordé en décembre dernier, car les gamins sortis de Changins sont devenus des trentenaires responsables.
A 32 ans, Vincent marche sur les traces de son père Hans-Ruedi, comme tâcheron au Clos du Roussillon (5,3 ha), fief du marchand de vins genevois Berthaudin, et sur le Domaine de Penloup (3,3 ha). Ce caviste breveté, qui est passé par le légendaire domaine californien de Stag’s Leap, dit aujourd’hui: «Je préfère les vins sur le fruit, la rondeur, la souplesse, plutôt que sur l’épaisseur tannique. Et j’aime soigner mes rouges de la vigne à la cave.» Assemblage en barriques de cinq cépages (gamaret, garanoir, pinot, cabernet sauvignon et merlot) ou mousseux (chardonnay, pinot blanc et pinot noir dès cette année), manipulé par le Genevois Xavier Chevallay, la diversification est là aussi. «Je reste confiant, même si parfois j’ai peur: combien de temps va-t-on tenir avec nos petits volumes, nos étiquettes, notre promotion? Nous devrons peut-être nous regrouper.»
Le juste milieu pas perdu de vue

Au Domaine de Chantemerle, Nicolas Jaccoud (27 ans) s’est associé avec son père, Jean-Claude. Un projet d’agrandissement au centre de Tartegnin n’a pas vu le jour… Pourtant, la petite cave est à l’étroit. Pour vivre à deux de la vigne, père et fils viennent de reprendre en location les surfaces laissées par Jean-Jacques Steiner. D’un coup, en 2007, le domaine a doublé, passant de 5 à 10 ha. En même temps arrivent des cépages comme le malbec, le diolinoir ou le merlot. Les possibilités d’assemblages rouges se démultiplient et Nicolas Jaccoud s’en réjouit: «On n’est pas au bout des idées!» Un mousseux, élevé chez Daniel Marendaz, à Mathod, vient d’être tiré…
Les 40 000 bouteilles commercialisées par le domaine sont en vue. En revanche, comme chez la majorité des vignerons-encaveurs rencontrés, près de la moitié du chasselas est vendu en vrac. Il n’empêche, «on va renouveler les chasselas et arrêter de planter des spécialités. Il ne faut pas aller trop loin dans le sens de la diversification, même s’il faut une gamme pour tous les goûts.»
Ah! la recherche de ce «juste milieu», quête bien vaudoise! Même le rachat d’un domaine, rebaptisé Mont-le-Vieux, par le baron de Ladoucette, seigneur de Pouilly-Fumé (Loire), n’a pas encore changé les habitudes… Sauf que ces bouteilles de chasselas de Tartegnin s’en vont désormais par containers entiers au Japon… Voilà qui donne des raisons d’espérer et quelques idées aux vignerons du coin!
Dossier paru dans la revue vitivinicole vaudoise Le Guillon, no 32, été 2008.