Pages Menu
Categories Menu

Posted on 23 mars 2009 in Vins français

Beaujolais — Le beaujolais redresse la tête

Beaujolais — Le beaujolais redresse la tête

Le Beaujolais
redresse la tête

Honneur pour le salon Arvinis (du 22 au 27 avril 2009) à Morges: «Expressions d’origine» y tiendra sa première dégustation hors France. Ses quinze membres entendent redonner au beaujolais ses lettres de noblesse.
Par Pierre Thomas
Réduit au «beaujolais nouveau» et à une opération marketing à grande échelle le troisième jeudi de novembre, le Beaujolais et ses 22'000 hectares de gamay noir est, en réalité, une zone viticole sinistrée aux portes de la Suisse. Des Suisses qui furent, longtemps, parmi ses meilleurs clients, important plus de 6 millions de litres il y a quinze ans, divisés par quatre (1,5 millions) l’an passé. Une misère… Au total, la production de la région est passée de 140 à 95 millions de litres en dix ans et l’exportation a été divisée par deux (de 80 à 40 millions de litres).
Inverser la tendance
Cette fâcheuse tendance, quinze domaines et châteaux ont décidé de l’inverser, à la fin de l’année passée. Parmi eux, des poids lourds, comme le Château de La Chaize, à Odenas, qui frise les cent hectares, où les propriétés du négociant-éleveur bourguignon Louis Jadot (70 ha), dont l’atypique Château des Jacques, réputé pour élaborer le plus bourguignon des beaujolais, apte à une longue garde. Mais aussi deux rénovateurs reconnus, Pierre-Marie Chermette (Domaine du Vissoux, 33 ha) et Jean-Paul Brun (Domaine des Terres Dorées, 32 ha). Ou des personnalités originales comme Marcel Lapierre, à Villié Morgon, et son voisin Jean Foillard, ou Vincent Audras, à Juliénas (Clos de Haute Combe), chacun sur une douzaine d’hectares. Ou encore des domaines où la nouvelle génération a repris le flambeau, le très sérieux Château Thivin (28 ha) ou Michel Chignard à Fleurie (8 ha).
En tournée américaine
A la tête du mouvement, Dominique Piron, qui essaime une cinquantaine d’hectares dans plusieurs domaines des dix «crus du Beaujolais» (dont un domaine racheté au Bernois François Loeb), de Brouilly à Régnié. Sa bonne parole, le président ira la porter, après le Château de La Chaize et chez Alain Dutournier, à Paris, fin mai à New-York, Boston et Chicago, mais aussi en Angleterre et en Allemagne. Après la Suisse, donc, et Arvinis, où les quinze domaines tiendront le stand de l’invité d’honneur, dans un salon de 125 exposants, qui s’attend à recevoir 20'000 visiteurs, malgré la crise.
La crise, le Beaujolais connaît… Elle dure depuis dix ans. Pourtant, le mot «beaujolais» évoque le vin français un peu partout sur la planète, explique Dominique Piron. «Il y a un patrimoine affectif. Et une image à retrouver. Des négociants de la Bourgogne, de la Champagne et des Côtes-du-Rhône investissent et achètent des domaines. C’est aussi la fin du métayage, qui voyait le partage de la récolte entre un propriétaire et un exploitant viticole, avec pour résultat que le propriétaire n’a souvent investi ni dans les vignes, ni dans la cave, ni dans la commercialisation. Avec le rachat de ces propriétés, le Beaujolais évolue de l’amateurisme au professionnalisme.»
Oublier le vin industriel
Et cette «nouvelle quête de l’excellence» doit faire passer le Beaujolais «du Moyen-Age à l’ère moderne.» Avec un entre-deux que les producteurs haut de gamme aimeraient oublier : une parenthèse de 40 ans, où les négociants ont assuré la notoriété du produit «beaujolais», généralement «nouveau». «C’est par ses 150 châteaux et ses domaines indépendants que le Beaujolais s’en sortira.» Un acte de foi posé sur le monocépage gamay, interprété sur une mosaïque de terroirs réputés pour leur minéralité (schiste, quartz, granit), découpés en dix crus, au nord de l’appellation générique. «Nous ne sommes ni rebelles, ni intégristes. Nous voulons montrer la diversité avec des vins élaborés de plusieurs manières par des gens différents», assure le président du mouvement, le verre à la main. Avec l’espoir de retrouver, en Suisse, les quantités perdues…

Perspective
Mauvais exemple lourdement condamné

L’actualité n’a pas de pitié: la conférence de presse annonçant l’opération de charme morgienne tombait le lendemain de l’annonce du verdict sur la surchaptalisation du beaujolais du millésime 2004, le 17 mars 2009. La dénonciation n’est tombée qu’à fin 2007, quand l’enquête a permis d’établir que six cents tonnes de sucre avaient été achetées dans des supermarchés aux portes de la Suisse, dans le Rhône et la Savoie. Alors que l’enrichissement du moût par du sucre avant fermentation — la chaptalisation — est autorisée dans la limite de 2 degrés d’alcool, les viticulteurs pincés avaient sur-sucré leurs moûts. «Nous n’avions pas d’autre choix. Personne n’aurait acheté un vin à 11%, contre 12,5 à 13% habituellement», a plaidé un des accusés (selon une dépêche de l’afp). Le tribunal a infligé pour 119'000 euros d’amendes au total (plus de 180'000 francs suisses), soit davantage que les réquisitions du procureur, taxées deux mois plus tôt de «clémentes» par la presse française. Les viticulteurs ont dit vouloir faire appel de ce jugement du tribunal correctionnel de première instance.

Paru dans Hôtel Revue le 26 mars 2009.