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Posted on 19 avril 2009 in Vins suisses

Vully — Le dossier spécial du Guillon

Vully — Le dossier spécial du Guillon

Dossier paru dans Le Guillon,
no printemps-été 2009
Les excentriques du Vully
Par Pierre Thomas
Au Vully, les Fribourgeois ont la faveur de leur canton : avec 100 hectares, c’est le plus vaste vignoble du plus petit des producteurs romands. Les Vaudois, eux, ne cultivent que 50 hectares, soit 1,3% des vignes du deuxième canton viticole. Et mis ensemble, ces 150 ha, à l’échelle du pays, ne font pile qu’un pour cent du vignoble suisse. 
En quelques chiffres, l’équation du Vully est posée.
Le pragmatisme l’a résolue jusqu’ici : de part et d’autre de la frontière cantonale, les vignerons, vaudois ou fribourgeois, apposent Vully AOC sur l’étiquette, sans mentionner le canton. Même si la Berne fédérale, d’ici cet été 2009, veut y voir plus clair!
Au sud de quelque part
Les vignerons vaudois que nous avons rencontrés ont le sentiment d’être un peu isolés dans leur lointaine province… Quand on regarde une carte de géo, ils sont au nord. Mais, truisme, même au nord — du moins sous le pôle — on est au sud de quelque part! Les Alémaniques, et les Bernois d’abord, friands d’exotisme proche, contournent le lac de Morat par Faoug et Salavaux et séjournent dans de vastes caravansérails lacustres: les Vaudois sont alors au sud et en première ligne.
Ils bénéficient, aussi, du voisinage d’Avenches, même si l’ancienne capitale de l’Helvétie romaine — et aujourd’hui du cheval — a dû renoncer à sa préfecture. Depuis 2006, les Vullerains en réfèrent à Payerne, chef-lieu de la Broye vaudoise.
Compliquée, décidément, la géopolitique ! Et en voie d’être simplifiée : huit communes vaudoises pourraient fusionner en Vully-les-Lacs, sous une seule bannière qui reprend une grappe de raisin. Si Cudrefin le veut bien…
Trois-Lacs qui ne feront qu’un?
En matière viticole, le Vully pourrait revendiquer l’appartenance à la région des Trois-Lacs, patch work des vignobles vaudois du lac de Neuchâtel (Bonvillars), des coteaux neuchâtelois, des rives du lac de Bienne, du Jolimont, réplique du Vully en plus petit du côté d’Anet (BE), et de Cheyres, 10 ha sur la rive fribourgeoise du lac de Neuchâtel.
L’entité a l’avantage d’être naturelle : ces trois lacs ne faisaient qu’un, le «lac de Soleure», au moment du retrait du glacier du Rhône, il y a 15'000 ans. Mais elle représente une forme de triangle des Bermudes où les touristes se perdent, selon un sondage (24 Heures du 17 octobre 2008) : elle n’arrive qu’au dixième rang des contrées les plus citées de Suisse. Conseiller en œnologie de plusieurs vignerons, Nicolas Ryser, d’Onnens (VD), n’exclut pas que, face à un marché toujours plus vaste, une «région viticole des Trois-Lacs» aurait tout intérêt à se structurer, avec des règles communes. Quatre cantons, Neuchâtel, Vaud, Fribourg et Berne, devraient se mettre d’accord. Musique d’avenir : « Dans dix ans, peut-être…»
Entre latins et barbares
Au fond, cette identité floue perturbe davantage l’observateur extérieur que l’autochtone. Qu’on se le dise : les vignerons heureux ont toujours une histoire. Celle du Vully passe par le partage depuis la chute de l’empire romain.
«Sur le Jura se détache le Vully, long et rond, clair, avec les carrés verts des prés, les carrés jaunes des vignes, les carrés bruns des labours. Comme une étoffe rapiécée. Comme un couvre-lit à carreaux, jeté sur un duvet énorme». Voilà comment le décrit Gonzague de Reynold (1880-1970) dans «Cités et pays suisses» (1948). Bien placé juste en face, dans son repaire de Cressier-sur-Morat, l’écrivain voyait «La Nuithonie (réd. la région fribourgeoise) plus proche de la Germanie et de la Norvège que du Léman», déjà versé vers «l’Italie et la Provence», avec un passage «du monde latin dans le monde barbare». Rien moins qu’une «lutte entre deux races». Bigre ! Un héritage lourd à assumer.
Un domaine neuf et moderne
A Constantine, au sud du Vully, Pierre Gentizon est plus terre-à-terre. Il coiffe la double casquette de président des vignerons-encaveurs locaux et de la communauté interprofessionnelle des vins du Vully. Sur les 8,5 hectares qu’il cultive, «un tout joli domaine», près de la moitié des ceps ont moins de dix ans. Ces 4 ha de «nouvelles terres» ont pu être plantées «selon la demande du marché, juste au bon moment», en garanoir, gamaret, merlot, pinot gris et gewurztraminer, pour compléter les deux cépages de base que sont le chasselas et le pinot noir (à eux deux, ils représentent 75% de l’encépagement du Vully vaudois).
Avec 461 parcelles de 1000 m2 de moyenne (contre 4000 à 5500 à La Côte et une moyenne cantonale de 2778 m2), «on est un peu les Valaisans vaudois», constate le viticulteur, fringant quadra, tout heureux de «surfer sur une vague positive». Son domaine est bien mécanisé, jusqu’à la vendange à la machine, et la cave s’est mise à la filtration par centrifugeuse et même à la micro-oxygénation avec le millésime 2008.
Du chasselas, comme la cuvée «Sous le Château», avec un appoint de 10% de doral, au gewurztraminer, en passant par le chardonnay, le pinot gris et le riesling X sylvaner, les blancs sont fruités, souples, tendres, souvent avec un peu de sucre résiduel, et les rouges, typés de leur cépage, «variétaux» comme on dit dans le Nouveau Monde. Du pinot noir, souple, au merlot, en passant par le garanoir et le gamaret, la gamme est complétée par deux assemblages, Dyonisos (garanoir, gamaret, gamay) et Apollon (long élevage en barriques).
«La réussite, c’est ça : la diversification et des vins d’un bon rapport qualité-prix», affirme-t-il en désignant d’un geste présidentiel une table couverte de bouteilles, au centre de sa salle de dégustation, dans une ferme en face du temple de Constantine. Le samedi matin, toute la famille met la main à la pâte : on y sert des «gâteaux du Vully», recette de sa maman, et, trois week-ends d’hiver de fin février à début mars, le «saucisson au marc». Une tradition empruntée aux Biennois, mais ici, le saucisson reste bien gras, donc bien vaudois…
A cheval sur la frontière
A Constantine, rançon du sud, les vignes ne regardent pas le lac de Morat dans les yeux. Il faut monter à Mur, au Domaine de Villarose, pour le surplomber, «ovale et terne» (G. de Reynold dixit).
Si la question Vaud-Fribourg fâche Pierre Gentizon, puisque «l’étiquette est déjà harmonisée Vully», Alain Besse, 46 ans comme lui, ne l’élude pas. Et pour cause : le village de Mur est coupé en deux par la frontière cantonale. Sur les 13 ha qu’exploite le vigneron-encaveur, 3,5 ha sont sur Fribourg. Là où il a pris pour épouse Patricia, la nièce d’un des meilleurs vignerons, Jean-Bernard Derron… Alain Besse préside du reste le comité de Vullyssima, qui, cette année, réunira une vingtaine de producteurs vaudois et fribourgeois, sur des bateaux de la compagnie de navigation à Morat, les 2 et 3 mai (2009). Il vient d’engager aussi un jeune œnologue fribourgeois prometteur, Etienne Javet, dont le travail de diplôme à Changins (avec Fabrice Simonet), traite du terroir du Vully fribourgeois, qui n’a pas fait l’objet d’une étude comme le vaudois.
Sortir du chasselas…
Le domaine d’Alain Besse fut d’abord fribourgeois, avant qu’une nouvelle cave soit construite il y a vingt ans, sur sol vaudois. A l’époque, les trois quarts de la vendange était du blanc. La proportion a basculé vers le rouge, à 55%. Les blancs, à partir du seul chasselas, sont devenus pluriels, avec du chardonnay d’abord, du viognier ensuite et bientôt du sauvignon. «Quand on vivait sur le chasselas, on avait plus de concurrence», constate le vigneron. Sans compter la tenace et néfaste réputation de «vin aigre du Vully» (encore G. de Reynold).
L’élargissement de la gamme a permis une meilleure mise en valeur du travail viti-vinicole. En blanc, même sur le viognier, et en rouge, la maîtrise de l’élevage sous bois a changé le style des vins. En douze ans, les barriques sont passées de deux à plus de quarante. Et le rouge, emblème du domaine, «L’Aristocrate», à base de pinot noir, de gamaret, complété par un bon quart de merlot et de diolinoir, exprime la personnalité de chaque millésime. Le 2006 reste encore un peu austère, typé sud grâce au gamaret mûr, et le 2007 montre une structure plus étoffée, grâce au diolinoir, mais aux arômes moins épicés.
Avec une production annuelle de quelque 100'000 bouteilles, le domaine écoule près de la moitié de son volume dans une centaine de restaurants, dans un rayon de 60 km. Et même si les flacons passent par la centrale d’Aclens, au bord de la Venoge, Coop les redistribue loin du bassin lémanique, au nord.
Deux domaines cousins
Entre les extrêmes, Constantine et Mur, il y a Vallamand, Dessous et Dessus. Sur la colline, voilà le fief des deux cousins Matthey, tous deux 58 ans. Leur arrière-grand-père, Henri, originaire du Locle (NE), en 1880, après un apprentissage de tonnelier à Morat, s’était établi dans le village vaudois. En 1953, son fils, qui avait acheté quelques vignes, a partagé l’exploitation. A Maurice, les vignes et la cave; à Henri, la tonnellerie. A leur tour, ils ont transmis ces entités à leur fils respectif, Daniel et Roger.
Daniel Mathhey cultive 3 ha, mais en encave l’équivalent d’une dizaine au total : «Je vis plus de la vendange des autres que de la mienne». Si on peut déplorer que les vins du (petit) Vully vaudois ne sont guère présents dans les concours, Daniel Matthey a réussi un coup double, véritable exploit, à Sierre, en 2008. Depuis longtemps, son «Prince de Val» figurait parmi les très bons pinots gris de Suisse. Pour la première fois, le Mondial du Pinot s’est ouvert aux vins blancs de la grande famille des pinots. Coup double! Le producteur vullerain a décroché une médaille d’or pour ce blanc racé, millésime 2007. Un même trophée d’or s’y est ajouté, pour sa «Réserve du Patron» 2006, une dizaine de barriques de pinot noir.
Limiter les rendements
Et si le pinot gris a gardé un soupçon de sucre résiduel — «je stoppe ma fermentation à la sonde à moût et le moelleux plaît beaucoup» —, le pinot noir est taillé pour une garde moyenne, conjuguant une attaque soyeuse et vanillée avec de la mâche et des arômes fruités en rétro-olfaction. «Je limite mes vignes de pinot à 800 g. au mètre carré», confie le vigneron-encaveur, qui salue l’apport de son conseiller œnologique, Nicolas Ryser. Ce dernier confirme : «Si les vins du Vully vaudois et fribourgeois sont très proches, la rigueur du vigneron fait la différence. Et s’il y a un exemple à suivre en matière de maîtrise des rendements, il vient de Neuchâtel, le bon élève de la viticulture romande.» Car le climat (et les maladies, comme le mildiou, violent en 2008), l’exposition et le choix des cépages jouent un rôle déterminant dans la maturité phénolique.
Cinquième génération en vue
Si Daniel Matthey n’a pas de descendant direct, la cinquième génération des Matthey, par le biais de Pascal, 24 ans, fils de Roger, est prête à assumer la relève, après des stages dans les vignes du bord du lac de Bienne et à la cave de l’Association viticole d’Ollon, et son brevet en œnologie et bientôt en viticulture à Changins.
Tonnelier d’abord, et même dernier en activité en Suisse romande (une occupation à 30%), mais aussi dans l’acception vaudoise d’œnologue à façon, Roger Matthey travaille 3,5 ha de vignes avec deux ouvriers et achète l’équivalent de 4 ha de vendange.
Dès 2006, il a complété sa gamme par du diolinoir et du viognier, à côté du chasselas — une moitié de sa production. En rouge, s’il propose du garanoir, il se dit attaché au pinot noir, le favori de la clientèle. Et celle-ci, souvent formée de Bernois — «dès qu’il y a un rayon de soleil, ils viennent jusqu’ici» —, il l’attire aussi par son petit musée, ouvert en 2005. On y admire divers outils de tonnellerie. On peut comprendre cet art par un film de 20 minutes et comparer des tire-bouchons à tire-larigot. Ou lire quelques extraits de presse édifiants.
Un gel presque fatal
Sait-on qu’à fin avril 1956, après un gel de printemps, le canton de Vaud envisagea de verser des subsides aux vignerons pour qu’ils arrachent les vignes du Vully? Dix ans plus tard, «La Feuille d’Avis de Lausanne» pose à nouveau la question : «Les vignes du Vully vont-elles disparaître?» En 1981, à Bellerive, un syndicat de remaniement parcellaire dit des Rintzes réunit une soixantaine de propriétaires pour une douzaine d’hectares de vignes. Son devoir accompli en 1986, le syndicat fut dissous il y a tout juste vingt ans. Mais le Vully, à cause du grand gel, avait eu très chaud…
Aujourd’hui, malgré la pression de la périurbanisation, personne ne parle d’arracher des vignes, depuis le milieu des années 1980. Au contraire, les jeunes n’hésitent pas à aller étudier à Marcelin, comme Romain Hurni, 24 ans, qui seconde son père sur le domaine des Chenevières (1,5 ha), entre Cotterd et Vallamand-Dessus, cultivé depuis quatre ans en biodynamie. Ou Mary-Christine Christinat, 25 ans, de Chabrey, diplômée HES en œnologie, en poste chez un encaveur de Salquenen. Son père, Georges-Henri, la verrait bien revenir sur le domaine familial d’un peu plus d’un hectare à la Côte-aux-Moines, plantée en vignes depuis le 14ème siècle par l’abbaye d’Hauterive—Neuchâtel. On y trouve désormais du gamaret, du garanoir, du galotta et bientôt du mara (C 41)… Et même quelques abricotiers. Presqu’un coin de Valais que ne dédaignerait pas l’évêque de Sion.
                                    

L’AOC Vully en bref
Surface de l’AOC : 49 ha, soit la plus petite AOC vaudoise.
(Seuls les grands crus cadastrés Calamin (16 ha) et le Dézaley-Marsens (4 ha) sont plus exigus.)
Altitude des vignes
Entre 430 et 550 m. d’altitude.
Précipitations moyennes
995 mm d’eau/an
Ensoleillement
1600 h./an
L’aire viticole de l’AOC
L’AOC Vully s’étend sur les communes de Bellerive (17 ha), Vallamand (10,5 ha), Constantine (9 ha), Mur (7,6 ha), Montmagny (3 ha), Chabrey (2 ha) et quelques ceps à Villars-le-Grand (sur 390 m2!).
Le terroir (les sols)
L’originalité du Vully réside dans son son sous-sol : 99% sont constitués par de la molasse dite d’eau douce, cas unique en pays de Vaud. Ce produit de l’érosion des reliefs jeunes, au moment de la création des chaînes de montagne, confère donc une belle typicité aux vins de la région.
Cette molasse a été déposée il y a 20 millions d’années. Elle prend une texture et des couleurs bariolées (jaune, gris, bleuté) que les vignerons appellent «rocher de chien». Il occupe une majorité des surfaces, notamment en pentes fortes (40% en moyenne). Le reste est constitué de molasse marneuse rougeâtre. Ce «rocher de chien», qui se débite en plaques obliques, est favorable à la bonne pénétration racinaire. 95% des sols du Vully ne sont pas soumis à des excès d’eau.
(Source : Etude des terroirs viticoles vaudois, Prométerre, août 2004)
Encépagement
Le Vully compte 25 ha de blanc (51%) et 24 ha de rouge.
Cépages blancs
Chasselas                        21 ha (42,3%)
Pinot gris                           1,5 ha (3,2%)
Chardonnay                       0,76 ha (1,5%)
Riesling X Sylvaner             0,39 ha (0,79%)
Charmont                          0,35 ha (0,70%)
Gewurztraminer                 0,34 ha (0,68%)
Pinot blanc                         0,23 ha (0,46%)
Viognier                             0,15 ha (0,30%)
Cépages rouges
Pinot noir                        16,6 ha (33,3%)
Gamay                              3,2 ha (6,45%)
Gamaret                            1,4 ha (2,87%)
Garanoir                            1,2 ha (2,5%)
Diolinoir                             0,4 ha (0,8%)
Merlot                                0,3 ha (0,6%)

Le rouge progresse
L’évolution de l’encépagement est intéressante: en 15 ans (1993-2008), la surface de chasselas a diminué de 4,5 ha (– 17,6% ; moyenne vaudoise, – 12,5%), au profit du pinot noir (+ 5,1 ha, soit + 44%) et du gamay (+ 1 ha, + 45,5%), alors qu’en moyenne vaudoise, la surface de pinot noir a cru de 17% et celle de gamay diminué de 20%. Gamaret et garanoir sont passés de 0,2 ha à 2,6 ha. L’augmentation de pinot gris (+ 1 ha) et de chardonnay (+ 0,5 ha) est significative, comme la diminution du riesling X sylvaner (– 0,2 ha,— 33%).
(Source : Registre cantonal des vignes, novembre 2008)
Quantités et producteurs
Le Vully dans son ensemble compte une vingtaine de vignerons-encaveurs pour une centaine de viticulteurs, dont certains sont aussi paysans ou maraîchers.
Au Vully vaudois, une douzaine de caves, dont quelques unes font suivre leur vinification par des collègues. Les achats de vendange, et partant les échanges entre les deux parties (Vaud et Fribourg), sont importants, en l’absence d’une coopérative.
En 2008, la vendange encavée (uniquement catégorie 1) par les viticulteurs vaudois représente 342'000 litres, soit 16'000 litres de plus qu’en 2007 (petite récolte en chasselas et en pinot noir). Le chasselas représente 158'000 litres, le pinot noir, 109'000 litres (soit 78% de la production par ces deux cépages), le gamay, 24'000 litres, gamaret et garanoir, 19'000 litres, pinot gris, 9'800 litres et chardonnay, 6'000 litres.
Dans la récolte 2008, le Vully pèse proportionnellement moins que son vignoble : 1,16% de la vendange vaudoise pour 1,3% de surface cantonale. Les sondages sont légèrement inférieurs à la moyenne cantonale: chasselas, 69° Oechslé (72°), pinot noir, 84°7 (89°2), pinot gris, 82°5 (90°2), chardonnay 86°4 (88°1), gamaret 83,6° (88°), garanoir 81° (86°), merlot 81° (91°), gewurztraminer 85° (93°5).
(Sources: Contrôle officiel de la vendange 2007 et 2008)

Les sentiers viticoles
Trois parcours viticoles balisés et jalonnés de panneaux didactiques ont été tracés dans le Vully. A Constantine, on peut prendre le «chemin chasselas» dans un paysage  mêlant vignes, champs et forêts. Le «chemin pinot noir» conduit du spectaculaire ensemble architectural de Cotterd (église et maisons de maître) à Vallamand Dessous, en passant par Vallamand-Dessus. Le troisième, sous le nom de La Riviera, est fribourgeois et part de Môtier, siège de la commune de Haut-Vully (FR). Il conduit de Lugnorre à Sugiez. Et il vaut la peine de pousser jusqu’au Mont-Vully (653 m. d’altitude). Par beau temps, on comprend, en balayant l’horizon à 360°, ce que représente la région des Trois-Lacs.

La recette du gâteau du Vully
La spécialité n’est pas sans rappeler le «totché» des Franches-Montagnes : un gâteau moelleux à la crème. La boulangerie de Salavaux, tél. 026 677 12 66, ouverte tous les jours, sauf le lundi, en propose de diverses grandeurs.
La recette de Marianne Gentizon, de Constantine
Ingrédients :
1 kg de farine
1 cube de levain
1 c. à soupe de sel
7,5 dl de lait
160 g. de beurre
Bien mélanger les ingrédients et pétrir. Laisser doubler la pâte au chaud, puis l’étendre (un centimètre d’épaisseur) sur des plaques à gâteau. Attendre une demi-heure environ, ranger les bords pour que la crème ne coule pas, puis garnir, pour la version au beurre, de crème, de beurre et de sucre ; pour la version salée, de crème, de sel, de cumin, de lardons et de quelques flocons de beurre. Glisser le gâteau dans le four préchauffé à 280° et le cuire entre 6 et 7 minutes.

Vaudois et Fribourgeois
Des vignerons condamnés à s’entendre
Le caveau de dégustation du Vully campe dans l’ancienne douane de Guévaux, entre Vallamand-Dessous et Môtier, sur la route du lac. Tout un symbole ! Au plus haut niveau de la Communauté interprofessionnelle du vin vaudois (CIVV), on estime que le sort des vignerons vaudois du Vully est lié à celui des Fribourgeois, le vignoble de 152 hectares se répartissant en un tiers-deux tiers.
Pour Frédéric Rothen, à l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG), Berne a demandé aux cantons, compétents en la matière, de mettre à jour leurs appellations d’origine contrôlée (AOC) pour le 1er juin 2009. Le Vully a déjà une seule AOC, pour le consommateur, même si celle-ci obéit à deux législations cantonales. «S’il y a deux Vullys identiques, il ne devrait y avoir qu’un seul règlement fixant les cépages autorisés, les quotas de production et les minimas de richesse en sucre. L’idéal serait que les vignerons forment une seule AOC, avec un règlement commun.»
Aujourd’hui, les différences portent sur les quotas, exprimés en litres du côté vaudois (une exception suisse, faut-il le rappeler…) et en kilos du côté fribourgeois, et sur le prix de la vendange, qui joue un rôle, puisque le Vully est la seule région vaudoise sans coopérative. En principe, les degrés Oechslé sont repris de part et d’autre. Le cadastre viticole est encore ouvert du côté vaudois, mais pas fribourgeois soumis à une forte pression des zones constructibles.
Les Vaudois cotisent, en vertu de leur loi cantonale, au fond commun qui soutient l’Office des vins vaudois, tandis que les Fribourgeois ont mis en place leur propre fond de promotion (alimenté par 2 centimes par kilo de raisin et 2 ct par m2). Sa commission est présidée par Christian Vessaz, à la tête du Cru de l’Hôpital, domaine de la Bourgeoisie de Morat, à Môtier. Le plus Vaudois des Fribourgeois : natif de Chabrey (VD) et fils du fidèle employé de Daniel Matthey, à Vallamand-Dessus (VD). A 31 ans, il estime que la jeune génération est prête à s’entendre sur un Vully commun, même s’il admet des différences, tel un terroir plus favorable aux cépages rouges sur sol vaudois, et aux blancs (comme le traminer, le freisamer/freiburger ou le sauvignon), sur les coteaux fribourgeois. S’il craint que la future définition vaudoise des «grands crus» ne permette pas de profiler un ou des cépages typiques du Vully, plutôt qu’un lieu géographique, le jeune œnologue organise déjà chaque printemps une dégustation technique commune des vins nouveaux, avec l’appui de la Station d’Auvernier (NE) et de Prométerre. Et Vullyssima, réunit depuis quelques années les vignerons de tout le Vully, donc des deux cantons — le samedi 2 mai 2009, sur des bateaux à Morat.

Historiquement rapiécé
S’il le voyait telle une «étoffe rapiécée», Gonzague de Reynold n’avait pas tort historiquement: le Vully est marqué par une évolution mouvementée.
Il y eut d’abord les Romains qui y transitèrent du nord au sud, sur la route d’Avenches. Les Helvètes établirent sur le mont même un oppidum, entre 130 et 58 avant Jésus-Christ. Avant qu’il soit déplacé à Lausanne, le siège de l’évêché était à Avenches. Mais dès le VI ème siècle, l’évêque de Sion «s’est trouvé en maître et seigneur de la majeure partie de l’actuel Vully vaudois», explique l’historien Gilbert Marion.
Au niveau politique, le partage est constant. Pierre de Savoie rachète les droits de l’évêque de Sion, «le plus ancien seigneur connu dans le Vully», en 1246, tandis que le comte de Neuchâtel détient la seigneurie de Lugnorre.
Sort lié à la bataille de Morat
Evènement majeur pour le Vully : à la bataille de Morat, le 22 juin 1476, les Confédérés battent Charles le Téméraire et sa mise en déroute cause près de 12'000 morts. Le roi de France, adversaire du Téméraire durant ces «guerres de Bourgogne», donne alors l’actuel pays de Vaud aux Bernois. Mais le Vully connaît un régime de «balliage commun», malgré l’arrivée du protestanisme — en 1530, Guillaume Farel prêche la Réforme à Môtier — et la «contre-Réforme», qui institua le catholicisme religion d’Etat à Fribourg. Un bailli bernois réside alors en permanence à Avenches, un autre en alternance avec un Fribourgeois, à Morat. Et selon Marion, pour éviter «un anachronisme», il faudrait parler d’un «Vully avenchois» et d’un autre «moratois»… En 1798, ce dernier est attribué à Fribourg, «bien que les habitants de la région aient préféré être rattachés au canton de Berne», lit-on sur le site Internet de la commune de Haut-Vully. A noter qu’aujourd’hui, les deux communes fribourgeoises du Vully sont à proportion francophone inverse du district du Lac (chef-lieu Morat) aux deux tiers germanophone.
Remodelé en 1803
Pour la définition du nouveau canton de Vaud, il faudra attendre 1803, après le tumulte de la République helvétique (1798-1802), et ses combats à Faoug et Salavaux. Gilbert Marion rappelle que l’Abbaye de Vignerons fut, au XVIIIème siècle prospère, «la première vraie institution locale qui unit tout le Vully avenchois». Elle rassemblait les propriétaires de vignes de toutes les communes de la châtellenie de Cudrefin et de la seigneurie de Bellerive.
En route pour Vully-les-Lacs
Aujourd’hui, côté fribourgeois, il n’y a que deux communes politiques, le Haut et le Bas-Vully. La première (1300 habitants) regroupe cinq villages, dont Môtier, son siège, Lugnorre, Mur, Joressens et Sur le Mont. La seconde (2000 habitants), trois, Sugiez, Nant et Praz-Chaumont. Les huit communes vaudoises (Bellerive, Chabrey, Constantine, Cudrefin, Montmagny, Mur, Vallamand, et Villars-le-Grand, soit 3000 habitants) devraient fusionner en une seule, Vully-les-Lacs. Le 22 janvier 2009, les législatifs communaux ont voté favorablement, sauf Cudrefin qui, à elle seule, représente un tiers des habitants. La fusion pourrait néanmoins être relancée à sept communes, pour 2011.

Paru dans Le Guillon du printemps-été 2009.