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Posted on 19 janvier 2012 in Vins suisses

Neuchâtel: un non-filtré 2011 très féminin

Neuchâtel: un non-filtré 2011 très féminin

Le 2011 est sorti des caves neuchâteloises

Un non-filtré très… féminin

On peut abhorrer le qualificatif «féminin» ou «masculin» accolé à un vin. Le fait est que, mardi dernier, elles étaient quatre femmes à présenter le chasselas non-filtré de Neuchâtel, à Boudry. Selon elles, 2011 se présente «très tendre et rond».
Par Pierre Thomas
C’est le premier vin suisse mis sur le marché. Le premier 2011 donc, sorti de cave un peu moins de trois mois après le beaujolais nouveau. Remis au goût du jour par les encaveurs neuchâtelois, il y a une quinzaine d’années, ce vin blanc «trouble» a été cadré par le Conseil d’Etat. Interdiction de le commercialiser avant le troisième mercredi de janvier. Et uniquement à partir de chasselas. Le reste est libre…

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Un quatuor féminin pour chanter les vertus du non-filtré: de g. à dr., Chantal Ritter, artisane de la vigne et du vin au Landeron, Jeanine Schaer, maître caviste à Boudry, Verena Lüthi, restauratrice au Mont-Cornut et Edmée Rembault-Necker, directrice de l’Office des vins et des produits du terroir de Neuchâtel (OVPT). (Guillaume Perret/OVPT)

Du brouillard sous verre

Par définition, ce premier vin est le reflet du millésime sortant. Chantal Ritter-Cochand, du Landeron, en a rappelé les caractéristiques : à part un mois de juillet froid et pluvieux, un printemps chaud et sec, comme l’automne, où la bise a amené un peu de fraîcheur aux vendanges, commencées très tôt, le 6 septembre. Il en résulte des vins souples.
Maître caviste de la Cave des Coteaux, qui a repris il y a dix ans la maison Châtenay-Bouvier, à Boudry, Jeanine Schaer a révélé les secrets du non-filtré: ils sont relatifs, puisque la vinification reste traditionnelle, avec une deuxième fermentation (malolactique), même en année tendre. Et puis, «comme les anciens», on laisse le vin blanc se décanter au froid, sur ses lies fines, aux vertus antioxydatives. Avant de le boire, il suffit de «tirer le clair», sans filtration, qui garde ainsi ses «fines lies». Et l’œnologue de rappeler cette définition d’un Neuchâtelois du Hau : «Ceux du Bas aiment à ce point le brouillard qu’ils le mettent en bouteille».
On ajoutera que, pour garantir l’effet, il faut renverser deux ou trois fois la bouteille… avant de l’ouvrir. Et on regrettera qu’en mettant le non-filtré dans les bouteilles traditionnelles à bague neuchâteloises, il est impossible d’utiliser une capsule pour l’obturer. Mais une bouteille de non-filtré ne fait pas de vieux os: on le consomme à l’apéritif. La responsable de l’Office des vins et produits du terroir neuchâtelois, Edmée Rembault-Necker, avait appelé à la barre une restauratrice du Haut, Verena Lüthi, de l’auberge du Mont-Cornu, entre la Vue-des-Alpes et La Chaux-de-Fonds: «Le non-filtré est vraiment devenu une tradition. Au début, il fallait le vendre  maintenant, ce sont les clients qui en redemandent! Il est parfait à l’apéritif, sur des tapas, des poissons, des crustacés, les fromages frais.»

Printanier, mais apte à vieillir

Et sur la fondue, une des spécialités de ce restaurant de montagne réputé? La patronne pose elle-même la question avant de répondre: «Il ne faut pas le mettre à toutes les sauces. On le boit tôt dans la saison, mais c’est dommage car il se garde mieux que le chasselas filtré!» Parfaitement exact, même si le non-filtré reste une «spécialité» printanière. Il ne représente que 8% (un peu plus de 110’000 litres) du chasselas encavé en 2011 dans le canton de Neuchâtel. Et il est bu à raison de 59% dans sa région de production, sur le Littoral, à 19% dans le reste du canton, à 14% en Suisse alémanique et à 8% — seulement! — en Suisse romande. Des chiffres qui ont peu varié ces dernières années.

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Un léger brouillard dans les verres, capturé par le photographe Guillaume Perret (© OVPT).

Les cafetiers, restaurateurs et grossistes en écoulent 57%, les privés en boivent 43% à la maison. Ils se précipitent auparavant en masse le déguster à l’Hôtel de Ville de Neuchâtel le troisième mercredi de janvier et, le lendemain (ce soir jeudi, dès 16 h. 30), au Théâtre de La Chaux-de-Fonds. Ne serait-ce que pour vérifier que tous ces vins sont différents. On a pu s’en convaincre, verre en main, à Boudry: souple et tendre pour celui de la Cave des Coteaux, gras et puissant pour celui de Châtenay-Bouvier et vif, aux arômes primesautiers de levures, pour celui de Chantal Ritter. Autant de producteurs (et trices) que de styles!
Paru dans Hôtel Revue le 18 janvier 2012.