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Posted on 11 novembre 2009 in Vins suisses

ARVINE en gothique ou en capitales?

ARVINE en gothique ou en capitales?

Arvine
En gothique ou en capitales?

Comme tous les deux ans, la manifestation Arvine en Capitales, organisée par les encaveurs de Fully (VS), aura lieu les 20 et 21 novembre. Mais la «petite» arvine doit-elle vieillir ? Essai de réponse.

Par Pierre Thomas

«A la recherche du temps perdu» renvoie davantage à la boulangerie (la fameuse madeleine de Proust) qu’aux nectars. Souvent, pourtant, le titre proustien rappelle au dégustateur qu’il aurait mieux fait de boire plus tôt la bouteille qu’il vient d’ouvrir après un long sommeil en cave… A l’inverse, tout vigneron s’ingénie à approcher de l’éternité au fond d’un lointain flacon. Ainsi, courageusement, les vignerons de Fully ont tenté, récemment, la démonstration. En petit comité, parmi une soixantaine de vins, ils avaient sélectionné vingt petites arvines d’autant de millésimes, qu’ils ont fait déguster à un parterre de journalistes.

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Vingt millésimes de petite arvine alignés à Fully…

Des mi-flétris étonnants
Ces vins blancs se répartissaient en trois catégories : les réputés secs, les mi-flétris et les surmaturés. Premier constat : chaque type réagit différemment. Les vins liquoreux, bien représentés par Benoît Dorsaz et Marie-Thérèse Chappaz, tiennent dans le temps, c’est sûr. Le botrytis, supplément d’âme des grains nobles, comme l’élevage en bois, s’il est bien mené, ne gomment pas totalement le cépage, reconnaissable en filigrane.
Les mi-flétris sont d’une classe à part : ils renvoient à un temps d’avant la Charte Grain Noble ConfidenCiel, où, selon le climat automnal, les vignerons se permettaient d’attendre. Exhausteur d’arômes, la douceur arrondit les angles, même avec une acidité bien présente, rappelant les rieslings allemands. Mais de tels exemples sont rares. La sucrosité est plus souvent le fait de petites arvines à mi-chemin, hésitant entre le sec et le doux… Car même pour un vin sec, a rappelé le vigneron Gérard Dorsaz, «on laisse cailler (flétrir) le raisin pour libérer les arômes», quitte à renoncer à la fermentation malolactique, pour garder de l’acidité. Ni vin liquoreux, ni vin sec, le vin demi-doux est difficile à placer : en apéritif, il fatigue le palais, à table, à part sur des mets d’inspiration asiatique — et encore… — il n’est guère apprécié.
Cinq ans de plénitude
Sommeliers et consommateurs préfèrent donc la petite arvine sèche. A Fully, explique Benoît Dorsaz, le terroir et sa composante dominante, le sous-sol fait ici de gneiss et de loess, qui confère la «minéralité» au vin, donnent des vins élégants. Soit ! Mais quels sont les qualificatifs qui caractérisent la petite arvine ? Sur des vins jeunes, le nez explosif, floral ou évoquant déjà les saveurs, persistantes en bouche, de rhubarbe, de pamplemousse, de citron vert, la vivacité à l’attaque, mais en finale aussi, soulignée par une note saline, et le volume, sont autant de qualités. Et que perçoit-on au vieillissement ? La vivacité, bien intégrée dans un vin jeune, se transforme souvent en amertume. Au-delà de quatre à cinq ans, la petite arvine mue, hésite, sans trouver le timbre juste : «Celle-ci paraît ou bien jeune, ou bien trop vieille», a lâché le «pape» des vins valaisans Dominique Fornage à propos d’une 2000.
Un vin définitivement moderne
Mais pourquoi mésestimer un grand vin blanc qu’on apprécierait dans sa jeunesse et sa force de l’âge (jusqu’à cinq ans) ? Bue sur ses arômes primesautiers, elle incite à gérer une cave en flux tendu : précisément, hôteliers et restaurateurs ne veulent plus investir dans un «trésor de guerre» aléatoire. Et les clients réclament, souvent, des vins jeunes.
Moderne sous ces deux aspetcs, l’arvine est plus proche du sauvignon — le blanc fétiche de la fin du 20ème siècle —, avec qui elle partage des molécules, les thiols, que du riesling, dont la capacité de s’améliorer dans le temps est reconnue. Souvent plus corsée que le viognier (parfumé et pfuit…), elle rejoint les grands cépages blancs, comme le torrontès de l’altiplano argentin (le «vrai», qui n’est pas muscaté) ou le remarquable assyrtiko, né dans les terres volcaniques de l’île grecque de Santorin. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller le vérifier, verre à la main, à Fully…

Voir aussi la vidéo de l’émission de Paul Vetter sur Canal 9, la télé locale valaisanne.

A Fully, vendredi 20 et samedi 21.11.09

Des dégustations plus à l’aise

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Le vigneron Benoît Dorsaz explique la géologie propre à Fully, et la rencontre des plaques des Alpes et du Mont-Blanc.

Pour sa sixième édition, Arvine en Capitales quitte la Belle Usine, où l’on devait jouer des coudes, pour la nouvelle salle polyvalente de Fully, à l’entrée du bourg, facile d’accès en train, puis en bus, de Martigny. Dix-sept producteurs présentent leurs petites arvines, sous toutes les formes et sur plusieurs millésimes. En complément, dégustation de vins surmaturés et des autres vins labellisés Fully Grand Cru (fendant, ermitage et gamay). Trois ateliers de dégustation, sur le thème du potentiel de vieillissement du blanc valaisan le plus prometteur, sont animés par Marie Linder, le vendredi 20 novembre à 17 h 30 (l’exposition s’ouvre à 15 h et ferme à 19 h 30), puis le samedi 21, à 12 et 15 h (ouverture de 10 h à 18 h). Dominique Fornage et le sommelier Christian Martray, les deux jours, présentent des accords mets et vins à l’Hôtel-restaurant de Fully, où le chef Raymond Gsponer sert une cuisine suivant habilement les saisons.
Programme détaillé à télécharger sur www.fullygrandcru.ch

Paru dans Hôtel Revue du 19 novembre 2009.