Portugal: un itinéraire dans l’Alentejo
Un outre-Tage «new age»
Par Pierre Thomas, de retour d’Evora
Tout beau, tout neuf! L’été passé, un magnifique hôtel s’est ouvert à 100 km de l’aéroport de Lisbonne. Dessiné par le célèbre architecte brésilien Marco Kogan, le L’and Vineyards, à Montemor-o-Novo, est plus qu’une résidence: un véritable concept autour du vin et de la vinothérapie (www.l-andvineyards.com/pt/). La moitié de ses 22 suites, conçue en pierre et en bois de la région, ont un toit qui s’ouvre, permettant de dormir à la belle étoile. Et le ciel de l’Alentejo ajoute à l’immensité de la région et à son horizon plat. Brûlé par le soleil, le paysage alterne arbres et prairies, grandes cultures et vignobles. Aux chênes-liège — le Portugal est le principal producteur mondial de bouchons… — succèdent les eucalyptus.
Sans passer par Lisbonne
On peut gagner l’outre-Tage (traduction littérale d’Alentejo) en s’épargnant la visite de Lisbonne. Dommage, bien sûr, tant la «ville blanche», décor de cinéma cher à Wim Wenders et à Alain Tanner, est envoûtante. On peut filer de l’aéroport international (relié à Genève par vols directs) dans l’arrière-pays, après avoir franchi le Tage et sa lagune sur l’impressionnant pont Vasco de Gama. Les hôteliers viennent chercher leurs hôtes à l’aéroport.
Evora n’est qu’à une heure et demie de route (et de train, modernisé). C’est la capitale de l’Alentejo. Une ville aux ruelles de maisons basses, crépie à la chaux, aux encadrements de granit et aux sous-bassements peints en ocre — plus on va vers la mer, plus cette décoration vire au bleu. Une bonne vingtaine d’hôtels accueillent les touristes dans cette cité d’à peine 40’000 habitants. Classée au Patrimoine mondial de l’Unesco en 1986, la même année que l’entrée du Portugal dans l’Union Européenne, elle enserre, dans ses remparts intactes, monuments et restaurants. Certains réinterprètent la riche cuisine locale. On ne le sait pas en Suisse, mais le Portugal a formé des volées de jeunes chefs de cuisine qui ont, par exemple, du succès à Londres!
Projet pharaonique à Aquelva
Au sud d’Evora, près de Reguengos de Monsaraz et du lac artificiel d’Aquelva, le domaine d’Esporâo déroule son tapis de vigne (450 hectares d’un seul tenant). Ce printemps, un restaurant gastro-pano-ramique s’ouvre sur ce paysage, juste à côté de la «winery». Le golf reçoit ses premiers joueurs d’ici Pâques. Ensuite s’ouvriront «dans l’ancien domaine de chasse de l’avant-dernier roi du Portugal, Charles 1er, une centaine de chambres. Elles sont réparties dans une dizaine de bâtiments bien séparés les uns des autres, sur le modèle du L’And Vineyards», explique Maria Salgado. De la famille propriétaire de la Banco Espirito Santo, cette mère de trois filles, parle un français parfait, appris lors de son stage au Lausanne-Palace. Epouse d’un des fils Roquette, elle est en charge de l’œnotourisme. Déjà, plus de 15’000 personnes font le déplacement en rase campagne pour visiter le domaine viticole, planté en 1973.
La famille Roquette a présenté un gigantesque plan d’aménagement, le Parc Aquelva, où, en 2008, elle envisageait d’investir près d’un milliard d’euros dans la construction de 2’800 chambres sur plus de 2’000 hectares. Un projet pharaonique, destiné à drainer des touristes des îles britanniques et de Scandinavie. Reste à savoir si la crise européenne, dont le Portugal souffre de plein fouet, permettra de concrétiser ces grandes ambitions.
Grand luxe à taille humaine
Grâce à l’espace, le luxe reste à taille humaine… Près de Beja, la deuxième ville de l’Alentejo, sur la route de l’Algarve, où elle possède une chaîne de magasins de vins, la famille Soares a aménagé une «boutique winery», Malhadinha Nova. «Quand on fait venir les gens ici, on aimerait qu’ils passent un week-end prolongé, voire davantage, et s’imprègnent du lieu…», explique Joao Soares, dans un français appris au lycée à Paris. Ballade à cheval, sports, piscine, spa : tout est prévu pour accueillir des hôtes exigeants. Devant tant de munificence, on voudrait traduire dans les faits ce grafiti de «Lisbonne Story», de Wim Wenders: «Si je pouvais être tous les hommes à tous les endroits».
Nos adresses
Charme à l’ancienne
A Evora, en face du temple de Diane et ses colonnades romaines en granit, la «pousada». Dès 1940, sous la dictature de Salazar, le gouvernement a logé des hôtels dans des châteaux et d’anciens couvents. Ce réseau a été privatisé et une partie cédée au groupe Pestana Tourismo. Lourdes tentures, meubles patinés par le temps : les romantiques adorent. Compter 100 à 250 euros la chambre (comme pour toutes ces adresses).
www.pousadas.pt
Golf et grands espaces
Les installations (golf, restaurant, résidences de luxe) ouvrent ce printemps, par étapes. D’ores et déjà, l’hôtel «design» vise une clientèle planétaire : il a signé un accord avec le groupe Alila, de Singapour. Cette chaîne exploite des hôtels en Asie, à Bali et en Indonésie, et dans les émirats arabes. L’Alentejo est sa première destination européenne. Grand luxe feutré assuré.
www.alilahotel.com et www.designhotels.com
Chevaux au calme
Amiance lounge et spa… Choyés par la famille Soares, on peut apprendre à faire la cuisine, manger au restaurant, annexe de la cave, et surtout déguster des vins produits sur place. Les crus visent le haut de gamme, sous la conduite de l’œnologue-conseil Luis Duarte. Un ancien d’Esporào qui, aujourd’hui, dirige le domaine Grous (photos de cette page, ©pierre thomas)
www.malhadinhanova.pt
Sur la route de l’Algarve
Près de Beja, un hôtel, un restaurant et une cave se partagent une petite partie des 700 hectares où paissent les bœufs de la race «alentejana» et les porcs «patanegra». La viande des premiers s’en ira rassasier les touristes du groupe hôtelier fondé en Algarve par le même propriétaire, un richissime allemand de Francfort. Le meilleur du cochon finit en jambon… espagnol.
www.herdadedosgrous.com
Des vins riches et solaires
V.O. de l’article paru le 4 février 2012 dans le supplément «encore!» du Matin-Dimanche.