Pages Menu
Categories Menu

Posted on 28 janvier 2010 in Vins français

Bourgogne: les 20 ans de vinif’ de Jean-Nicolas Méo

Bourgogne: les 20 ans de vinif’ de Jean-Nicolas Méo

Domaine Méo-Camuzet, Vosne-Romanée

La continuité bourguignonne

La Bourgogne exerce toujours de fascination chez les amateurs de vins. A condition de viser l’excellence. Chez les Méo, père et fils, cela dure depuis cinquante ans. En exclusivité à la fin de ce texte, le compte rendu d’une dégustation pour les vingt ans de l’arrivée au domaine de Jean-Nicolas Méo.
A noter le remarquable dossier consacré au Clos de Vougeot (avec le plan de toutes les parcelles) par le magazine Bourgogne Aujourd’hui, modèle de magazine sur le vin bien fait).

En prime, sur le site de Méo-Camuzet, une rétrospective de la journée anniversaire du 12 novembre 2009.
Par Pierre Thomas

meo_pts.jpg

Au Château du Clos de Vougeot, le 12 novembre 2009, Jean-Nicolas Méo sert Pierre Thomas, avec, à gauche, Gianni Fabrizio, du Gambero Rosso et la main sur le visage, Christophe Tupinier, de Bourgogne Aujourd’hui.

Le bail paraît ténu, dans une région qui se réclame de près de mille ans de tradition, quand les moines de l’abbaye de Cîteaux plantèrent, les premiers, le Clos de Vougeot. A travers Jean Méo et son fils Jean-Nicolas, toute l’histoire de la Bourgogne s’incarne. Pour la résumer, rien de plus élémentaire qu’une dégustation au château du Clos de Vougeot. C’était en novembre dernier, juste avant la soirée du Tastevinage, qui est à la Bourgogne ce que les Ressats de la Confrérie du Guillon, au Château de Chillon, sont au vignoble vaudois.
Un glorieux héritage
On aurait pu y voir, sous les poutres ancestrales, un rendez-vous «people» et tape-à-l’œil. Pourtant, l’histoire du Domaine Méo-Camuzet est écrite dans (et sous) ces murs. Etienne Camuzet, au début du XXème siècle, constitua son domaine, parcelle par parcelle, en Côte de Nuits. Il fut aussi le dernier propriétaire du château du Clos de Vougeot, qu’il céda à la Confrérie des Chevaliers du Tastevin en 1944. Sa fille, quand elle mourut en 1959, confia les vignes à son plus proche parent, Jean Méo. Si Etienne Camuzet fut député de la Côte-d’Or durant trente ans, Jean Méo était alors un grand commis de l’Etat auprès de Charles de Gaulle. Ce qui valut au Général, chaque Noël, une caisse des meilleurs crus du domaine.
Mais Paris est bien loin des vignes… Quand elle lui céda le domaine, la fille d’Etienne Camuzet veilla à ce que les métayers continuent à travailler la vigne. Leur salaire, comme pour les vignerons-tâcherons vaudois, est payé en nature, par une demi vendange. Parmi ces métayers, Henri Jayer, s’imposa comme un des plus subtils vinificateurs bourguignons. Il veillait sur le Richebourg, le Vosne Les Brûlées, le Cros Parantoux et le Nuits Murgers, des «climats», comme on les nomme ici, qui ont fait la réputation à la fois d’Henri Jayer, jusqu’à sa mort en septembre 2006, à 84 ans, et de Méo-Camuzet.

meo_jayer.jpg

Si les vins étaient élaborés sur place, ils étaient d’abord cédés en fûts au négoce de Beaune. La vente au domaine ne débuta qu’en 1985. Mais ce fut le choix de Jean-Nicolas de revenir à la cave, à 25 ans, après des études de commerce aux Etats-Unis, qui marqua l’essor de Méo-Camuzet, il y a vingt ans. Au contact d’Henri Jayer, le jeune homme (image ci-dessus) a appris à vinifier et à continuer l’œuvre de son aîné. «J’ai eu la chance de débuter au moment d’un nouvel âge d’or pour la Bourgogne», confie-t-il.
Le pinot noir en majesté
Longtemps, le domaine n’a produit que du pinot noir, de plants fins, sélectionnés sur place. On sait toute la difficulté à mettre en valeur ce délicat cépage. La vinification n’a guère changé. La maturité du raisin, éraflé, est primordiale, comme la maîtrise des températures. Ce contrôle s’exerce de la macération préfermentaire à froid, pour extraire les arômes du raisin, jusqu’à la fin de la fermentation alcoolique, dans des cuves en béton aux propriétés isothermiques. Ensuite, l’élevage se poursuit en barriques… Depuis 1988, aucun vin n’est filtré à la mise en bouteilles. A l’exception d’un bourgogne générique, issu d’une activité de négoce, aucun assemblage. Chaque «climat» est vinifié séparément. Et quand on glisse à Jean-Nicolas Méo, après une dégustation d’une dizaine de crus sur vingt millésimes, qu’il devrait commercialiser ses vins à leur apogée, après quelques années de cave, il répond : «Nous ne le faisons pas. Mais je vais m’y mettre. Dix pour cent à réserver chaque année, c’est trop ; cinq pour cent, cela me paraît bien.» Soit 60 bouteilles exactement de ce Richebourg, vin culte, précieux et (presque) inatteignable.

Trois coups de cœur

Clos Saint-Philibert 2007
28 fr. 50

Premier blanc du domaine, ce chardonnay des Côtes de Nuits est issu d’un monopole, de 3 ha et demi, situé à mi-hauteur. Le bouquet est fruité, légèrement citronné ; en bouche, belle dynamique et une finale minérale, typée du calcaire bourguignon.

Vosne-Romanée 2007
66 fr.

Aux trois quarts, ce Village provient d’une parcelle d’un hectare, au lieu-dit Les Barraux. Beau volume, grande densité, sur des notes de fruits noirs et d’épices. Cette profondeur le rapproche de ses voisins directs, le 1er Cru Cros Parantoux et le Grand Cru Richebourg.

Clos de Vougeot 2007
178 fr. 50

Pas moins de 3 ha d’un seul tenant, sous les fenêtres du château, donnent un vin d’une magnifique élégance, fleurant les roses rouges et la minéralité. En bouche, l’unité de la texture frappe ; la finale est soyeuse et la persistance, longue. Un grand Clos Vougeot !

Fiche technique
Le domaine www.meo-camuzet.com totalise 17 ha en propriété en Bourgogne, et produit 80’000 bouteilles par an. Les vins sont importés en Suisse par Jean Solis, info@jeansolis.ch, qui dispose à son catalogue d’une gamme de 25 vins, de 28,50 fr. (Clos Saint-Philibert) à 450 fr. (Richebourg), la bouteille

Mini-dossier paru dans le quotidien 24 Heures, de Lausanne, le 29 janvier 2010.

Les vins dégustés au Clos de Vougeot

Le 12 novembre 2009, extraordinaire (au sens propre) dégustation dans une des salles majestueuse du Château du Clos-de-Vougeot (ci-dessous), réservée à la presse internationale : bruyante tablée anglo-saxonne et américaine, vibrionnante tablée parisienne et très sage tablée du reste du monde, la Bourgogne (avec Christophe Tupinier, de Bourgogne Aujourd’hui), l’Italie et le seul Suisse convié à l’événement… Entre climats, premiers crus et grands crus, et millésimes plus ou moins bien cotés officiellement, un voyage en zig-zag dans la Bourgogne : chaque vin affiche ses différences, bien marquées. Voici les meilleures notes :

20070902trv_france_vougeot_500.jpg
Vosnes Romanée 1er Cru Les Brûlées 2008
Nez très expressif, floral, de violette, note de créosote ; attaque ample, matière souple, finale sur le caramel (élevage en cours, 100% fûts neufs). ***
Clos de Vougeot 2008
Nez empyreumatique, note de fruit noir, de cassis bien mûr ; belle puissance, ferme ; bonne structure. **(*)
Richebourg 2008
Nez de fruits rouges ; un peu plus de tout que le précédent : plus de bois, plus de structure (encore stricte), plus d’acidité. Un vin encore «froid». **(*)
Nuits-Saint-Georges 1er Cru Aux Meurgets 2006
Nez complexe, notes de cerise confite, de biscuit ; belle attaque, qui confirme la cerise, voire la griotte ; très expressif et ouvert. ***
Nuits-Saint-Georges 1er Cru Aux Meurgets 1997
Nez de graphite, mine de crayon, très minéral, trace de fumée ; bouche fraîche et dynamique, avec un retour sur les fruits rouges en finale ; bon soutien acide. **
Nuits-Saint-Georges 1er Cru Aux Meurgets 1989
(1er millésime de Jean-Nicolas Méo)

Nez de fruits secs ; pruneaux à l’eau-de-vie, évoluant sur la figue, les dattes et le cuir ; très mûr, presque rancio, déjà sur des arômes tertiaires un tantinet exotiques. **(*)
Clos de Vougeot 2005
Nez toasté, de caramel, complexe, avec des nuances de pâtisserie ; un peu chaud en finale et encore de l’astringence. **(*)
Clos de Vougeot 1999
Nez discret, avec des notes de sous-bois ; attaque sur la rondeur, la souplesse ; fruits rouges en rétrolfaction ; un vin plein de charme et d’élégance. **
Clos de Vougeot 1996
Nez de confiserie ; attaque sur les fruits rouges ; bon soutien acide tout au long de la dégustation ; reste charmeur, quoique moins puissant… **
Clos de Vougeot 1995
Nez de pivoine, traces de fumée ; de la cerise, puis de la griotte à l’attaque ; une belle puissance et des arômes très ouverts. Impressionnant. ***
Corton 1991 Clos Rognet
Nez curieux, avec des notes de cuir ; attaque suave, charnue et grasse ; bonne puissance et fruits rouges sauvages en rétro. Etonnante fraicheur… **(*)
Corton 1990
Nez de pâtisserie, avec un léger toasté ; attaque sur la puissance ; belle structure, avec une note encore un peu sévère. A la fois riche (14% d’alcool !) et apte à durer dans le temps. ***
Vosne-Romanée Les Brûlées 2002
Nez complexe ; attaque ample, sur le caramel et la pâtisserie ; du gras et de la puissance. Impressionnant. ***
Vosne-Romanée Les Brûlées 1994
Nez de pâtisserie ; attaque souple ; structure moyenne ; belle finale sur les fruits rouges (framboise et fraise) ; un vin qui a atteint son apogée, mais très agréable maintenant. **(*)
Vosne-Romanée Les Brûlées 1990
Nez toasté, léger brûlant, trahissant le millésime riche en alcool ; attaque sur les fruits compotes, évoluant vers les dattes et les figues ; crémeux et pâtisserie en finale. **
Echezeaux 2007
Nez floral (trahissant la macération à froid ?) ; attaque sur le fruit, la fraise, la framboise ; finale fraiche et fruitée ; longueur moyenne. **
Echezeaux 2002
Nez fermé ; attaque sur le biscuit ; structure moyenne ; assez long en bouche ; bon soutien acide, mais boisé un peu asséchant. *(*)
Echezeaux 2000
Nez de laine mouillée ; attaque sur le fruit, la gelée de framboise ; boisé finement présent ; magnifique longueur, avec un finale suave. ***
Vosne-Romanée Au Cros Parantoux 2007
Nez brioché ; attaque souple et suave, sur la framboise ; bon soutien acide jusqu’en fin de bouche. Un vin frais et fringant. **
Vosne-Romanée Au Cros Parantoux 2003
Nez de lard grillé, mais aussi d’épices orientales ; belle ampleur à l’attaque, suave, confiture de cassis ; note légèrement brûlante, trahissant la canicule, en fin de bouche. **(*)
Vosne-Romanée Au Cros Parantoux 2000
Nez floral et fumé à la fois ; attaque souple ; beau volume, suave avec une note de fumée en fin de bouche. Beaucoup de personnalité. ***
Vosne-Romanée Au Cros Parantoux 1992
Notes tertiaires, de figues séchées au nez ; élégant à l’attaque ; finale sur les fruits cuits, compotes, avec des nuances de cannelle et de cuir… **
Richebourg 1993
Nez complexe, minéral, avec des nuances de goudron ; belle structure, à la fois élégante et finement ciselée ; l’acidité le soutient agréablement. Etonnant dans sa définition. ***

©pierre.thomas/www.thomasvino.com