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Posted on 11 janvier 2005 in Tendance

La vente du vin par Internet enjeu colossal

La vente du vin par Internet enjeu colossal

Le vin sur Internet
passe par le Nouveau Monde

Demain, toutes les transactions passeront par Internet. Dans le tourisme et l'hôtellerie. Ou le vin, où les pionniers sont Québécois. Et ça ne va sans mal, comme on a pu en juger sur place à Montréal.Par Pierre Thomas
A la veille de participer au jury des Sélections mondiales de Montréal (voir encadré), un informateur suisse nous avait glissé: «Le Québec a des problèmes avec l'Organisation mondiale du commerce (OMC)». On aurait pu légitimement croire que c'était à propos du monopole de la Société des alcools du Québec (SAQ), par qui toutes les transactions passent. Aujourd'hui, la SAQ est «le plus gros acheteur de vin au monde», explique Ghislain Laflamme, un de ses cadres. Fondé à l'époque où les Etats-Unis décrétaient la prohibition, le monopole d'Etat amène, aujourd'hui, un milliard de dollars par an dans les caisses de la Belle Province.
Tout bénéfice pour l'Etat

L'augmentation de cet apport est mathématique: sur une bouteille de vin vendue 15 dollars au Québec, la matière première (y compris le transport!) ne représente que 5 dollars, les taxes diverses, 3 dollars, et les 7 derniers, soit 46%, sont pudiquement appelés une «majoration». Une sorte d'avance sur recette, qui permet d'assumer les frais de vente, de mise en marché, de distribution et d'administration, ainsi qu'un dividende à la caisse de l'Etat. La pompe à pinard actionne la pompe à finance. Voilà pourquoi le Québec, qui consommait en moyenne 12,3 l. de vin par habitant entre 94 et 98 a progressé à 15,3 l. ces quatre dernières années — et rejoint presque le Royaume-Uni (18 l.).
Parallèlement, le Québec s'est donné des garde-fous qui font école, tel le programme Educalcool, destiné aux jeunes. Un exemple de politique intégrée que les politiciens suisses, si frileux, devraient méditer, pour essayer de redynamiser la viti-viniculture indigène…Un portail mondial
Tirant vertu d'une hérésie en matière de liberté du commerce, le Québec a poussé le bouchon encore plus loin, il y a deux ans. Devant la montée d'Internet, la SAQ s'est associée avec un créateur de sites Internet de Montréal, Médiagrif, et un transporteur international d'origine allemande, Hildebrand, pour développer une plate-forme mettant en rapport les acteurs de la filière vinicole. En jargon, cela s'appelle un «cybermarché vertical» qui permet, en ligne, de faire des comparaisons de produits, de mener des négociations, de répondre à des appels d'offre lancés par des acheteurs, puis de passer commande et d'assurer le transport du vin dans le monde entier.
Aujourd'hui, plus de 700 producteurs, 60 acheteurs et autant d'agents, venant de 26 pays, sont en contact via le site www.globalwinespirits.com. Vice-président chargé du développement international, Réal Wolf, un commercial à la dimension humaniste, qui connaît bien l'Europe et compte quelques amis valaisans, croit au succès «inéluctable» de ce moyen de commercer. Mais l'avenir appartiendra à celui qui s'est levé tôt: déjà, les Québécois ont résisté au découragement qui a frappé d'autres esprits tout aussi inventifs.
Seul sur la planète vin

Aussi audacieuse soit-elle, l'initiative n'a pas été du goût de tous les Européens. Conçu et financé par les Québécois, Global Wine & Spirits a été perçu dans un premier temps comme un portail obligatoire pour accèder au marché contrôlé par le monopole d'Etat. D'où des protestations tant à l'OMC qu'auprès de l'Union européenne. Cet été, le nouveau directeur de la SAQ, un grand commis d'Etat, Louis Roquet, doit s'employer à faire tomber la pression. Il a ainsi constaté dans le quotidien montrélais «La Presse»: «Le mode de relations basé sur des relations de pouvoir est inadapté au monde du vin». Du coup, l'adhésion — payante — à Global Wine n'est plus indispensable pour avoir une chance d'être référencé dans l'assortiment de la SAQ (8000 vins). Dans la foulée, la régie ouvre son propre site de transaction «privé» (saq-b2b.com). Mais ne se retire pas du portail mondial, qui entend bien se développer et demeurer seul sur un marché désormais mondialisé.
Eclairage
Des concours toujours plus utiles

Parmi les moyens que la SAQ utilise pour découvrir de nouveaux vins, il y a les Sélections mondiales. Fondées il y a vingt ans, elles se déroulent tous les deux ans à Montréal. Cette année, fin juin, 84 jurés de 25 pays ont dégusté 2140 vins provenant de 762 producteurs de 30 pays. Le concours est patronné par l'Organisation internationale de la vigne et du vin (OIV, Paris) et par l'Union internationale des œnologues et fait partie de la Fédération mondiale des grands concours internationaux.
Les médailles, notamment d'or, ouvrent les portes des magasins de la SAQ, qui en fera la promotion en mars 2003. Si la Suisse avait brillé il y a deux ans — Provins-Valais obtenant le titre de meilleur producteur mondial —, elle a été plus modeste cette année, avec une seule médaille d'or, attribuée au muscat «Réserve des administrateurs» de Gay, à Chamoson (VS), appartenant à Schenk SA. Autre entreprise rolloise, Hammel, décroche une médaille d'argent avec un chardonnay vendanges tardives du Clos du Châtelard, à Villeneuve. Les blancs demi-doux et doux suisses rencontrent, du reste, un joli succès — comme dans la plupart des concours internationaux, cette année.
Ces vins sont mentionnés sur la plate-forme de Global Wine, qui patronne de surcroît l'International Wine Challenge (Londres), le Challenge de Blaye (France), et, nouveau venu, Mondus Vini (Allemagne). Une manière de redynamiser ces compétitions, pour éviter qu'elles se confinent à une distribution de (vaines) médailles.
Article paru dans Hôtel+Tourismus Revue, Berne, en juillet 2002