Pages Menu
Categories Menu

Posted on 27 mars 2010 in Tendance

Quel marketing pour les vins du Valais?

Quel marketing pour les vins du Valais?

Marketing

Comment profiler
les vins valaisans ?

Le premier volet de l’étude VITI 2015 avait posé pour principe que les vins valaisans doivent «monter en gamme». Le professeur HEC de l’Université de Lausanne Bernard Catry a livré, fin février, ses réflexions en matière de marketing. Analyse par Pierre Thomas
L’expert avait à répondre à deux questions : d’abord, quels marchés, ensuite, quel marketing pour les vins valaisans ? Le document publié (sur l’Internet, www.vs.ch/agriculture) étaie ses réponses par des faits. D’abord, il confirme sans surprise que le «marché suisse» est une illusion. Suisse romande ou Suisse alémanique (Est-Ouest du Plateau) sont deux cibles différentes. En Romandie, les vins valaisans détiennent une part de marché de 12% pour les vins rouges et de 29% pour les blancs ; en Suisse alémanique, où la marge de progression est plus importante, ces chiffres sont de 8%, respectivement 18%. Pour le professeur Catry, les Valaisans, en Suisse alémanique, devraient se contenter de conquérir les villes, mais aussi les hommes plus que les femmes, les Suisses plus que les étrangers, les 30 – 45 ans, davantage que les plus jeunes «dont la consommation est en baisse», et fidéliser les 45 – 59 ans, déjà partiellement acquis.
Condamnés au grand écart
La concurrence des vins valaisans diverge selon les deux régions, certes de langues différentes, mais surtout l’une productrice, l’autre moins. En Suisse romande, ce sont les vins romands que les vins valaisans doivent affronter, tandis qu’au niveau suisse, les vins étrangers sont le principal concurrent des vins suisses (40% de vins indigènes consommés). Pour des raisons stratégiques, mais aussi politiques, au moment où Berne entend que la promotion (subventionnée) des vins suisses soit générique et non en profilant les cantons, l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVV) devrait consacrer 70% de ses moyens au marché alémanique et n’intervenir qu’à hauteur de 30% sur le marché romand.
Plaidoyer pour l’oenotourisme
Malgré la marge de progression des vins suisses en Suisse, «le marché helvétique des vins est saturé». Les vins du Valais sont condamnés au grand écart. Alors qu’on pense en général que deux tiers des vins consommés en Suisse sont achetés en grande surface, ce secteur n’absorbe que 37% des vins valaisans. D’après le rapport, le Valais «peut progresser en grande distribution et en vente directe, mais les réseaux demeurent complémentaires et doivent être gérés comme tels.» La vente directe, elle, doit être stimulée par «la mise en place d’un vrai tourisme vitivinicole», dont le conseiller d’Etat Jean-Michel Cina a fait son cheval de bataille.
Une hiérarchie, mais comment ?
En tenant compte du rapport «produit-prix», «la gamme des vins valaisans doit être hiérarchisée, selon qu’il s’agit de dénominations porteuses d’image ou au contraire génératrice de chiffre d’affaires et cette hiérarchisation doit éviter toute banalisation.» Le rapport valide le rôle actuel de l’IVV, «très impliquée dans l’accroissement de la notoriété et de l’image des spécialités du haut de la pyramide», tandis que les «acteurs de la filière sont les plus concernés par le référencement, par la distribution et les actions de terrain». Il rejoint ainsi l’avis de Berne qui a mis son veto sur le projet de Swiss Wine Promotion de lier promotion de vins suisses et action dans les grandes surfaces…
Trop de spécialités pour le seul marché suisse?
S’il affirme que «le haut de la pyramide serait composé des spécialités comme la Petite Arvine et le Cornalin, relativement chères et produites en faible quantité, mais dont la qualité et l’originalité sont des vecteurs d’image pour l’ensemble de la filière», le rapport n’explique pas comment, dans la phase actuelle, écouler des vins réputés de niche, mais dont la production a beaucoup augmenté. Ces dix dernières années, en blanc, la production de Petite Arvine et de Païen a triplé, celle de l’Ermitage, presque doublé ; en rouge, le volume de la Syrah a plus que doublé, celui de l’Humagne, un peu moins que doublé, et celui du Cornalin, quintuplé ! Le marché, uniquement suisse, peut-il absorber autant de vins, réputés de haute qualité et donc chers, en si peu de temps ? Depuis 2000, la production de Fendant a diminué de moitié, celle de Pinot et de Gamay, de 20%, pourtant, en Suisse alémanique, le Fendant et la Dôle restent les vins valaisans avec le plus fort taux de notoriété.
Export : no way !
Ce qui est possible dans des pays comme l’Autriche et Israël, par exemple, qui ont renouvelé leur image ces vingt dernières années, et accru la qualité objective et la notoriété subjective de leurs vins en les valorisant sur un marché d’exportation de 25% en jouant sur les phénomènes de découverte et de mode, aucune région suisse ne peut le faire. Pour la simple raison que le meilleur des vins suisses ne s’exportent pas ! De l’aveu même du professeur Bernard Catry, l’exportation, pourtant importante «source d’image», «ne représentera sans doute pas plus de 1% de l’activité de la filière» valaisanne, avec 5% d’investissements en marketing. Encore faudra-t-il «sélectionner un nombre limité de pays (Allemagne, Angleterre, mais aussi Etats-Unis, Russie et Chine) et surtout d’emplacements branchés». Malgré tout, cet «export restera marginal», même si de boire du vin valaisan à New York ou Shanghai est un excellent signe pour les Zurichois ou les Bâlois.

Paru dans le Journal Vinicole Suisse de mars 2010.