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Posted on 17 mai 2011 in Vins suisses

La carrière internationale du Genevois J.-M. Novelle

La carrière internationale du Genevois J.-M. Novelle

Jean-Michel Novelle, consultant international

Le credo d’un œnologue genevois

Du vignoble genevois à la côte pacifique chilienne en passant par une abbaye en pleine Méditerranée, l’œnologue genevois Jean-Michel Novelle se démultiplie.

Pierre Thomas, de retour de Cannes

On ne le voit pas souvent en Suisse, même s’il vient de présenter, début avril, ses vins dans deux palaces genevois. C’est que Jean-Michel Novelle, «vigneron-créateur», à l’aube de la cinquantaine, œuvre tant à Satigny, sur le domaine familial du Grand-Clos (4,5 hectares) que dans le Sud de la France (plusieurs projets entre le Pic Saint-Loup et le Ventoux, les Dentelles de Montmirail et l’Ardèche).

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Consultant au Chili

Deux mandats lui tiennent particulièrement à cœur. Le domaine d’Amayna, au Chili, où il va repartir en mai. Près de 200 hectares, dans la vallée de San Antonio, proche du Pacifique, à l’ouest de Santiago et au sud de Valparaiso. Jusqu’ici, les vignes n’étaient plantées que dans la plaine, entre les collines. Désormais, elles le sont en coteaux. La capacité de la cave, reconstruite à neuf, a été triplée, avec un vaste chais à barriques, construit tout récemment. Sauvignon blanc et pinot noir trouvent, dans ce climat tempéré par les brises du Pacifique, une expression particulièrement savoureuse. Depuis 2003, l’œnologue genevois, formé à Changins, en est le consultant.
Ce même travail — «gratis pro deo», à l’exception des frais de transport —, il le fait au domaine de l’Abbaye de Leirins, au large de Cannes, à vingt minutes de bateau. A l’origine, la rencontre entre l’économe de la communauté de cisterciens, le père Marie Pâques, et le Genevois. Le religieux est un véritable entrepreneur : flouée dans l’exploitation des bateaux et dans celle d’un restaurant idéalement placé en face de la capitale bling-bling de la Côte d’Azur, l’abbaye a repris la main et exploite ces activités.

Des vignes sur une île

De même, elle a replanté des vignes, à hauteur de huit hectares. «Dans les années 1970, on avait arraché les vignes pour planter de la lavande sur 4 ha. En 1990, il ne restait plus qu’un hectare et demi de vin du cépage Clairette… Et plus personne ne connaissait le travail de la vigne. Nous sommes limités : nous avions perdu les droits de plantation et nous avons retrouvé aujourd’hui la surface d’il y a 110 ans», explique Frère Marie, en charge des tâches viticoles.
Peu à peu, l’activité vitivinicole a redémarré : le premier vin blanc date de 1992, la première syrah de 1995. Aujourd’hui, l’Abbaye de Leirins produit 40’000 bouteilles, dont deux tiers de rouge. Le domaine est classé en IGP (indication géographique protégée) Méditerranée et non en AOC (appellation d’origine contrôlée) Côtes-de-Provence.
L’Abbaye de Leirins vise, avec des produits exclusifs, chargés d’une histoire qu’il a fallu réécrire, une clientèle haut de gamme. Père Marie Pâques se déplace lui-même à Paris, mais aussi à Hong Kong, l’année passée, et à Moscou, cette année. Des importateurs distribuent le vin en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne, en Chine et en Russie. «Je n’ai pas fait d’école de marketing, j’ai juste un peu de bon sens», confie cet homme jovial, entré dans les ordres à 27 ans, après avoir fait les quatre cents coups et été apiculteur dans le Larzac.

Des flacons à plus de 200 francs !

L’abbaye a choisi son slogan : «Une île, des frères, un grand vin». Père Marie Pâques ajoute: «Notre pinot noir doit être aussi célèbre que la Romanée-Conti et notre Clos de la Charité aussi fameux que les enchères des Hospices de Beaune.» Les flacons sont vendus de 22 à 190 euros la bouteille, soit de 30 à 260 francs suisses! Depuis 2005, les vins doivent beaucoup au credo de Jean-Michel Novelle, œnologue iconoclaste : pas de levures endogènes, mais au contraire, un apport massif de levures sélectionnées, des cuvages très courts, pour favoriser le fruité et préserver la jeunesse des vins «en gardant le cœur des tanins et en ménageant l’extraction», dans le strict respect de la matière première. L’œnologue a opté, aussi, pour un unique fournisseur de barriques de chêne (Taransaud). La critique applaudit des deux mains : isolée au milieu de la Méditerranée, Leirins fait des vins à nul autre pareils. Déjà, ils figurent sur les meilleures tables du monde.
En Suisse, le Veveysan Denis Martin a été le premier à en importer une demie-palette en direct. Peut-être le locataire de la Confrérie des Vignerons s’est-il souvenu de ces cisterciens, défricheurs de Lavaux au XIème siècle, qui ont laissé aux vignerons vaudois leur devise latine : «Ora et labora» («Prie et travaille»).

Paru dans Hôtel Revue du 19 mai 2011. Téléchargez le PDF ici.