Barolo Night 2011 à La Morra
Grands vins et belle ambiance
C’est désormais une tradition des vignerons de La Morra, près d’Alba : en juillet, ils invitent les amateurs de toute l’Europe à une Barolo Night. La troisième édition a eu lieu le 24 juillet 2011. Par Pierre Thomas Il n’y a pas que de ce côté-ci des Alpes que la pluie modifie les plans estivaux. Au Piémont, l’orage s’est invité au moment où deux cents personnes se pressaient à l’oenothèque communale de La Morra, obligeant les chefs de cuisine à mitonner leurs plats en solution de repli, d’abord dans une cave du village, puis dans le magnifique chais de
Cordero di Montezemolo (
photo ci-dessous), à l’Annunziata, un hameau, synonyme de «cru» prestigieux du barolo, le roi des vins du Piémont.
A la bonne franquette
Arrosée, elle le fut donc, cette mémorable nuit. Bien sûr, la manifestation ressemble à tant d’autres, marquées du sceau de la convivialité, voire de la bonne franquette. Surprise, ainsi, de trouver, au moment de l’antipasto, planté au milieu d’une table ronde, un des flacons les plus prestigieux de La Morra, le Barolo Rocche dell’Annunziata-Torriglione 2007 de Roberto Voerzio. «Mais ça vaut 150 euros !», s’exclament des convives qui ont déboursé 130 euros pour la soirée. Ensuite, les vins servis ne pouvaient que souffrir de la comparaison…
Une question de millésimes
Barolo exige des amateurs de sérieuses connaissances. En matière de topographie — il n’y a pas, en Italie, de crus officiellement classés —, d’appréciation du potentiel d’un vin — le barolo se révèle dans sa plénitude après dix ans et plus de vieillissement — et, donc, de référence des meilleurs millésimes (
lire ci-dessous). Avec une première salve de 2007 et une seconde de 2004, les trois cents convives étaient (bien) servis. Ces deux millésimes passent pour les meilleurs de la dernière décennie : après les trois ans légaux avant mise sur le marché, les 2007 viennent de sortir. Ils paraissent souples et agréables dès aujourd’hui, mais cachent du muscle et du nerf, deux propriétés du cépage des grands vins piémontais, le nebbiolo. Alors que les 2006 paraissent plus austères, mais destinés à la garde, les 2005, plus fragiles, et les 2004 d’un grand classicisme, qu’on devrait retrouver en 2008.
Sang neuf dans les Langhe
Longtemps secret et refermé sur lui-même, le cœur des Langhe s’ouvre. Ainsi, le domaine
L’Illuminata, au pied de la colline de La Morra
(photo ci-dessus), a été relancé par
Guido Follonari, il y a dix ans. Depuis
Ruffino, une marque de chianti parmi les plus connues, le nom de cette famille est connue. Guido, quadragénaire de la nouvelle génération, est retourné à la vigne après avoir vécu à New York. Basée à Brescia, sa société,
Philarmonica, distribue des vins et des alcools étrangers dans toute la Péninsule. Pour les vins italiens,
Guido Follonari a misé sur la renaissance de petits domaines en Toscane (Bolgheri et Montalcino) et au Piémont, explique son directeur export,
Pepe Schib, Argovien d’origine.
A L’Illuminata, les 11 hectares d’un seul tenant produisent, à raison de 40’000 bouteilles, toute la gamme des vins piémontais : dolcetto, nebbiolo, barbera. Son Barolo Tebavio possède toutes les qualités d’un grand : derrière ces vins se profilent l’œnologue-conseil
Piero Ballario, qui signe aussi les vins d’
Elio Grasso, une référence dans le Barolo, à Monforte d’Alba. Tout naturellement, la Barolo Night représente pour ces producteurs, une belle manière de tisser des liens avec leur clientèle internationale.
www.barolonight.com
Les meilleurs millésimes du Piémont
La renaissance du Barolo (1800 hectares de surface; trois ans de cave, dont deux de fût) et du Barbareco (850 hectares de surface; deux ans de cave, dont un de fût) date des années 1970, sous l’impulsion d’
Angelo Gaja (né en 1940). Plusieurs producteurs ont acquis une réputation internationale. Les crus des plus connus atteignent des prix que seuls les bordeaux ou les bourgognes ont atteint jusqu’ici (150 à 300 euros à leur sortie de cave). Il n’y a pas de hiérarchie officielle de crus au Piémont, malgré plusieurs ébauches. La notoriété du producteur fait le prix : les barolos des meilleurs, hormis les vedettes, tourne autour des 35 euros, notamment dans les oenothèques de La Morra.
Avant 1985, le Barolo n’avait connu que des millésimes exceptionnels, depuis la fin de la guerre : 1947 et 1971. Puis sont venus 1985 et 1990 et, ensuite, des 1996, une série de très belles années, souvent par paires (97-98; 00-01; 06-07): 1996 excellente
1997 exceptionnelle
1998 exceptionnelle 1999 excellente
2000 exceptionnelle
2001 exceptionnelle 2002 normale
2003 bonne à excellente
2004 exceptionnelle 2005 bonne à excellente
2006 excellente, longue à se faire, puissante
2007 exceptionnelle Les 2006 et les 2007 sont comme les 89 et 90: succession de deux belles années, selon Antonio Galloni, le correspondant de Wine Advocate (Robert Parker) en Italie. 2007 abuse les dégustateurs, parce que les vins sont souples… 2008 excellente à exceptionnelle, selon les prévisions (sortie au printemps 2012)
2009 excellente à exceptionnelle, selon les prévisions (2013)
2010 normale (2014)
Paru en version courte dans Hôtel Revue, le 3 août 2011.