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Posted on 15 décembre 2011 in Tendance

Un pavé dans la mare des cépages valaisans

Un pavé dans la mare des cépages valaisans

«Le» livre paru en 2011

Un pavé dans la mare des cépages

La voilà — enfin — la «bible» des cépages valaisans et valdôtains, souvent parents. Les deux biologistes José Vouillamoz et Giulio Moriondo ont présenté l’ouvrage début décembre au Sensorama du Château de Villa, à Sierre.

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Le Valdôtain Giulio Moriondo (à g.) et le Valaisan José Vouillamoz au Sensorama.

Par Pierre Thomas
Ce magnifique album illustré de 225 pages, se clôt par un triptyque : un «arbre généalogique global» des cépages valaisans et valdôtains. Avant que José Vouillamoz, docteur en sciences de l’Université de Lausanne, s’en aille passer une année (2002) chez la pionnière de la méthode ADN Carole Meredith, à l’université californienne de Davis, on savait déjà que certains cépages valaisans ont une parenté avec les valdôtains. De son côté, alors collaborateur scientifique de l’Institut agricole régional d’Aoste, Giulio Moriondo avait publié en 1999 un inventaire des «vins et cépages autochtones de la Vallée d’Aoste». Durant dix ans, les deux chercheurs ont approfondi leur travaux. Et ce livre, espère José Vouillamoz, devrait «être une référence, lisible par tous, détaillée et fouillée. Dans un siècle, j’espère qu’on s’y référera comme on a évoqué durant ces cent dernières années l’ampélographie de Viala et Vermorel».
Réhabiliter le «rouge du pays»
L’ouvrage, pour qui s’intéresse aux vins, est passionnant. Le Suisse, comme l’Italien, n’hésitent pas à casser les mythes. Le plus fameux est celui du cornalin, un nom donné en 1972 pour mettre en valeur le «rouge du pays». Vouillamoz a prouvé par l’ADN que ce cépage est le fils du mayolet et du petit rouge, deux cépages valdôtains. Aujourd’hui, il milite pour le rétablissement du nom «rouge du pays» : plusieurs vignerons valaisans seraient prêts à y revenir… Car le cornalin existe en Vallée d’Aoste: c’est le nom de l’humagne rouge valaisanne. Pour aller jusqu’au bout du raisonnement, il faudrait donc renommer le cornalin du Valais, «rouge du pays», et l’humagne rouge du Valais, «cornalin»«Ce serait le bordel!», rigole José Vouillamoz. Il n’hésite pas, non plus, à s’approprier le completer, cépage cultivé dans les Grisons, mais qui est peut-être né en Valais où il existait en 1627, date où est mentionné le lafnetscha, son «fils» issu de son croisement avec l’humagne (blanche). Il existe encore, du reste, des plants de completer à Eyholz (Haut-Valais), mais les vignerons locaux continuent de l’appeller lafnetscha.
Le curieux document de 1313
Les deux auteurs mettent en parallèle ces recherches avec des documents historiques. Le premier, en Valais, apparaît en 1313 dans le val d’Anniviers et seulement en 1691 en Vallée d’Aoste. Ces deux dates soulèvent deux questions:
1) pourquoi connaît-on déjà des noms de cépages en 1313, alors qu’aucun document n’en mentionne jusqu’au début du 17ème?
2) comment des cépages de la Vallée d’Aoste se sont-ils retrouvés en Valais, alors que leur nom n’est mentionné qu’à partir du 17, voire du 18ème siècle ?
La première question, les auteurs se la posent aussi. Et à la seconde, José Vouillamoz répond par l’analyse ADN: les parents de plusieurs cépages valaisans sont encore cultivés en Vallée d’Aoste et ne le sont plus, ou ne l’ont jamais été, en Valais. Pour lui, l’antériorité est démontrée: «En histoire, les réponses les plus simples sont souvent les plus exactes. Les dialectes sont les mêmes, les vaches aussi ; les Valaisans et les Valdôtains entretiennent des relations par les cols alpins depuis le 13ème siècle». Et si le Valaisan passe, parfois, pour un «traître à la patrie», il est reconnu mondialement: la journaliste anglaise Jancis Robinson lui a confié la co-rédaction d’un livre décrivant 1’375 cépages vinifiés dans le monde, dont 32 suisses. A paraître en septembre prochain (2012) chez le prestigieux éditeur londonien Penguin Book.
*«Origine des cépages valaisans et valdôtains», 69 fr., Editions du Belvédère, Fleurier (NE)
Version courte parue dans Hôtel Revue du 15.12.2011