Pages Menu
Categories Menu

Posted on 30 avril 2012 in Vins suisses

Les vins de Lutry s’approprient Lavaux

Les vins de Lutry s’approprient Lavaux

Petite coopérative centenaire, l’Association viticole de Lutry devient «Terres de Lavaux Lutry», avec un logo dessiné par Oscar Ribes. Une pièce à verser au dossier de Lavaux, cinq ans après le classement au Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Par Pierre Thomas
Avec ses 55 propriétaires pour 13 hectares de vignes, la Viticole de Lutry, aux portes est de l’agglomération lausannoise, n’est pas une entreprise comme les autres. Elle écoule environ 200’000 bouteilles, pour 45% chez des privés, 25% en horeca, et 30% en vrac, via le négoce. Elle partage son œnologue, Fabien Bernau, avec l’Union vinicole de Cully, avec qui elle a un contrat de prestations et signe quelques vins. Paraphé pour 5 ans en 2007, il a été prorogé de 2 ans cette année. Des fiançailles qui durent, car Lutry se serait volontiers mariée avec Cully, qui a dit non de justesse en novembre passé…site_jecestoppey3_vitilutry.jpg

Jean-Charles Estoppey, président de la Cave de Lutry et promoteur d’une «cave de garde» à Lavaux…

Rien ne va vite, dans ce coin du canton de Vaud marqué par l’esprit de clocher. Prudent, avant d’affirmer leur appartenance à Lavaux, la cave de Lutry a demandé à une étudiante française, Maëlle Renard, d’entreprendre, durant six mois de stage, une étude sur l’image des vins de Lavaux chez une cinquantaine de restaurateurs lausannois. Interrogé en face à face oral, 92% ont répondu qu’ils trouvent naturel de proposer des vins suisses sur leur carte.
Une législation incompréhensible
25% trouvent aussi que des vins de coopérative sont peu flatteurs. Et 78% préfèrent le lieu de production Villette à Lutry. Pour les restaurateurs, les «lieux de production» Dézaley, Calamin, Epesses et Saint-Saphorin demeurent les plus parlants de Lavaux, même si, depuis 2009, l’«appellation d’origine contrôlée» est Lavaux, qui, sur les étiquettes, doit impérativement suivre le nom du lieu de production.
Il faut dire que le législateur vaudois n’a pas facilité les choses, puisque dans un vin blanc d’Epesses, AOC Lavaux, il peut y avoir 60% d’Epesses, dont l’aire viticole a été étendue (comme celle de Saint-Saphorin, du reste), et 40% de la région (de Lutry, par exemple), sans compter les 10% de coupage avec du blanc vaudois. Seuls les grands crus permettent d’identifier à 90% un vin à son lieu de production.
L’enquête, même si elle n’entrait pas dans le détail des «grands crus», devrait amener du vin au moulin de ceux qui désirent redonner au Dézaley et au Calamin leurs lettres de noblesse, en les reclassant AOC à part entière, et même premiers grands crus, une nouvelle dénomination dont les onze premiers, tous des chasselas, seront officiellement présentés mardi prochain (8 mai 2012) à Lausanne.
Un médecin pour une «cave de garde»
Mais la Viticole de Lutry va s’engager résolument sous la bannière générique de Lavaux. Même si le chasselas représente encore 65% du vin encavé, et le pinot noir et le gamay, 20% ensemble, elle s’est diversifiée, proposant du rosé, des spécialités blanches et des cuvées haut de gamme rouges en barriques. Les étiquettes, elles, restent traditionnelles, comme en témoigne ce Lutry en Lavaux 2011 signé de la Viticole de Lutry.
La petite coopérative risque-t-elle de faire de l’ombre aux autres caves de la région classée au patrimoine mondial? «Tout ce qu’on fait sous le nom de Lavaux profite à tous», rétorque le président Jean-Charles Estoppey. Et, de toute manière, ni les mots «terres» ni les mots «Lavaux», ne peuvent être protégés. Le président, engagé depuis 12 ans à la tête de la coopérative, a un profil détonnant. Il bichonne lui-même du viognier à temps partiel, mais est aussi médecin. Et le Dr Estoppey n’a pas hésité à proposer, il y a quelques jours, à ses pairs vignerons de Lavaux de mettre sur pied un système de «caves de garde» pour assurer une permanence d’ouverture chaque dimanche. Samedi et dimanche de Pentecôte, «Terres de Lavaux» s’apprête à recevoir les curieux dans son espace de dégustation, muni d’une licence de «buvette». L’an passé, ce sont près de 400 personnes, «des jeunes femmes, même venues en nombre de Zurich», témoigne le président, qui ont répondu favorablement à l’opération des caves ouvertes vaudoises à Lutry.
Paru dans Hôtel et Tourisme Revue du 3 mai 2012.