Valais — Le marathon de Thierry Constantin
Le marathon du petit vigneron
A 33 ans, Thierry Constantin est déjà une forte tête du vignoble valaisan, même s'il n'a repris les rênes de l'association des vignerons-encaveurs que depuis deux ans. Et, cette année, il préside l' »union » valaisanne des « petits », selon un tournus avec la Confrérie Saint-Théodule, conduite par Axel Maye, de Chamoson. Les deux entités, l'une plus démocratique, l'autre — la confrérie —, plus élitaire, parce qu'il faut être parrainé pour y accèder, sont enfin réconciliées. « Ensemble, nous représentons un quart de la surface viticole valaisanne. Avec un peu plus de 300 vignerons-encaveurs, nous pesons donc le même poids que Provins et ses 5000 coopérateurs », constate le vigneron.
Qu'un jeune entrepreneur se dévoue à la « défense professionnelle » intrigue: « Peut-être ai-je la fibre revendicatrice? » En Valais, les chantiers à venir s'appellent refonte de l'AOC, mais aussi lutte contre le marché noir. « Il faut arrêter de se voiler la face: il y a plein de gens qui font du vin en douce. Tous les secteurs sont touchés: les coopérateurs, mais aussi ceux qui livrent à des négociants. » Ces vins qui échappent à tout contrôle, que représentent-ils? « On parle de cinq millions de litres par an: c'est exactement l'excédent de la production que nous déplorons… » Thierry Constantin en est convaincu: « Plus on serrera les quotas, plus il y aura de vin au noir. Il faut introduire des contrôles à la vigne, pour tous les producteurs. »
Constantin est tombé dans le tonneau tout petit: un de ses grands'pères était pépiniériste viticole, l'autre vigneron. Son père était aussi viticulteur et livrait son raisin à un négociant; il travaillait 12 ha, 90% de pinot noir et 10% de chasselas. La mue, le fils, tout juste sorti des cours de « viti-œno » à Changins, l'a faite. Depuis cinq ans, il a reconstitué le domaine, s'est défait de vignes louées, en a loué d'autres. La surface totale est tombée à 5,5 ha et le pinot noir n'est présent plus qu'à 30%, le chasselas à 5%. Le reste est planté en petite arvine, amigne, cornalin et syrah, mais aussi en viognier, sauvignon blanc, merlot et cabernet sauvignon.
S'il vinifie dans la banlieue de Sion, Thierry Constantin achève ces jours sa maison familiale à Pont-de-la-Morge, au bord de la route cantonale. C'est là qu'il aura son stock de 35'000 bouteilles et son local de dégustation. « Je suis le vigneron-encaveur le plus rapide du monde: 2 h. 14 sur la distance du marathon », rigole cet ex-champion suisse, qui sait que le chemin du succès peut être ardu. Avec sa femme, une triathlonnienne rencontrée en Italie, il a plein d'idées pour renouveler ses vins, des assemblages aux étiquettes. Signes favorables: ses enfants sont nés en 1995 et en 2000, deux excellents millésimes, salués par des caisses de bordeaux mises en cave pour l'occasion.
Texte paru dans Le Guillon, Lausanne, en été 2001.