Mase (VS) — Le Trappeur
Spécial copinage
On fête cette année les 200 ans de la naissance (et les 130 ans de la mort) de Jules Janin. Ce «prince des critiques» est passé à la postérité pour une citation: «Le journalisme mène à tout à condition d’en sortir». Jean-François Luy, rayonnant patron de bistrot valaisan, a appliqué la maxime à la lettre. Remercié d’un magazine romand à cinquante balais, cet ancien photographe, puis journaliste à l’agence AIR (qui nourrissait cles colonnes du Matin et de 24 heures, donc…) a viré sa cuti.
Martignerain d’origine, Evolénard au gré de vacances familiales, il a atterri à l’entrée du Val d’Hérens, à Mase. «Quand j’ai déposé mes papiers, j’étais le 222ème habitant». Au Trappeur, il aurait pu être accueilli comme le dernier des Dalton… Mais non, tout s’est bien passé, et il y achève, après un premier hiver, son premier été.
Au pied du bisse de Tsa Crêta, qu’un bistrot se nomme Le Trappeur, soit décoré de chaises habillées comme des squaws, entre des murs peints en jaune, vert et rouge, (d)étonne. Ce cadre fut éphémère au Cercle des Travailleurs de Neuchâtel, avant de déménager en Valais. Jean-François Luy n’y a pas touché, mais il a épuré la carte des mets, «tué» le bison, gardé le caribou du Québec, l’antilope du Kénya, le bœuf du Brésil et le cerf d’Autriche. Carnivores bienvenus!
Le journaliste qui a tourné la page a «hérité» d’une ex-belle-mère quelques trucs du métier. Il pratique l’accueil personnalisé à l’hôtel (deux chambres) et au bistrot (où tout le monde se connaît et revient) et diffuse les journaux (la caissette du Matin-Dimanche trône devant le bar), sans oublier la terrasse qui surplombe les toits.
Le néophyte s’est entouré de quelques piliers. En cuisine, Francis Germanier, un ancien patron de bistrot, tient le piano. Il apprête autant des fondues aux fromages «importés» de Châtel-Saint-Denis que les viandes sur ardoise. La plus amusante? Des dés de bœufs marinés au cognac, tendres, qui cuisent sous vos yeux — et vous voilà décoré d’un bavoir en papier, pour éviter les éclats brûlants… Le T-bone rappelle la grande Prairie et pour les petites faims, il y a des assiettes valaisannes. Et des poissons. Sans oublier un menu du jour. Le tout à prix doux (compter 30 à 40 francs par personne, le soir à la carte, boissons comprises). En salle, Cécile est «le personnage essentiel», dixit Jean-François. Les vins viennent du Valais, d’un négociant sédunois, d’un encaveur voisin (lire ci-contre) ou des «Amis de la Syrah», un côtes-du-rhône auquel je ne suis pas totalement étranger. Là, c’est du «spécial copinage» service compris!
La bonne adresse
Le Trappeur
Mase (VS)
Tél. 027 281 28 28
Le vin qui va avec…
Mono et microcuvée
Cette syrah 2002 de la Cave du Paradou, Jean-François Luy nous l’a amenée à table comme un ostensoir. On l’a bue avec tout le respect dû au précieux liquide, noir, à la fois fruité et poivré, long en bouche, aux tanins soyeux. A l’image d’un Jean Crettenand (Desfayes-Crettenand à Leytron), Jean-Laurent Spring, employé à la recherche viticole fédérale à Pully, montre qu’on peut allier théorie et pratique. Ce petit domaine familial à Nax, qui grimpe jusqu’à 940 m. d’altitude, réparti sur quelques dizaines de parcelles (3 ha au total), de part et d’autre du Rhône, produit deux douzaines de vins, tous en monocépage, à l’exception de la dôle, pour 35'000 bouteilles (toutes) vendues. Depuis dix ans, un œnologue d’origine péruvienne, Augusto Magallanes, élabore ces vins, notamment issus des trouvailles de Changins, du doral en blanc, et en rouge, du gamaret, garanoir, diolinoir et, petit dernier prometteur, le carminoir, croisement de cabernet et de pinot noir. Un pinot qui a du reste valu un VINEA d’or au Paradou, en l’an 2000. Rappel : VINEA, la vitrine des vins du Valais à ciel ouvert, à Sierre, c’est le week-end prochain.
Rubrique parue dans Le Matin-Dimanche, Lausanne, du 29 août 2004