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Posted on 16 novembre 2012 in Vins européens

Autriche, couleur pourpre

Autriche, couleur pourpre

Autriche, couleur pourpre

La proportion des vins rouges autrichiens est l’inverse du drapeau: deux tiers de blanc pour un tiers de rouge. Sauf dans le Burgenland.
Pierre Thomas, de retour d’Eisenstadt
A la frontière hongroise, sous l’influence climatique du lac de steppe de Neusiedl, plusieurs «poches» de vins rouges de haute qualité se développent depuis le début du nouveau millénaire. Sur cette portion de la plaine de Pannonie occidentale croissent près de 14’000 ha de vignes. Soit un peu moins que la surface viticole suisse, qui, elle, représente un tiers du vignoble autrichien.

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L’automne dans les vignes du Neusiedlersee

Dans ce Burgenland, le rouge domine à 55% — et c’est même la seule région d’Autriche où le rouge dépasse un quart du vignoble… Les deux cépages pourpres que sont le Blaufränkisch (22% de la surface) et le Zweigelt (19%) sont deux fois plus importants que les blancs, Grüner Veltliner (10,6%), talonné par le Welschriesling (10,3%).
La «stylistique» des DAC
Cette «vague rouge» est encouragée par l’émergence des nouvelles appellations, les DAC. Que cache cet acronyme ? Le pays du «servus» affectionne les racines latines et DAC signifie «Districtus Austriae Controllatus». La première DAC est née dans le Weinviertel (dont elle porte le nom), il y a dix ans, pour le seul Grüner Veltliner, le cépage blanc emblématique autrichien. A l’exception du Mittelburgenland en 2005, réservé au Blaufränkisch, les trois DAC suivantes l’ont toutes été pour du Grüner Veltliner. Revirement dès 2010, les quatre dernières DAC, à l’exception du Leithaberg, qui tolère aussi du blanc (pinot blanc, chardonnay, Neuburger), passent au rouge, avec le Blaufränkisch, pour le Leithaberg et l’Eisenberg, tous les deux dans le Burgenland, à l’instar des plus récentes DAC du Neusiedlersee (simple et Réserve), en totalité ou à majorité de Zweigelt, dès cette année.

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Le Neusiedlersee (visible dans le fond), dont le volume varie en fonction du niveau de la nappe phréatique, n’est alimenté par aucun cours d’eau

Ce système se rapproche du Piémont et du Priorat, cités en exemple. Ces deux régions ont aussi des législations pas faciles à décoder… Pour des raisons de marketing, en Autriche, les appellations sont réparties en neuf catégories, selon le style des vins, par exemple, pour les rouges, «classiques et élégants» ou «profonds et pleins». Dans la foulée, les producteurs et œnologues parlent volontiers de «stylistique». En adhérant aux nouvelles DAC volontaires, les vignerons se plient à un style de vin précis, sanctionné par une dégustation. La marge de manœuvre paraît assez importante, surtout en regard de l’élevage en bois.
Blaufränkisch favori du Burgenland
En vins rouges, les Autrichiens ne craignent pas de se comparer à des vins bordelais ou italiens, pour l’extraction de la couleur et des tanins, pour l’élevage et… pour le prix! Mais ils revendiquent d’interpréter leur propre partition sur la base des cépages locaux. Le Blaufränkisch, qui est aussi le Kekfrankos hongrois, se signale par des arômes de petits fruits rouges, de cerises, noire ou rouge. Il est puissant, avec des tanins souvent verts, malgré le parfait mûrissement du raisin. En retrait aujourd’hui, le Saint-Laurent est plus fin, moins corsé : il rappelle le pinot noir, même si des recherches ADN récentes démontrent qu’il n’en est point un parent, comme on l’a longtemps cru. Et les deux, Blaufränkisch et Saint-Laurent, ont été croisé par le Dr (Fritz) Zweigelt, il y a tout juste 90 ans. Il a donné son nom à la nouvelle variété. Là encore, des tanins robustes, des notes kirschées et un élevage en bois souvent soutenu.
Du rouge contre du blanc
La Suisse (2,4 millions de litres importés) est le deuxième marché d’export de l’Autriche, en fort recul en 2011 (moins 20%), tout comme l’Allemagne, premier marché. Mais la valeur des vins importés en Suisse (à 7,45 fr. le litre en moyenne) est trois fois supérieure à celle de l’Allemagne. Les Autrichiens espèrent rééditer — mais à l’envers ! — l’exploit des Espagnols qui, après avoir progressé en vins rouges en Suisse, le font également avec des vins blancs vifs du nord du pays, de la Rueda. Dans leur style vif et aromatique, ils jouent précisément dans la même Europa League que la majorité des… Grüner Veltliner !
©thomasvino.ch