Vaud et Valais: grands crus revus et corrigés
Par Pierre Thomas
Dès le millésime 2013, les vins de Dézaley et de Calamin ne devraient être, de fait, que des Grands Crus. Avant 2009, c’était déjà le cas. Mais la législation vaudoise a changé. Avec cette modification, les deux terroirs prestigieux de Lavaux ne retrouvent toutefois pas tout-à-fait leur place dans la hiérarchie. Les Grands Crus vaudois sont en fait les A.O.P. communales conformes au droit européen : ces vins échappent au coupage 60 – 40, avec un nom d’A.O.C. devenue régionale (exemple Féchy, A.O.C. La Côte, par opposition à Féchy Grand Cru, A.O.C. La Côte). (voir le décodage d’étiquette en fin d’article…)
Dans le cas du Dézaley et du Calamin, ces deux chasselas Grands Crus ne devraient être ni ouillés, ni coupés, mais conserveront une classification en A.O.C. Grand Cru selon le degré minimal naturel de sucre (71° Oechslé), soit en-dessous du seuil pour les 1ers Grands Crus, définition à laquelle ils aspiraient encore récemment.
Cette modification législative devrait intervenir en même temps que l’acceptation de «nouveaux» cépages rouges pour les 1er Grands Crus. Actuellement, aucun dossier de vin rouge n’a passé la rampe de la commission ad hoc, en pinot noir ou en gamay. L’arrivée des triplés dits «cépages de Changins», gamaret-garanoir-mara, devrait ouvrir le jeu vers des cuvées plus modernes, ainsi que le merlot. Un choix surprenant quand on sait que ses pionniers vaudois sont récents. Le merlot a progressé à la faveur du réchauffement climatique, puisqu’au début du nouveau millénaire (2000), il n’était cultivé que sur 3 hectares (2011 : 38 ha). Et dans les années 1970, «le merlot ne mûrissait qu’une année sur deux ou trois à Pully-Caudoz», se souvient François Murisier.
Valais: la bouteille fédérative coince
En Valais, la législation Grand Cru, qui se rapproche de celle des 1ers Grands Crus vaudois — le consommateur doit disposer d’un mode d’emploi pour apprécier ces nuances… — est aussi en train d’évoluer. Le Bulletin du Service de l’agriculture en fait l’historique. En 1988, la commune de Salquenen fonda le premier Grand Cru communal de Suisse. Cinq ans plus tard, le canton publiait un arrêté permettant à chaque commune d’avoir son propre règlement de Grand Cru, favorisant les spécificités et les cépages traditionnels: Vétroz en 1993, Saint-Léonard en 1994, Fully en 1996 et Conthey en 1999, adoptent alors un tel règlement.
De son côté, le canton a réaménagé la législation sur la viticulture. En 2005, l’Interprofession de la vigne et du vin du Valais (IVVS) établit un règlement de contrôle des Grands Crus. Les communes sont invitées à adapter leur propre texte à cette norme. En 2012 (sept ans plus tard, donc…), Fully le fait, et c’est, à ce jour, le seul «ancien» règlement adapté. Saint-Léonard devrait suivre. Et de nouvelles communes se sont ajoutées, comme Chamoson, en 2011 et Sion, en 2012, et bientôt, Leytron, d’emblée en conformité avec le règlement-cadre.
Quid de Vétroz, premier grand cru, après Salquenen ? Son adhésion s’achoppe à l’obligation du «signe distinctif» cantonal des Grands Crus, soit une bouteille facilement identifiable. Les vignerons-encaveurs de Vétroz tiennent «mordicus» à leur bouteille: aux dernières nouvelles, chaque Grand Cru valaisan pourrait se rallier au modèle de Vétroz… Ce flacon, bagué en son sommet, arbore en relief une grappe de raisin, le nom de la commune, et la mention Grand Cru (illustration en tête d’article, ci-dessus).
Grand Cru ou 1er Grand Cru : décodage vaudois
2) à gauche, l’étiquette 1er Grand Cru: la bouteille est plus haute que celle de droite, avec une capsule dorée et une bande or au-dessus de la vignette (identique à peu de choses près à la bouteille de droite, cuvée normale du Château).
3) un 1er Grand Cru n’est ni un domaine (puisque le même nom de Château peut être utilisé dans les deux cas et que le 1er Grand Cru est sectoriel, soit, dans le terrain, une bande de vignoble en coteau), ni un nom de village, dans les deux cas, Féchy, ni une appellation d’origine contrôlée, dans les deux cas, La Côte, mention obligatoire en toutes lettres sur l’étiquette.
4) la mise en bouteilles au château figure sur les deux étiquettes, en relativement gros sur le 1er Grand Cru, en tout petit sur le vin courant.
5) le Château de Malessert aurait pu préciser sur sa bouteille «normale» qu’il s’agit néanmoins d’un Grand Cru, puisqu’à 90% du vin est tiré du domaine — la précision Grand Cru figure sur la contre-étiquette.
Qui voit Château Margaux sur une étiquette sait immédiatement à quoi s’en tenir. Mais qui voit Château de X pour un vin vaudois doit décrypter l’étiquette principale et la contre-étiquette…
©thomasvino.ch