Une «dôle blanche»… de confusion
Berne propose de reviser l’ordonnance fédérale sur les boissons alcooliques. Il s’agit d’harmoniser le droit suisse avec le droit européen. Un peu, mais pas trop quand même!
Par exemple, lit-on dans le commentaire accompagnant les articles soumis à consultation le 13 décembre, «les règles liées au coupage, plus sévères dans l’Union Européenne, n’ont pas été reprises, car elles sont inadéquates et disproportionnées au regard de la zone de production suisse qui s’avère être très parcellée (sic).» Et, on le sait, les Vaudois, plutôt que d’élargir leur périmètre d’AOC de villages, ont préféré accorder un large droit de coupage (60% – 40% + 10% de droit fédéral), parfaitement non-compatible avec le droit européen.
Mais on en apprend aussi une bonne sur la dôle blanche. L’histoire rappelle la polémique européenne sur la nature du rosé (lire notre dossier de 2009) : vin «couillu» issu de raisins rouges ou «travesti» de rouge mâtiné de blanc ?
La question revient par la dôle blanche. Pour le Valais, c’est un vin AOC issu de pinot noir ou d’un assemblage de pinot noir et de gamay dans lequel le pinot noir domine. Et pour le droit fédéral, comme elle s’appelle «blanche», elle doit répondre à la définition des vins blancs. Un arrêt du Tribunal fédéral l’avait confirmé en son temps, et le chimiste cantonal valaisan (de cette lointaine époque…) mettait un zèle tout particulier à faire appliquer le droit fédéral, même s’il eût été plus judicieux de considérer cette dôle blanche comme la version rosée de la dôle (rouge), puisque issue de raisins rouges !
Mais, dès le moment où la dôle blanche est un blanc, on peut (logiquement), ensuite, la couper avec du vin blanc, explique le commentaire… Et, pendant qu’on y est, pourquoi ne pas pousser le bouchon un peu plus loin: «La pratique veut que le produit soit vendu l’hiver sous la dénomination de Dôle blanche et l’été sous la dénomination rosé, ce qui est doublement interdit.» Pourquoi ? Parce qu’on ne peut pas, primo, vendre un même vin sous deux noms opposés (vin blanc et vin rosé… donc rouge selon la définition légale), secundo, sous le nom de «rosé», si ce vin n’est pas «totalement obtenu à partir de raisins rouges».
Sous prétexte que «cette situation s’avère extrêmement difficile à contrôler», Berne propose «de faire une exception à l’interdiction d’adjonction de vins blancs pour deux vins bénéficiant d’une AOC (œil-de-perdrix et dôle blanche)».
Au passage, ça règlera le cas des Neuchâtelois (et d’autres sans doute…), dont on sait qu’ils ajoutent souvent un peu de pinot gris pour arrondir leur œil-de-perdrix!
Ce petit tour de passe-passe fédéral renvoie donc au dilemme européen où les Français, champions du rosé (il s’en boit davantage que de blanc dans l’Hexagone), s’étaient posés en vierge effarouchée.
Mais un hic subsiste en Valais: appliquant scrupuleusement les conclusions du Tribunal fédéral d’alors, et considérant la dôle comme blanche, quand bien même ils l’avaient eux-mêmes définie comme tirées de raisins rouges (quoique coupée après coup avec du blanc !), eh bien, Berne conseille aux Valaisans de modifier leur loi. Et de considérer — enfin — la dôle blanche comme un rosé. Mais pas tout-à-fait quand même, puisque ce rosé pourra être coupé avec du blanc, en toute légalité.
Moralité: si la dôle blanche vous fait mal au crâne l’hiver, préférez-lui donc… du rosé valaisan l’été!
©thomasvino.ch