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Posted on 16 janvier 2005 in Vins français

Bourgogne — La Suisse romande, marché à reconquérir

Bourgogne — La Suisse romande, marché à reconquérir

La Suisse romande,
un marché à reconquérir

Autant l’avouer d’emblée: l’image des vins de Bourgogne n’est pas bonne en Suisse romande. Tant dans les restaurants, où les bouteilles chères sont en perte de vitesse, qu’à domicile, où la majorité des vins sont consommés, selon un récent sondage.

Longtemps, les Suisses romands et les Bourguignons ont noué une idylle qu’explique l’Histoire. Charles le Téméraire n’eût-il perdu la bataille de Morat, en 1476, et la Suisse d’aujourd’hui aurait des contours bien différents et le pourtour du Léman serait français. Aujourd’hui, la Suisse reste un bon client de la Bourgogne — elle pointe au septième rang des importateurs. Le protectionnisme dont ont bénéficié les vins blancs suisses jusqu’en 2001 n’ont pas permis aux Bourguignons d’attaquer le marché des blancs avec des chardonnays d’entrée de gamme.
En rouge, le pinot noir, cépage planté dans tous les cantons suisses, et amené de Bourgogne il y a près de mille ans par les moines clunysiens, a joué le rôle de cheval de Troie. Mais si «on boit plus volontiers ce qu’on connaît», ce lieu commun se retourne aujourd’hui contre le bourgogne. Curieux, les Suisses veulent «zapper» et goûter de plus en plus aux vins du monde. Véhiculant une image de tradition, les flacons bourguignons ont donc de la peine à trouver preneur. Et si la France, dans son ensemble, reste la favorite des œnophiles romands, l’Hexagone ne fait pas mieux que les pays du Nouveau Monde en Suisse alémanique, où les vins italiens et espagnols ont la faveur des consommateurs. La Bourgogne doit donc reconquérir son marché le plus proche. Fin octobre, avec l’appui de la Sopexa, deux dégustations ont, du reste, eu lieu à Zurich et Lausanne.
Par Pierre Thomas/Lausanne

Restaurants
Une institution
Le Chat Botté, Beau-Rivage, Genève
La cave du Beau-Rivage (40'000 flacons !), joyau de l’hôtellerie genevoise, en face du jet d’eau, renferme un tiers de bourgognes. Le chef sommelier du restaurant Le Chat Botté, Jean-Christophe Ollivier, commente: «Nous sommes plus raisonnables avec les prix des bourgognes qu’avec les bordeaux. Mais il faut vraiment convaincre… Pas de problème avec les grands chardonnays, en début de repas. Pour les rouges, c’est plus difficile. Les clients prennent d’abord un blanc suisse et ont alors un choix très ouvert pour le rouge. Les Américains et les Asiatiques boivent volontiers du bourgogne ; les Anglais et les Russes, plutôt du bordeaux.»Beau-Rivage, 13, quai du Mont-Blanc, 1201 Genève — Tél. 0041 22 716 66 66
Un petit qui cache son jeu
Le Café de la Poste, Lutry
Sur les quais de Lutry, à deux pas de Lausanne, le Café de la Poste cache bien son jeu. Tout le monde vous dira qu’on y mange les meilleurs filets de perche de la région. Mais peu savent que cette adresse recèle une belle carte des vins, grâce à la complicité entre le patron, Patrick Simon, et Jean Solis, un négociant d’origine bourguignonne. «Il n’y a pas de secret. Si j’appliquais le multiplicateur de 3 ou de 4, je ne vendrais pas de grands vins», résume le patron. Chez lui, on trouve des bourgognes de 65 à 88 CHF.Café de la Poste, Grand-Rue 48, 1095 Lutry — Tél. 0041 21 791 18 72
Précurseur déçu
Le Pérolles, Fribourg
A la meilleure table de Fribourg, Pierre-André Ayer, le président suisse des Jeunes restaurateurs d’Europe, se souvient d’avoir lancé Vincent Girardin, le Bourguignon qui avait pris pour épouse une Bulloise, de la ville voisine. «Je vis encore sur les stocks. Seuls des habitués restent fidèles aux bourgognes. La clientèle plus jeune préfère diversifier ses goûts et se tourne vers l’Italie, l’Espagne, ou vers le Languedoc et le Roussillon.»Le Pérolles, 18 a, Bd de Pérolles, 1700 Fribourg — Tél. 0041 26 347 40 30
Le voisin enthousiaste
Au Boccalino, Saint-Blaise (NE)
«La Bourgogne et Neuchâtel ont en commun le même terroir et le même climat», assure Claude Frôté. Le meilleur chef de cuisine neuchâtelois entretient des rapports étroits avec le Bourguignon Jean-Marc Boillot. Ensemble, ils élaborent un chardonnay des coteaux du lac de Bienne. Le chef salue l’«engouement pour les chardonnays de 10 à 12 ans». En rouge, le pinot noir d’outre-Jura garde ses faveurs : «Les bourgognes n’ont jamais été aussi bons. Les connaisseurs font la différence. C’est ce qui sauvera le vin de Bourgogne !»Au Boccalino, 11, av. Bachelin, 2072 Saint-Blaise — Tél. 0041 32 753 36 80
Négociants
Le connaisseur
Mathieu, Aclens
Le négociant Jean-Pierre Mathieu est un amoureux de la Bourgogne, au point de posséder des vignes en métayage à Chablis (avec La Chablisienne), en Charmes-Chambertin (avec Christophe Roumier) et en Hautes-Côtes (avec Emile Giboulot). Regard lucide: «Les amateurs ont été déçus entre 1970 et 80. Ces mauvaises années collent à la peau des vignerons. Depuis 1995 et une nouvelle génération, tout a changé. Neuf de mes vignerons sur dix pratiquent la biodynamie et mettent l’accent sur la qualité du raisin et la pureté aromatique des vins. Mais un marché, c’est très long à reconquérir.»Mathieu SA, ch. du Coteau 29 a, 1129 Aclens — Tél. 0041 21 869 96 76 — www.mathieuvins.ch
L’exclusif
Granchâteaux, La Conversion
Bertrand Cosandey diffuse Bertrand Ambroise et les domaines Jean Boillot, Leroy ou Bertagna, dont les propriétaires sont domiciliés à Lausanne. «La gastronomie ne veut plus dépenser plus de 40 à 50 CHF pour une bouteille. Chez les privés, le très haut de gamme, très pointu, de grandes années se vend bien. Mais si j’ai des clients qui ne me prennent que du bordeaux, je ne compte pas d’amateurs exclusifs de bourgognes.» Granchâteaux SA, ch. de Champ-Maffrey 31, 1093 La Conversion — Tél. 0041 21 796 16 80 — www.granchateaux.ch

* Dossier de Pierre Thomas, paru dans le magazine Bourgogne Aujourd'hui, Beaune, édition de février 2005