Rechthalten (FR) — Zum brennenden Herz
A bison futé, cœur brûlant
Faut la trouver cette adresse, nichée sur une colline des environs de Fribourg, direction ma main (et le Lac Noir), sur les hauteurs de Chevrilles, Giffers pour les autochtones. Le père de Patrick Philipona a racheté l’auberge, il y a une vingtaine d’années. Le jeune patron, la petite trentaine, est volubile sur son parcours : débuts de cuisinier à l’Aigle Noir, sous les ordres des Fribourgeois Serge Chenaux et Frédérik Kondratowicz. Le Schild du premier et le Zaehringen du second (qu’il quittera au printemps pour le Restaurant de l’Hôtel de Ville) coiffent chacun deux toques au dernier guide GaultMillau. Des références, donc… Et puis départ aux maisons suisses des Jeux olympiques de Sydney (2000) et Salt Lake City (2002), restaurants qui régalent à la ronde et non seulement les athlètes helvètes. Puis le cuistot a prolongé ses séjours en Malaisie et en Australie, avant de revenir chez lui.
La carte retrace ce périple urbi et orbi. Pintade d’Afrique du Sud, agneau de Nouvelle-Zélande, kangourou d’Australie, bison du Canada. Mais pas de singe de Singine, même pas en hiver… C’est presque une démarche citadine au cœur de la campagne, où l’on s’attend à trouver des «roestis» et des «käseschnitte» à trois étages — il y en a aussi ! «Les jeunes, quand ils sortent, veulent de la nouveauté», argumente le (jeune) patron. Sur sa carte, il a noté cette citation de Paul Bocuse, en allemand, s’il vous plaît : «Beaucoup de gens ont oublié de manger et se contentent d’avaler.»
Un dimanche d’hiver, le potage à la carotte rouge, avec une goutte de vodka pour faire «bortsch», descendait tout seul, tonique et relevé. L’agneau des antipodes, pané à la citronnelle, valait son pesant d’originalité, même si un des deux morceaux était nettement moins rosé que l’autre… Le kangourou ne nous a pas fait sauter de joie : la viande ressemble au cerf pour la couleur et au cheval pour le goût, douceâtre, qu’accentuait une sauce aux arômes orangés. Les garnitures, pommes de terre sautées (dommage que l’aération «parfume» la petite salle à manger boisée !) ou risotto au safran et assortiment de petits légumes, sont agréables. Pour le dessert, toute la panoplie des glaces Moevenpick, et des spécialités locales.
La vieille auberge compte sur le «Passeport gourmand» pour élargir le cercle des amateurs d’exotisme à la bonne franquette, sans se prendre ni la tête, ni le porte-monnaie. Les vins sont au diapason : quelques importateurs d’Outre-Mer, comme on dit Outre-Sarine, proposent des bouteilles d’Australie et d’Afrique du Sud. Les deux pays, en été, ont droit à un mois de spécialités qui leur sont entièrement dédiés.
La bonne adresse
Zum brennenden Herz
1718 Rechthalten (FR)
026 418 11 31
Fermé lundi et mardi midi
http://www.brennendesherz.ch
Le vin qui va avec…
Métissage afro-valaisan
Jacques Germanier, le plus Valaisan du Cap ou le plus Sud-Africain du Vieux-Pays ? L’encaveur de Conthey, parti de rien, a creusé depuis douze ans son tunnel (nom de sa cave valaisanne) jusqu’aux antipodes. A l’enseigne d’African Terroir, il arrose toute la planète avec ses crus, sortis des caves et domaines de Cilmor et Sonop Farm (inaugurée en mars dernier). En Suisse, les vins d’un troisième domaine, Diemersdal, sont disponibles notamment via le site http://www.germanier.ch, où ils constituent le haut de la gamme de seize crus sud-africains. L’entreprenant Valaisan prête à ce domaine de 180 hectares à Durbanville, à l’ouest du Cap, son assistance technique et commerciale. La famille Louw, depuis un siècle à la tête du domaine fondé par des Hollandais en 1698, figure parmi les pionniers de l’exportation. Le pinotage, version 1999, allie fruits mûrs et compotés, et des arômes encore juvéniles de framboise, sur une structure plutôt légère (13°) pour ce mariage de pinot noir et de cinsault, appelé alors hermitage, un croisement obtenu en Afrique du Sud en 1925.
Chronique parue dans Le Matin-Dimanche du 27 février 2005