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Posted on 13 mars 2005 in Vins italiens

Vins bios et femmes: destins croisés en Toscane

Vins bios et femmes: destins croisés en Toscane

Entre vins bio et féminin
Destins croisés en Toscane
Les nouveaux consommateurs de vin se comptent de plus en plus parmi les adeptes des produits naturels. Et en Angleterre, plus d’un acheteur de vin sur deux est une femme. A la croisée de ces nouvelles voies, rencontre, en Toscane, avec un Romand qui mise sur le bio et avec la productrice d’un brunello «féminin».
Chaque année, les associations de producteurs («consorzio») de la Toscane invitent, en février, à une revue de détail du dernier millésime mis sur le marché (lire l’encadré). Une vaste opération, qui attire plus de deux cents journalistes, entre Florence et le sud de Sienne. Les dégustateurs y jouissent d’une grande liberté pour choisir les vins à déguster. Ainsi, c’est par hasard que nous avons croisé Antoine Luginbühl, installé au cœur de la région du Chianti Classico, près de Castellina.
Un Vaudois, pionnier du bio en Toscane
Ce fils d’agriculteur de Mies (VD) est parti en Italie, il y a vingt-cinq ans, pour cultiver six hectares de vignes en bio. «J’étais bio d’abord par intérêt technique. J’expérimente ce mode cultural à toutes les étapes : la santé de la plante passe par la taille et les effeuilles. Et, par honnêteté intellectuelle, je travaille sans cuivre depuis presque dix ans».
Avec des amis, dont un voisin, Napolitain, vigneron depuis sept ans, et qui considère le Suisse comme «son maître», et des Piémontais, ils sont une dizaine à prôner la viticulture bio en Italie. L’association, les Trimillii (www.trimillii.it), vient de se constituer en «consorzio» : «On se voit souvent et on fait les foires ensemble, comme Vinitaly à Vérone du 7 au 11 avril 2005».
Défenseur du sangiovese
Antoine Luginbühl se félicite de ses choix : «Au contraire de bien des producteurs du Chianti, j’estime que le cépage local, le sangiovese, convient aux vins de cette région, sans coupage. En bio, je fais des vins différents des autres… De toute façon, le sangiovese n’est pas à déguster : l’acidité, les tanins, le parfum ne s’expriment qu’à table», explique sereinement le Suisse. En cela, il est plus Toscan que les Toscans eux-mêmes ! «Ici, je reste encore abasourdi par la beauté des paysages.» Seul regret : les Italiens ne cultivent pas l’amitié spontanée de la Côte vaudoise…
Une rupture «féministe»
Même âge (la cinquantaine), même itinéraire de rupture. Depuis douze ans, Donatella Colombini Cinelli, née dans une famille de notables, joue sa carte. Quand elle a quitté le domaine familial, sa mère lui a donné un vignoble et des vins. «J’ai alors pris conscience de la grande discrimination dont souffrent les femmes. A l’école d’œnologie de Sienne, les étudiantes sont nombreuses et brillantes, mais ne trouvent pas de travail !» D’où l’idée provocatrice de lancer un vin «au féminin».
Une cuvée féminine
A la base, l’appui de quatre femmes : une «master of wine» anglaise, une importatrice italo-américaine, une propriétaire d’œnothèque italo-allemande et une «sommelière» italienne. Chaque année, elles choisissent, parmi les fûts de brunello di Montalcino, la cuvée «Prime Donne» (10'000 bouteilles). Tous les employés de la cave, du suivi des vins à l’accueil et la vente, sont des femmes. Seule exception : l’œnologue-conseil, Carlo Ferrini, «accoucheur» de nombreux crus toscans (Fonterutoli, La Massa, Nittardi en Chianti ; Poggio Antico, Talenti, à Montalcino ; Canneto, Sant’Anna, Poliziano, à Montepulciano).
«Les choses changent… Les jeunes femmes boivent toujours plus de vin. L’importance de leurs choix va monter encore !», prédit Donatella Colombini Cinelli. Et en Italie, le mouvement «Le Donne del vino» a pris une grande ampleur, regroupant plus de cinq cents femmes impliquées économiquement (propriétaire, productrices, œnologues, sommelières, etc.).

Eclairage
Du Chianti Classico au Brunello di Montalcino:
des millésimes récents de haute voltige

Près de 15% des exportations du Chianti Classico se font vers la Suisse, troisième derrière les Etats-Unis et l’Allemagne. La législation italienne oblige le dégustateur à une gymnastique ardue. Ainsi, 2004, année de maturité normale, sera propice aux «Riserva» du Chianti, disponibles dans un an, seulement. Les chiantis qui arrivent sur le marché sont les 2003, une année caniculaire et atypique, avec peu de vins frais et fruités.
Le décalage est encore plus considérable à Montalcino, où, d’ores et déjà, le Brunello 2004 s’est vu gratifier de la note maximale de cinq étoiles, rejoignant 1997, 1995, 1990, 1988 et 1985. Mais ces 2004 ne seront en vente qu’au printemps 2009 et les «Riserva» en 2010 ! On déguste donc aujourd’hui les 2000, supérieurs aux trois (petites) étoiles octroyées à l’époque, et les «Riserva» 1999, un millésime classique et élégant.
Quant au Vino Nobile di Montepulciano, il «tombe» sur l’ingrat et diluvien 2002. Souvent, le boisé masque une matière étriquée. Au contraire du 2001, dont les «Riserva» sont disponibles, où, parfois, la propension à l’extraction joue des tours aux œnologues.

Texte paru dans Hotel + Tourismus Revue, le 10 mars 2005