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Posted on 8 août 2005 in Tendance

La Damassine, une AOC à la Raclette?

La Damassine, une AOC à la Raclette?

Eau-de-vie du Jura
La damassine, une AOC à la Raclette ?

D’ici au 8 octobre 2005, belle bagarre en perspective autour de l’eau-de-vie la «damassine». Par une demande d’appellation d’origine contrôlée (AOC), les Jurassiens veulent la protéger strictement. Un combat qui rappelle celui de l’AOC Raclette.
Par Pierre Thomas
Quand, en novembre 2003, l’Office fédéral de l’agriculture a rejeté les recours contre la protection du mot Raclette réservé au seul Valais, il a ouvert une brèche. Les Jurassiens s’y engouffrent allègrement. Jusqu’en 2002, ils se sont querellés entre eux pour savoir si la «vraie» damassine provient d’arbres sauvages ou d’arbres greffés de petites prunes dites de Damas. Finalement, ils ont décidé de laisser le consommateur libre de son choix : l’étiquette devra mentionner de quel arbre provient le fruit distillé.
La «question jurassienne»
au fond de l’alambic

La provenance des fruits joue-t-elle un rôle déterminant ? Un des opposants à la protection géographique de la «damassine» limitée au seul Jura est aussi un de ses principaux élaborateurs depuis 1998, Jean-Pierre Mürset, longtemps acteur du marché du vin suisse. Au Landeron (NE), au lieu-dit A Beauregard, face au lac de Bienne, il produit une eau-de-vie chèrement vendue, reconnue de qualité dans les concours suisses d’alcools. «Parce que les autres damassines sont souvent moins subtilement distillées», glisse un dégustateur-juré.
Pour circonscrire l’AOC au Jura, les producteurs locaux (une centaine) s’appuient sur un sondage mené par un l’institut lausannois MIS Trend en 2004. Si peu de Suisses connaissent le mot «damassine» (12% des interrogés), les deux tiers l’associent au «canton du Jura». Du coup, est exclu non seulement le (dynamique) producteur neuchâtelois, mais aussi ceux du Jura bernois. Voilà la «question jurassienne» qui revient par l’alambic ! Dans «Le Journal du Jura» du 8 juillet, le président de la Chambre d’agriculture du Jura bernois, René Eicher, lance : «La damassine est autant interjurassienne que la tête-de-moine». Les opposants au projet limité d’AOC brandissent du reste un rapport jurassien, rédigé l’an passé, qui affirme qu’«il y a plus de différence entre les divers numéros (d’arbres greffés ou non) qu’entre les différents vergers», expérimentaux dont l’un était situé au Jura bernois…
Comme l’abricotine ?
Rude combat en perspective, que Berne devra trancher. Si l’AOC était limitée au seul canton du Jura, les autres producteurs ne pourraient plus commercialiser d’eau-de-vie sous le nom de «damassine», comme les producteurs industriels de raclette hors du Valais devront y renoncer, sous réserve de recours pas encore jugés pas le Tribunal fédéral. Autre élément à verser au dossier : protégée par une AOC, l’«abricotine» exige, à l’instar de la damassine (jurassienne), non seulement des fruits récoltés en Valais, mais une distillation dans le canton. Pourtant, selon des dégustateurs patentés, les plus fines eaux-de-vie d’abricot sont distillées hors du Valais et, du coup, perdent le droit à l’AOC ! C’est dire si la définition des appellations d’origine contrôlée est alambiquée…

Article paru dans Hôtel + Tourismus Revue du 11 août 2005.